L'après Bouteflika dans le brouillard



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C'est ce mardi que commencera l'après-Bouteflika tel que stipulé par la Constitution. Mais cette étape consécutive au mouvement de protestation qui a balayé sur sa route l'élection présidentielle, le gouvernement et le président, risque d'être troublée. Le mouvement populaire qui s'est imposé comme un interlocuteur incontournable dans tout processus de gestion des affaires de l'Etat rejette, dans le fond et la forme, la nomination de Abdelkader Bensalah ainsi que le Président du Conseil constitutionnel, Tayeb Belaiz ainsi que le Premier Ministre, Noureddine Bedoui. Ce qui donne à penser que ce processus risque de tourner court ou ouvrir la voie à une étape troublante dans la vie du pays.


Alors que certains observateurs considèrent la réunion du Parlement, siégeant dans ses deux chambres au Palais des nations, comme une simple formalité ou un non-événement, d'autres estiment qu'elle sera le point de départ d'un long processus politique et institutionnel. En fait, cette réunion devrait prendre acte de la déclaration du Conseil constitutionnel constatant la vacance définitive du poste de président de la République et activer l'application de l'article 102 de la Loi fondamentale.
Mais elle intervient à un moment où un débat intense se déroule sur l'acceptation ou pas par le mouvement populaire d'une transition constitutionnelle incarnée par une figure de l'ancien régime, Abdelkader Bensalah. Depuis plusieurs semaines, la rue ne cesse de revendiquer le départ du système, dans le sillage de la démission de Bouteflika. Départ du système qui signifie disparition immédiate des personnages qui ont soutenu le pouvoir. C'est pourquoi des milliers de manifestants ont scandé des slogans réclamant le départ des 4 B, les présidents du Conseil de la nation, du Conseil constitutionnel, de l'Assemblée populaire nationale et le Premier ministre. Pour les acteurs du mouvement citoyen, un processus de rupture avec les symboles du passé exige l'élimination de ces personnalités, qui avaient d'une manière notoire soutenu non seulement le cinquième mandat, à l'origine de la protestation, mais aussi toute la mauvaise politique de gestion de l'Etat, pendant des années. Déjà, avant même de commencer, la classe politique nationale était en ébullition.
C'est d'ailleurs dans cet esprit que les appels se sont multipliés pour boycotter cette séance, qui devrait consacrer Bensalah comme chef d'Etat pendant trois mois, le temps de préparer les élections présidentielles.
La réunion du Parlement intervient dans un contexte marqué par la démission des parlementaires de certains partis comme le Front des forces socialistes (FFS) et le Parti des travailleurs (PT), alors que d'autres formations politiques ont décidé de boycotter cette réunion, à l'instar des islamistes du Mouvement pour la société pour la paix (MSP) et du mouvement Adala de Djaballah. Mais le boycott des députés de l'opposition n'entraverait pas le déroulement de la séance d'aujourd'hui, car les groupes parlementaires des quatre partis de la coalition, le FLN, le RND, le Taj et le MPA sont majoritaires, bien qu'une quarantaine de députés du FLN se soient rebellés contre les directives de leur parti. De plus, le groupe des indépendants s'est rangé du côté de la coalition gouvernementale, soutenant ainsi Bensalah.
D'autres partis, notamment ceux de l'opposition, ont estimé que l'application de l'article 102 de la Constitution ne règle pas la crise politique actuelle, appelant à d'autres solutions politiques consensuelles dans l'esprit des articles 07 et 08 de la Constitution. Ils revendiquent directement la mise en place d'une instance collégiale présidentielle, qui devra gérer les affaires du pays pendant une période provisoire de 6 mois à une année, durant laquelle elle organisera des élections présidentielles, fera amender des lois sur les partis, sur le régime électoral et mettra en place des mécanismes démocratiques transparents sur la surveillance et l'organisation des votes. C'est la solution politique.
Or, le débat risque de durer encore, même si Bensalah est confirmé ce matin. Car la pression est énorme sur lui et sur le gouvernement Bedoui et rien ne peut interdire une démission de Bensalah si la protestation persiste et devient de plus en plus généralisée.
Pour rappel, l'article 7 stipule que « le peuple est la source de tout pouvoir et la souveraineté nationale appartient exclusivement au peuple », au moment où l'article 8 énonce que « le pouvoir constituant appartient au peuple. Le peuple exerce sa souveraineté par l'intermédiaire des institutions qu'il se donne, et aussi par voie de référendum et par l'intermédiaire de ses représentants élus ».
Mais en attendant, Bensalah assume la charge de chef de l'Etat pour une durée de 90 jours au maximum. Une période durant laquelle le chef de l'Etat dispose de prérogatives très réduites par rapport à un président élu. Il ne peut être fait application des dispositions prévues aux alinéas 7 et 8 de l'article 91 et aux articles 93, 142, 147, 154, 155, 208, 210 et 211 de la Constitution.
Selon les dispositions de ces articles, le chef de l'Etat ne dispose pas des prérogatives du président de la République, notamment en matière de nomination de membres du gouvernement, de droit de grâce, de remise ou de commutation de peine, ou de saisir, sur toute question d'importance nationale, le peuple par voie de référendum. Il ne dispose pas également des prérogatives relatives à la dissolution de l'Assemblée populaire nationale, à la tenue d'élections législatives anticipées, ou à la révision constitutionnelle.


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