Décryptage. Pourquoi l’armée doit se tenir neutre en Algérie



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Durant les préparatifs prévus pour les élections d’avril 2019, nous avons vu un militant politique des plus sincères, des plus engagés et des plus réputés pour son courage et sa probité morale et intellectuelle, activant depuis trente ans, en l’occurrence maître Aït-Larbi Mokrane soutenir un général qui venait à peine de sortir de l’ombre, à peine trois mois, dont on ne connaît pas encore ses positions sur tous les événements qui se sont déroulés. Bien que lui aussi est un homme qui force respect et considération et suscite sympathie pour son niveau et les signes de sagesse qu’il avait montrés durant ce laps de temps qu’on vient de le découvrir, par ailleurs. 

Ceci peut être expliqué par des raisons psychosociologiques. À mon sens, il trouve sa racine dans l’absence de l’Etat protecteur. L’insécurité sous toutes ses formes qui caractérise ces sociétés simples plus proches de la primitivité que de la modernité font qu’entre un homme armé et un homme sans arme, il n’y a aucune comparaison, comme l’écrivait un auteur. En effet, dans une société de chasseurs, celui qui requiert davantage de charisme c’est le plus grand chasseur; dans une société stable, c’est l’intellectuel plus que le politique ou le militaire; dans une société laminée par la misère c’est le riche et dans une société instable socialement c’est le militaire.

Ce n’est pas un hasard si la légende populaire disait que «si Amirouche était encore vivant, ça ne serait jamais passé comme ça». Aucun héros de la révolution n’avait suscité autant de charisme et d’admiration chez la masse, et n’a bénéficié de louanges de la part du peuple comme Amirouche. Ni Krim, ni Abane, ni Ben M’hidi, ni Aït Ahmed, ni Boudiaf… n’étaient en mesure d’arrêter la machine de guerre déployée par l’état-major des frontières à part Amirouche, pour la simple raison qu’il était un militaire et le seul militaire capable de fédérer et de mener d’autres militaires pour arrêter des militaires usurpateurs. Si Amirouche était capable de liquider ses propres soldats soupçonnés de connivence avec l’ennemi, chose qui s’est avérée par la suite comme une erreur, c’est que cela dénote aussi la psychologie de l’homme, que c’était quelqu’un d’intraitable quant au devenir du peuple et de sa révolution. Ce n’était sûrement pas quelqu’un qui aurait reculé ou tergiversé comme l’ont fait d’autres devant l’armée des frontières parce qu’ils étaient ses «frères» d’hier. Sa plus grande force est qu’il était intransigeant et sans complaisance car certains hommes malgré leur héroïsme se sont laissés faire quelques fois à cause de leur complaisance durant ces moments décisifs.

En général, la vision que peut avoir un militaire ou un politique est structurellement différente. C’est le jour où il y aura un Etat stable et constitué, ce jour-là seulement le militaire consacrera son génie dans le seul objectif de gagner la guerre et de défendre son territoire. Un militaire qui rentre en guerre pour défendre sa patrie ne fait pas de calculs quant à ses limites. Quelles que soient ses limites face à l’ennemi, il ne voit et ne doit prendre en compte que ses propres avantages, l’essor même de la guerre l’intéresse peu, qu’il gagne ou qu’il perde importe peu pourvu qu’il se batte, il se bat avant tout pour la dignité. Il est élevé dans le sens à avoir un courage militaire et toute concession face à l’ennemi est interprétée comme une indignité alors que pour le politique, faire des concessions conjoncturellement pour un enjeu majeur relève de la hardiesse.

Une armée quand elle est introduite dans la politique, elle se positionne politiquement en faveur ou en défaveur d’une partie, or l’armée est censée défendre non pas une partie mais toutes les parties de la patrie. Dans un Etat démocratique, on peut être majoritaire aujourd’hui et minoritaire demain, et vice versa. Ce faisant, pour se préserver de la division, l’armée devait se tenir neutre et traiter tous ses concitoyens avec équité. La règle sacro-sainte qui gouverne une armée c’est la discipline, ce n’est pas la démocratie. Si un chef militaire demande l’avis de son subordonné pour chaque action qu’il entreprend sur le terrain, il n’aura ni le temps ni le moyen de convaincre, le subordonné est censé exécuter les ordres, pas les discuter pour pouvoir avancer. Dans le domaine militaire, les demandes sont des ordres. Alors que la logique du politique est inverse, un militant politique n’est pas un soldat, il n’est censé adhérer qu’à des actions dont il est convaincu sinon il verserait dans l’opportunisme. C’est le cas d’ailleurs de ces partis-appareils qui obéissent à des ordres venus d’en haut plutôt qu’à leurs propres consciences.

Dès qu’un militant se comporte en soldat, il contribue à fractionner la patrie et devient dangereux et dès qu’un soldat se comporte en militant, il fractionne la patrie, il devient encore plus dangereux parce que comparativement au premier, le militaire porte une arme. Tous les militants de l’ex-FIS optant pour un projet islamiste n’auraient pas constitué un danger s’ils n’étaient pas ou s’ils ne s’étaient pas entraînés (forcés pour les uns et de plein gré pour d’autres) dans la violence, c.à.d. s’ils ne s’étaient pas comportés en soldats. C’est pourquoi un parti dans un régime démocratique doit s’atteler à former et à convaincre ses militants et non pas à les endoctriner. Le rôle du militant est de convaincre et non pas de vaincre alors que celui du militaire est le contraire, son rôle est plutôt de vaincre et non pas de convaincre. La discipline du militant politique se limite à ne pas porter la contradiction sur la scène publique, mais la taire à l’intérieur par peur de représailles, de stigmatisation ou par manque de courage, c’est faillir au devoir de militant. Le courage civil est plus important que le courage militaire écrivait Henry Fayol théoricien de l’organisation. Dire non à une position ou proposition non convaincante quand tous les autres disent oui, ou vice versa, appuyer une option louable quand tout le monde la rejette est une preuve de sincérité envers les idéaux du parti. L’unanimité aux directives d’un chef au sein d’un parti politique est un prélude à son effondrement. On ne gère pas un parti politique de la même façon qu’on gère une caserne. Le courage civil s’inspire de l’intelligence et de la conviction, alors que le courage militaire s’appuie davantage sur le physique. Cependant, l’unanimité pour une armée est une condition vitale à sa cohésion. Elevés dans ces principes, les structures mentales d’un militaire et d’un politique sont différentes, elles ne se croisent que dans la défense de la patrie. Chacun y va par son propre chemin, ils ne se rejoignent que dans l’intérêt suprême de la nation. C’est pourquoi, le rôle vers lequel doit évoluer l’armée dans l’étape actuelle c’est la sauvegarde du pays et servir de garde-fous contre la confiscation d’un acquis historique qui est la démocratie.

Que faire ?

À la lumière de ce qui vient d’être dit sur les sociétés démocratiques et de notre propre histoire, il ne s’agit pas de réinventer la roue, mais la dite roue doit être adaptée au terrain algérien. Il s’agit de la voie démocratique inspirée de la culture algérienne, dans toutes ses dimensions, quelles que soient sa diversité linguistique et sa multiplicité culturelle. L’Algérie, un pays continent diversifié géographiquement et culturellement mais uni en profondeur. Même s’il y a des expressions culturelles en apparence diverses, mais elles émanent toutes d’un même substrat culturel et toutes ses régions ont subi les mêmes souffrances dans l’histoire qui émanaient de mêmes sources. Toutes les régions d’Algérie ont subi les mêmes colonisateurs de par l’histoire depuis l’antiquité, elles ont donc subi les mêmes catégories d’exactions et les mêmes influences culturelles venant de ces colonisateurs. Elles ont toutes subi la même dictature même si on a tenté de monter des régions contre d’autres dans l’intention de maintenir le régime. Jamais une région n’a été colonisée et une autre épargnée ou bien que l’autre soit restée indifférente de ce qui s’est produit dans une autre. Même si la réaction contre cet ennemi étranger s’est opérée à des époques plus ou moins différées, qui est surtout dû à l’absence d’un Etat national et la structure tribale de la société dont les réactions ont toujours été lentes. Chose d’ailleurs vérifiable à l’intérieur des mêmes régions, où les réactions n’ont pas été également de manière instantanée d’une tribu à une autre.

Le peuple algérien est l’un des rares peuples à avoir fait une révolution, une révolution qui n’a pas atteint son terme certes, mais c’était la première fois dans l’histoire de l’Algérie que tout le peuple algérien s’est soulevé comme un seul homme et à travers tout le territoire national pour un objectif commun, contrairement aux soulèvements populaires de la période de la conquête. A ce propos, à supposer que la nation algérienne n’a jamais existé dans l’histoire comme veulent nous le faire croire ces théoriciens de l’histoire, sincères pour les uns et malintentionnés pour la majorité aux visées fédéralistes, autonomistes et même indépendantistes, la révolution du Premier Novembre à elle seule suffirait à être considérée comme acte de naissance de la nation algérienne où le sang du fin fond du désert a coulé, sur la neige de la montagne de Djurdjura et le sang des montagnards du nord-est versé sur le brûlant sable du désert. A moins qu’on sous-estime l’effort consenti par tout un peuple et que le nombre de maquisards tombés pour réaliser cet idéal est jugé insuffisant pour remplir le quorum qu’ils se fixent dans leurs petites têtes. ghettoïser la Kabylie n’est pas une bonne façon de régler ses problèmes. «Il se peut que les ghettos sécurisent, mais ils stérilisent c’est sûr», écrivait Mouloud Mammeri. Il ne faut pas tomber dans le piège des cultures ennemies, écrivait-il également.

La dure épreuve de la révolution a inculqué au peuple algérien un savoir politique que ne possèdent pas les autres peuples de la région. Sans verser dans l’auto congratulation, la réaction de notre peuple face aux événements récents nous le prouve à plus d’un titre. Pendant les événements d’Octobre 1988, en dépit du massacre perpétré sur un peuple désarmé où des centaines de jeunes sont tombés en un laps de temps record, le peuple n’a pas tenté de réagir par les armes pour se défendre comme c’est le cas en Libye; pendant la décennie noire, en dépit des violences exsangues qu’il avait subies dans sa chair, il a su éviter le pire en refusant l’intervention des forces étrangères comme c’est le cas de l’Irak et de la Syrie parce que nous le savions d’expérience que les Etats étrangers ont des intérêts à défendre pas des principes. C’est la réalpolitique qui prime, pas les droits de l’homme comme ils tentent de le faire croire. Les derniers événements de 2001, où des dizaines de jeunes sont tombés et des milliers sont blessés, pendant des mois les marches pacifiques étaient réprimées dans le sang, malgré que le peuple était armé, mais il n’est pas tombé dans le piège de la riposte. Cet esprit pacifique qui naissait dans la douleur certes était un indice fort de bonne santé sociale et du niveau politique élevé et de l’élite et de la masse. Comme quoi, les luttes pacifiques du mouvement culturel berbère ont porté leurs fruits. À ce propos, il convient de rendre un vibrant hommage aux initiateurs de cette lutte pacifique en dépit de l’extrême sensibilité que requiert le problème identitaire, ils n’en ont pas fait un problème ethnique ou un problème régional comme voulait l’engouffrer le pouvoir. L’esprit de responsabilité a prévalu. Le niveau politique et l’expérience du terrain des fondateurs de l’académie berbère d’où était parti le mouvement y était pour beaucoup. La prise en charge du mouvement par une jeunesse instruite avait imposé le caractère pacifique à cette lutte. Ils ont dû sûrement être inspirés des traditions politiques séculaires de la gestion de la cité de la Kabylie. Le mouvement était né dans l’enceinte d’une université après avoir connu sa gestation à l’intérieur d’une académie et accompagné intellectuellement par un penseur qui n’était pas des moindres en l’occurrence Mouloud Mammeri. Le fondateur de l’académie berbère a dû faire face à d’énormes pressions et déjoué des plans minutieusement ourdis en vue de transformer la dite académie en un parti politique. Sa perspicacité a eu raison sur les esprits malintentionnés de l’époque qui ont infiltré son institution.

Le secret de la force de ces mouvements pacifiques est dû au fait que ce sont les élites, les producteurs d’idées qui y émergent et encadrent le mouvement contrairement aux mouvements armés où ce sont plutôt les plus violents et non pas les plus intelligents qui prennent les rênes du mouvement. Or une élite est par essence pacifique. Ce faisant, elle empeigne le mouvement de son caractère.

Adopter une vision holiste

L’histoire récente et ancienne, récente du temps de la conquête française et avant la conquête, ancienne au temps des dynasties berbères qui ont régné en Afrique du Nord, nous montre qu’aucune région n’était capable de se défendre toute seule, ni même au temps de la Numidie. Mais ce qui importe plus que l’histoire et la géographie, c’est l’avenir. Nous sommes tous face aux mêmes défis que nous réserve l’avenir. Lesquels défis sont mêmes extranational, ils engagent toute la région de l’Afrique du Nord, c’est pourquoi, nous sommes tenus d’apporter des réponses à la hauteur de ces défis. La région de l’Afrique du Nord et de son cœur palpitant, l’Algérie est une des régions les plus stratégiques, des plus riches et des plus vastes, c’est pourquoi, nos visions doivent être aussi vastes que l’étendue de notre géographie et aussi profondes que la profondeur de notre histoire. Nous ne devons pas raisonner en parties, mais nous devons avoir une vision HOLISTE. Autrement dit, c’est tout le corps Algérie qui est souffrant et pas uniquement une partie de ce corps. Les maux sont peut-être différents ou plutôt nuancés d’une région à une autre, mais aucune région n’est épargnée par la crise. Une partie ne peut souffrir sans induire une autre. Quand on souffre, on a l’intention qu’on est les seuls à souffrir au monde, c’est pourquoi dans ces régimes autocratiques, chaque région se sent lésée par rapport à d’autres, alors qu’elles sont toutes souffrantes sans exception. «Cessez de martyriser une patrie où chaque partie se prend pour la patrie» écrivait le grand écrivain arabe Djebrane Khalil Djebrane. C’est pourquoi, les solutions à apporter doivent prendre en compte les préoccupations de toutes les régions dans leur globalité, dans ce qu’elles ont de commun à toutes et de spécifique à chaque région.

Eviter la précipitation et l’affolement

Nous sommes tous d’accord sur le fait que l’Algérie traverse actuellement un tournant décisif de son histoire contemporaine, un virage dangereux étant donné le poids des problèmes cumulés dans le temps. Pour ce faire, et pour éviter tout dérapage ou retournement de situation, nous sommes tenus de faire preuve de beaucoup de sagesse et de maîtrise de soi et d’y aller lentement, sans précipitation, mais aussi sans arrêt et sans discontinuité. Nous devons ouvrir un débat national à travers tout le territoire national où toutes les questions seront abordées chaque vendredi à l’image de ces marches d’espoir pour élaborer une charte nationale. Dans ce débat qui sera ouvert à tous, où chacun doit savoir que désormais plus personne ne pourra imposer quoi que ce soit sur qui que ce soit contre son gré. Partant du principe suivant : «quand deux têtes modestes réfléchissent à un problème elles auront plus de chances de le résoudre mieux qu’une seule tête super intelligente». La voie de dialogue ou plutôt les voies de dialogues sincères et transparents sans aucun complexe et sans tabou et sur tous les domaines sont à même de mener vers un consensus national en vue de dessiner les contours d’un contrat social qui servirait de PLATEFORME pour construire l’Algérie de demain. Il y aura automatiquement des têtes qui vont émerger et des représentants dans des assemblées confédérées qui serviront de noyaux de réflexion et non pas de promulgation de lois. Une fois les grands débats clôturés qui dureraient s’il faut deux années, il y aura une élection d’une assemblée des représentants du peuple. En attendant pour la gestion des affaires courantes, un présidium de trois intellectuels apolitiques réputés pour leurs probités morales et intellectuelles avec un gouvernement de technocrates qu’ils désigneront avec l’engagement de ne pas se représenter pour des élections avant l’achèvement de la période de transition.

Faire participer tout le monde en vue de traiter tous les thèmes sources d’inquiétude

Pour cette construction nationale et pour entamer ce vaste chantier, toutes les sensibilités doivent s’exprimer, non pas par sentiment de sympathie qu’on puisse réserver pour telle ou telle sensibilité mais par droit d’appartenance à cette nation. Le droit de se sentir libre sous le toit Algérie. Les élites chacune dans son domaine doivent s’impliquer dans la chose publique et énoncer leurs visions collectives et individuelles et les correctifs nécessaires à apporter sans émotions et sans passions. Retenons la leçon de l’histoire de nos parents. C’est la non maîtrise de leurs sentiments aussi nobles soient-ils pendant le congrès de Tripoli qui les a menés droit à la confrontation dont les séquelles ne se sont pas estompées 60 ans durant. Si l’histoire de nos parents nous semble lointaine, notre histoire récente de la décennie noire peut nous le rappeler. La confrontation physique n’a jamais été une solution idoine à la confrontation des idées. Que toute personne honnête ou du moins qui se croit comme telle qui n’a jamais été impliquée à un moment ou un autre dans un crime de sang ou de grande corruption fasse l’effort de se surmonter, de dépasser son état d’âme et apporter sa touche. Pour ce faire «opposons l’optimisme de la volonté au pessimisme de l’intelligence» comme l’écrivait Antonio Gramsci. Toutes les catégories socioprofessionnelles, et tous les citoyens quels que soient leurs niveaux et quelles que soient leurs échelles sociales à l’image des Djemââ de Kabylie où il n’y a aucune distinction d’âge, de classe sociale ou de niveau intellectuel.

Sensibiliser les indifférents pour une adhésion active

C’est pendant ces phases de transition que se dessine l’avenir des générations. C’est notre petit sacrifice d’aujourd’hui qui épargnerait les générations futures de lourds tributs demain.

Si l’élite continue dans son mutisme et se montre encore indifférente de ce qui se dit et ce qui se fait dans la société et si elle se déconnecte de ses soucis en ces moments historiques que traverse l’Algérie, les opportunistes auront les coudées franches et le terrain balisé pour leurs funestes projets. C’est en ces moments de gestation que se forge l’avenir de l’Algérie. «Le vieux monde se meurt et le nouveau monde tarde à apparaître et dans ce clair-obscur surgissent les monstres» écrivait encore Gramsci. La majorité silencieuse doit savoir que c’est le silence des braves qui a laissé les haineux sortir leurs fiels et permis aux vulgaires de profiler leurs obscénités. À un certain moment de notre histoire, en 1991 c’est la majorité silencieuse qui a fait de la minorité absolue une majorité absolue et qui a tenté de nous minoriser absolument. Elle a failli nous faire taire définitivement. «Essusman wid iwalan almi nugadh amuqal» disait le grand poète Aït Menguelet « traduction: ils se sont tus ce qui ont vu au point où nous avons peur d’ouvrir les yeux pour voir» s-alxuf nalbatal narra amcic d-aghilas». À force d’avoir peur de faire erreur, nous en avons fait du chat un tigre.

Le silence est de l’or disait nos parents, or il faut savoir que le problème des sociétés primitives, ce n’est pas qu’elles n’ont pas de principes, mais elles ont des principes qui sont souvent faux. Toute personne opérant dans n’importe quel secteur, il viendra le jour où elle le quittera et dans la vie quotidienne quelle que soit la qualité des relations qu’on puisse entretenir avec des gens, on finira toujours par s’en séparer. En fin de tout cursus, on se fait spontanément un examen de conscience, et là il y a toujours des regrets qui surgissent, des regrets pour avoir bien fait et qu’on n’a pas fait mieux, et des regrets pour avoir mal fait certaines choses, mais le pire des regrets c’est de ne pas avoir tenté de faire, et de ne avoir essayé de changer quelque chose qui apparaissait difficile, finalement qui n’a été difficile que parce qu’on n’a pas essayé. «La guerre que l’on perd c’est celle qu’on n’a jamais engagée» disait Napoléon Bonaparte. C’est l’indifférence qui torture le plus les consciences. «Akan ig-alla yar wawall i talla yar tasusmi» traduction: «Comme il y a des mauvaises paroles, il y a des mauvais silences» disait le proverbe kabyle. Ce sont des silences complices. En effet, il y a des complicités actives, il y a surtout celles qui sont plus nombreuses, ce sont les complicités passives.

La citoyenneté et l’indifférence ne font pas bon ménage. Il n’y a aucune loi électorale qui puisse donner une représentativité à l’indifférence. Il n’y a que le silence des morts qui est neutre, celui des vivants dérange sans preuves, détruit sans bruits et tue sans outils. C’est le manque de sensibilité qui rend les gens indifférents. Tous ceux qui ne sont pas doués d’une sensibilité ne peuvent être dotés de sens dans ce qu’ils font ou dans ce qu’ils disent. Il y a quelque chose qui est mort au plus profond des indifférents, c’est la sensibilité. Cette flamme qui éclaire et qui réchauffe est éteinte au plus profond de leurs âmes. On peut se taire par peur momentanément mais jamais indéfiniment, pour la simple raison que la peur n’est jamais définitive, il y a toujours des moments où elle s’estompe pour pouvoir la surmonter.

La fatalité n’existe pas dans l’histoire, c’est l’inertie des indifférents et l’égoïsme des calculateurs qu’on appelle par erreur fatalité. Tous les problèmes d’apparence complexes, compliqués, voire même insolubles, sont dus à l’origine à de petits problèmes sous-estimés, négligés et méprisés qui se sont cumulés au fils du temps au point de devenir insurmontables. Les peuples libres ce sont les peuples qui luttent. Ceux qui ont la liberté comme une culture sociale et individuelle. En effet, la liberté est avant tout un exercice à la fois social et individuel. Les institutions qu’érige la société sont censées défendre la liberté et la dignité des individus, mais aucune institution au monde et de par l’histoire ne peut défendre toute la dignité, il reste toujours une part de dignité qui revient à l’individu de défendre à titre personnel. De même, il n’y a aucune structure aussi absolutiste qu’elle soit ne peut venir au bout de toute la liberté dont jouit un individu. A ce propos même ceux qui sont sous domination mais qui demeurent insoumis intérieurement, sont plus libres que ceux qui ont des drapeaux (indépendance) mais qui se laissent manipuler par des lobbyings, par des pouvoirs occultes et dirigés indifféremment par ce parti ou celui-là. C’est pour dire la force dont est doué l’homme et sa responsabilité quant au sort qu’il décide à donner de son propre chef à sa vie.

Il est bien connu que les forces du mal sont plus disposées à l’action que les forces du bien. Par nature, les forces du mal sont des forces offensives, alors que les forces du bien sont plutôt enclines à la défensive. Cependant, l’excès de prudence pousse souvent à l’immobilisme; à force de vouloir éviter les erreurs, on risque de laisser passer des délits énormes. C’est souvent la passivité et l’inertie des gens du bien qui est la source des malheurs plus que la force des malfaiteurs. Dans toute initiative, il y a une part de risque et un prix à donner au préalable sans être sûr du résultat, un risque à courir, un sacrifice à consentir sans contrepartie. Les calculs égoïstes profitent toujours à leurs auteurs mais pas à la communauté, ils servent les individus pas la société. Sans verser dans l’idéalisme, s’il y a un quelconque intérêt à tirer de la chose publique, il doit être à postériori de l’intérêt public.

A suivre

*Enseignant à l’université Akli Mohand Oulhadj de Bouira


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