Le pari risqué de Bensalah



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Le peuple algérien s'est encore exprimé en réaffirmant son rejet du nouveau chef de l'Etat et de tout le système.
Un autre vendredi de grandes manifestations qui ne laisse visiblement aucune marge de manœuvre au pouvoir, conduit par Abdelkader Bensalah, pour amorcer une solution à la crise politique qui secoue le pays, du moins telle qu'elle est conçue par le locataire du palais d'El-Mouradia.
Cela va sans dire, l'initiative lancée par la présidence de la République en faveur de consultations nationales, réunissant plus de cent personnalités, notamment du Hirak, a très peu de chances de réussir, pour ne pas dire aucune.
D'ailleurs, les images diffusées montrant Abdelkader Bensalah en train de recevoir, au siège de la présidence, l'ancien numéro un de l'Assemblée populaire nationale, Abdelaziz Ziari, et l'avocat Miloud Brahmi, ont été mal accueillies par l'opinion publique, qui a de suite exprimé son refus, notamment via les réseaux sociaux. De même, certains partis de l'opposition ont carrément décliné l'invitation, au risque de se voir éjectés par une rue qui ne fait pas dans la dentelle avec les personnes qui s'approchent du cercle présidentiel.
Dans le même registre, il faut dire que l'initiative en question ne casse pas trois pattes à un canard en matière de communication. Il semble même évident que l'objectif escompté n'est pas celui de convaincre les citoyens de la feuille de route tracée mais plutôt de pousser le Hirak à se faire représenter… Sinon comment expliquer l'intérêt médiatique des audiences avec des personnalités qui, en dépit de leur brillant parcours et leur connaissance de la scène nationale, ne jouissent pas d'un grand ancrage populaire.
Car bien que cela puisse se justifier sur le plan de la transparence, la démarche en question ne dispose pas d'un message politique assez fort pour amorcer un processus sérieux de règlement de crise et encore moins celui de gagner la confiance des manifestants. Certes, la concertation n'est pas une chose mauvaise en soi, dans la mesure où celle-ci prône le dialogue comme moyen de sortie de crise, mais encore faut-il que les conditions de sa réussite soient réunies : les consultations annoncées sont destinées à préparer l'élection présidentielle du 4 juillet prochain et à mettre en place une commission indépendante de surveillance des élections.
Or, tout porte à croire que cette élection n'aura pas lieu : le boycott des électeurs parmi les millions de manifestants, celui des élus locaux et des magistrats est un paramètre à prendre très au sérieux. Sur un autre plan, le pouvoir qui enchaîne les concessions pour satisfaire les revendications des manifestants ne donne pas l'image d'un interlocuteur crédible mais plutôt d'un système agonisant, lâché de toutes parts.
De ce fait, cette situation inédite aiguise l'appétit politique d'une rue qui croit tenir le bout du fil pour un changement historique et veut donc à tout prix en découdre avec le régime et ses symboles. Dès lors une question s'impose : que fera Abdelkader Bensalah si la rencontre de lundi s'avère un échec ?


Mohamed Nazim Aziri


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