Le hirak dit mille fois non aux trois B qui sont les symboles incarnés d’un système politique honni par le peuple



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Le peuple algérien oscille depuis le 22 février entre l’optimisme des lendemains qui chantent et le pessimisme d’un avenir politique plus qu’assombri. L’écoute attentive des voix populaires montre qu’il n’est pas un seul citoyen qui ne soit tiraillé entre ces deux perspectives antagoniques.

Mais depuis la formation du nouveau gouvernement par le Premier ministre Noureddine Bedoui, l’homme lige du clan de Bouteflika, puis la propulsion de Bensalah à la tête de l’Etat à la faveur de l’article empoisonné de la Constitution (l’article 102), les inquiétudes du peuple quant à l’avenir du pays et à sa cohésion nationale se sont aggravées plus que jamais. En même temps, la détermination de ce même peuple de faire tomber pacifiquement ce système politique corrompu et anti-national s’est accrue en courage et en intensité.

Ces deux actes, à savoir l’imposition de ces deux hommes entachés de mille péchés à la tête de l’Exécutif et de l’Etat ont été interprétés et ressentis par le peuple, sinon comme une insulte, du moins comme un défi, car ils refléteraient une volonté sournoise de reconduire sous des formes déguisées le système politique légué par Bouteflika et ses multiples réseaux politiques, financiers et économiques.

La réactivation de l’article 102 de la Constitution et son application comme moyen d’opérer «la transition» ressort en fait d’un bricolage politico-juridique inadmissible. Car pour être légitime, acceptable par tous et politiquement efficient, cet article aurait dû être exhumé plutôt en 2015, date de l’AVC dont Bouteflika a été l’objet, qu’en 2019, date de sa démission forcée sous la forte pression populaire. De même, les articles 7 et 8 de ladite Constitution exhumés in extremis des oubliettes de l’histoire par le général Ahmed Gaïd Salah, vice-ministre de la Défense et chef d’état-major de l’ANP, viennent avec beaucoup de retard et sonnent comme «une farce».

Ces deux articles qui se réfèrent explicitement à la «souveraineté» et «au pouvoir constituant» du peuple, mais qui n’ont jamais été appliqués depuis l’accession du pays à l’indépendance, il y a 57 ans, comment peuvent-ils l’être dans le contexte actuel où tous les jeux et les enjeux politiques sont brouillés, faussés et biaisés par autant de manœuvres, de faux-fuyants et de procédés dilatoires ? Si tous ces articles théoriques avaient été appliqués, on n’en serait point dans la situation actuelle qui paraît, du moins pour le moment, quasi inextricable.

Le pénible dilemme des chefs de l’ANP

Sans révoquer en doute la sincérité ou la bonne foi de notre général, Ahmed Gaïd Salah, dont nul ne peut nier qu’il était l’un des confidents et des plus fidèles du président répudié violemment par «la rue», il reste que les articles de la Constitution, déjà cités et réactivés par le même général sont un moyen de reconduire, sous une forme à peine voilée, les hommes et les réseaux érigés en un système maffieux et foncièrement anti-national par le président Abdelaziz Bouteflika, alias Si Abdelkader. Il faut reconnaître que le général est pris entre le marteau des clans adverses, représentés par des personnes aux intérêts coalisés, et par l’enclume du peuple qui exige la fin du système fondé sur la corruption, les privilèges indus et la gabegie criminelle…

Que faire dès lors devant ce pénible dilemme ? L’ANP et son chef actuel se trouvent pour la première fois depuis l’indépendance confrontés à une situation inédite : un peuple fraternel, aux accents pacifiques, mais résolu plus que jamais à ne plus baisser dorénavant la tête, à courber l’échine, un peuple décidé à recouvrer sa dignité naguère bafouée. Au-delà de ses chefs, l’ANP, en tant qu’institution et collectif de femmes et d’hommes, ne veut plus rééditer les scénarios tragiques, criminels, d’octobre 1988 et de Janvier 1992, préludes à la décennie noire.

Le peuple et l’ANP sont frères et doivent le rester

Le peuple sait que l’ANP ne se réduit pas à quelques-uns de ses chefs. Il sait qu’elle est constituée d’un collectif de citoyens en armes, épris de leur pays et prêts à le défendre bec et ongles. La même chose s’applique à la police nationale dont la quasi-totalité de ses membres sont d’extraction modestes, des «fils de pauvres», pour reprendre le titre du roman de Mouloud Feraoun.

Issue du petit peuple des villes et des campagnes, réceptive aux voix révoltées et indignées de la grande masse contre toutes les formes d’injustice et échaudée par les massacres commis par quelques-uns de ses chefs irresponsables des années 80’ et 90’, l’ANP n’acceptera peut-être jamais de faire la salle besogne en tirant sur le peuple aux mains nues… En dépit de tout, les risques de dérapage et de provocation ne sont pas à exclure et les clans intéressés par la confrontation et le «pourrissement» de la situation ne sont pas rares.

Bien au contraire. Pour retrouver leurs positions «perdues» ou prendre leur revanche contre d’anciens et de nouveaux adversaires devenus trop «puissants», les dépités et les frustrés de tout acabit pourraient bien être tentés de rallumer le feu de la haine et de la passion, ce qui entraînerait l’armée dans l’engrenage de la violence et du sang, perspective que le peuple redoute par dessus tout. Il sait que les partisans de la discorde n’attendent que le moment propice pour attiser les haines qui couvent aux fins d’assouvir leurs instincts grégaires de vengeance…

Une transition rejetée par le peuple car orchestrée par «le système»

Il faut noter, par ailleurs, que cette «transition» confiée à des hommes issus du même système politique «ancien» et donc sans le consentement du peuple est grosse de conséquences dangereuses pour le pays dans la mesure où elle reconduit le système vicieux et vicié de Bouteflika sous une forme détournée. Pourtant, le général Ahmed Gaïd Salah ne semble guère y croire. Au nom de l’ANP, celui-ci réaffirme sa solidarité avec les revendications pacifiques du peuple, se propose et promet de garantir la réussite de cette transition.

Dans son allocution prononcée le 10 avril au siège du commandement de la 2e Région militaire, Ahmed Gaïd Salah se veut bien confiant et optimiste lorsqu’il déclare que «la période de transition destinée à la préparation de l’élection présidentielle se fera avec l’accompagnement de l’ANP, qui veillera au suivi de cette phase, au regard de la confiance réciproque entre le peuple et son armée, dans un climat de sérénité et dans le strict respect des règles de transparence et des lois de la République».

Puis, il ajoute que cette phase de transition «requiert de l’ensemble des enfants du peuple algérien fidèle de faire preuve de patience, de conscience et de lucidité afin de réaliser les revendications populaires, guider le pays vers la paix et jeter les bases d’un Etat de droit et d’institutions». Beaux propos, mais qui arrivent avec beaucoup de retard, malheureusement.

La transition proposée et imposée malgré la bonne foi présumée du général Ahmed Gaïd Salah est un vrai piège. Car elle permet au régime de retomber sur ses pattes, de se recycler. Ce que le respectable général ne sait pas ou ne veut pas savoir, c’est que cette transition ne saurait se faire avec et par des hommes façonnés par un système maffieux, honni par le peuple, et dont Bouteflika aura été pendant 20 ans le véritable orchestre retors.

Confier au nom d’une Constitution qui a toujours été bafouée, et dont les articles testamentaires n’ont jamais constitué «les bases d’un Etat de droit et d’institutions» dignes de ce nom, la gestion de la transition «transparente» à des hommes trempés jusqu’au cou dans la corruption au sens polysémique du mot, c’est faire preuve soit de naïveté, soit d’une ruse politique qui ne dit pas son nom. Les trois B et tous ceux qui sont derrière, tapis dans l’ombre, et que le peuple voue aux gémonies, ont-ils jamais cru en la démocratie et en l’Etat de droit ?

Comment la respectable ANP peut-elle, dans ce contexte foncièrement pervers, accompagner et veiller à une transition «transparente et honnête» ? L’honneur de l’ANP ne devrait pas être seulement celui de la rupture en visière avec le système politique ancien en général, mais aussi et en particulier avec le système maffieux et nettement régionaliste institué par Bouteflika et son clan familial, Chakib Khelil y compris. Faire confiance à de tels hommes pour gérer la transition, c’est faire tomber le pays de Charybde en Scylla.

Peut-on construire du neuf à partir de l’ancien vermoulu ?

La main fraternellement tendue par le général de corps d’armée, Ahmed Gaïd Salah au peuple auquel il promet une transition faite dans «le strict respect des règles de transparence et d’intégrité et des lois de la République» n’est-elle pas destinée à lui donner le change ?

Comment croire que des hommes, y compris le général lui-même, qui se sont complu dans ce régime politique vermoulu, et qui y ont trouvé leur compte pendant un demi-siècle, puissent aujourd’hui se prévaloir de «la transparence et de l’intégrité» ? Comment peut-on venir à l’esprit du général Gaïd Salah que l’on puisse opérer une transition transparente en confiant la gestion de celle-ci à des hommes trempés jusqu’à la moelle dans la corruption et l’agiotage ?

Mais quelque sincère qu’il puisse être, le général Ahmed Gaïd Salah n’en est pas moins le complice et le garant d’une transition douteuse puisqu’il reconduit les hommes que Bouteflika lui-même avait placés à la tête des postes-clés de l’Etat avant de se retirer, contraints et forcés, de la scène politique.

Les trois B que le peuple rejette avec force comme le produit le plus pervers, le plus pollué du système de Bouteflika, à savoir : Bensalah, Bedoui, Belaïz, ont été chargés de conduire la transition qui ressemble plutôt à la continuité du système sous une forme qu’on pourrait qualifier, sans risque d’erreurs, d’insidieuse… Bensalah est déjà chef de l’Etat en vertu de l’article 102 qui stipule qu’en cas d’empêchement, d’incapacité ou de décès du président de la République, la succession revient au président du Conseil de la Nation.

Or, Bensalah est, au regard de cet article, le successeur légitime de Bouteflika en sa qualité de chef de l’Etat pour une durée limitée, il est vrai, de 90 jours, temps requis pour l’organisation de l’élection présidentielle fixée déjà au 4 juillet 2019. Bedoui, dont la fidélité quasi religieuse à Bouteflika et à son clan relève du secret de Polichinelle, a été nommé Premier ministre, manière d’assurer la continuité du régime «ancien». Belaïz en fait partie. Ces trois B auxquels le peuple vient d’ajouter un quatrième : Bouchareb, président de l’APN, forment le noyau dur du système légué par Boutaflika et sur lesquels ses partisans misent pour rebondir…

Quant à Abdelkader Bensalah, il est le chef d’Etat par procuration et par la grâce de «Sa Majesté», Bouteflika. Dans l’allocution qu’il a prononcée lors de son investiture, Bensalah promet de réunir en «priorité et en urgence» les conditions propices à une transition «honnête et transparente», alors que ce personnage et ses semblables n’ont jamais accordé auparavant une seule once de crédit aux élections honnêtes, à l’intégrité et à la transparence politique, et les voici maintenant qui s’érigent soudain en «Messieurs Propres» et en des ennemis déclarés de l’opacité dont ils étaient pourtant les champions et les défenseurs coriaces.

Pour tromper son monde, M. Bensalah fait miroiter aux yeux du peuple, pourtant sceptique, monts et merveilles. Il parle de la création d’une instance collégiale et de concert avec «la classe politique et la société civile» dans le but d’organiser des élections nationales «honnêtes et transparentes».

En parlant de se concerter avec «la classe politique», Bensalah se trahit sans le savoir comme étant le complice et l’associé déguisé de la maffia politico-financière et sur les appuis de laquelle il mise pour berner «la société civile» à laquelle nul parmi les membres de cette maffia réputée improprement «classe politique» n’y a jamais cru. Comment oser parler d’une «classe politique» qui n’existe en réalité que sous la forme d’une association de prédateurs de la richesse nationale ? C’est cette association malfaisante que Bensalah nomme improprement «classe politique» et que le peuple dressé en masse rejette sans appel….   


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