«La crise de 1949»

une escale historique dans la lutte identitaire berbère



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Les origines de la revendication remontent à l’Etoile nord-africaine (ENA), les Kabyles accèdent massivement aux postes de direction.

Amar Imache, secrétaire général du parti, manifestait son attachement politique à la coutume berbère, Belkacem Radjef, trésorier général et cofondateur de l’ENA, Si Djilani, directeur du journal El Ouma. Au sein de ce parti, Imache Amar plaide longtemps pour la prise en compte des structures sociales, politiques et économique berbères.

La conjoncture historique va créer les conditions qui permettront à Messali d’éliminer les gêneurs kabyles. En 1936, Imache dénonce l’atteinte au fonctionnement de l’organisation et du culte de la personnalité, ainsi que le nouveau programme du parti, qui fait complètement abstraction des revendications identitaires.

Des jeunes lycéens kabyles, dont Ali Laïmeche, Amar Ould Hamouda, Hocine Aït Ahmed, Belaïd Aït Medri, Mohand Saïd Aïche, Mohand Aït Amrane, Rachid Ali Yahia, et les étudiants Amar Oussedik, Yahia Henine, Mabrouk Belhocine, Sadek Hadjres, Saïd Oubouzar adhèrent dans les rangs du PPA pendant la Seconde Guerre mondiale.

Ces jeunes manifestent leur intérêt pour l’étude et la réhabilitation de la langue et de la culture kabyles. Mohand Aït Amrane compose, en janvier 1945, le premier chant nationaliste en kabyle, Ikker a mmi-s umazigh, devenu l’hymne national kabyle. De son côté, Mohand Amokrane Khelifati commence à parler de son alphabet berbère original.

En 1943, il assure même avoir enseigné en prison, entre 1940 et 1943, à quelques détenus nationalistes kabyles, dont Amar Ouzegane. Après mai 1945, conscients de l’hostilité de la direction à la réhabilitation de la langue berbère, les responsables kabyles cherchent un fondement rationnel au mouvement nationaliste, seul cadre permettant d’assumer la dimension berbère. La direction du PPA/MTLD avance une thèse de l’Algérie arabe, les Kabyles s’opposent à cette idéologie.

En 1947, à l’issue du premier congrès du PPA /MTLD, quatre cadres de la Kabylie, animateurs du mouvement berbériste, font leur entrée au Comité central du parti, Amar Ould Hamouda, Hocine Aït Ahmed, Benaï Ouali et Omar Oussedik.

En 1948, une réunion des berbéristes a été initiée par Ouali Benaï avec une quinzaine de militants berbéristes et militants du parti. Deux points importants étaient à l’ordre du jour : condamner la politique réformiste du PPA/ MTLD et introduire la dimension identitaire dans la future Algérie indépendante.

La crise 1949 (dite berbère) : en 1949, Rachid Ali Yahia, membre du comité directeur de la Fédération de France du parti, réussit à faire voter une motion dénonçant le mythe de l’Algérie arabo-islamique et défend la thèse de l’Algérie algérienne.

Juste après ce vote, la direction du parti a récupéré les locaux de la Fédération de France et décide d’organiser des groupes d’auto-défense contre les berbéristes. Benaï Ouali fut arrêté à Marseille, suivi par Omar Boudaoud, Saïd Oubouzar et Amar Ould Hamouda, ils sont accusés de «berbérisme de régionalisme et antinationalisme» par la direction du parti.

En 1949, 22 responsables de Kabylie, se réunissent à Azazga pour débattre du problème et débloquer la situation, un rapport rédigé par Saïd Ali Yahia devait être remis à Messali El Hadj par une délégation de 3 membres, à savoir Abdelkader Aït Sidi Aïssa, Cheikh Mohand Ouamar et Messaoud Oulamara (Idir El Watani). 3 étudiants, Sadek Hadjres, Mabrouk Belhocine et Yahia Henine, membres de la commission de rédaction du journal El Maghreb El Arabi, diffusent une brochure, L’Algérie vivra, au sein du PPA/ MTLD.

Pour eux, la nation est basée sur quatre éléments indispensables : le territoire, l’économie le caractère national, la mentalité et la culture. En réponse aux tenants de l’arabisme, ils expliquent que l’existence, en Algérie, de deux langues parlées, l’arabe et le berbère, n’empêche pas la compréhension mutuelle des éléments qui les parlent. Au contraire, la diversité est une source de richesse.

Cette diversité montre l’existence d’une Algérie antérieure à l’islam et plusieurs fois millénaires. En 1949, Ferhat Ali, militant berbériste au sein du PPA/ MTLD fut blessé par balle à Tizi Rached, pour avoir vanté la question identitaire, en présence de ses compagnons, Fernane Hanafi et Akli Djeffel.

Le lendemain, L’Echo d’Alger relate l’événement dans un article intitulé «des membres dissidents veulent créer le PPK (Parti populaire Kabyle», déclaration présumée de Ferhat Ali. Après la lecture de l’article, les étudiants berbéro-nationalistes ont fait un démenti dans Alger Républicain.

Après cet incident, les principaux dirigeants du mouvement berbère, à l’exception de Hocine Aït Ahmed (recherché par la police) furent exclus du PPA. Depuis la prison, Ouali Benaï envoie une lettre à Saïd Ali Yahia par Abderrahmane Kiouane, il lui demande que devient le MRB (Mouvement révolutionnaire berbère).

Pour la direction du parti, c’est une preuve incontestable de cette organisation secrète mise sur pied par Benaï Ouali Elle déclenche en effet une campagne anti-berbère, elle sert à condamner le berbérisme avec une ardeur et un acharnement jamais connus.

Belaïd Aït Medri, agent de liaison de Kabylie, est remplacé par Fernane Hanafi. Les militants berbères sont accusés à tort. Cette crise donne l’occasion au chef du parti, Messali El Hadj, de lancer une purge à l’encontre de tout adhérent qui exprimerait son attachement à l’identité berbère.


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