L’absence de mesures correctives



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Par Brahim Lakhlef(*)

La volonté du peuple et en particulier de sa jeunesse de rompre avec un pouvoir autocratique et de construire un nouveau système fondé sur les principes d’une démocratie véritable, constitue un événement remarquable et admirable.
La démarche suivie jusqu’à présent se caractérise par la profondeur et l’unanimité des revendications, dans le calme et le respect de l’autre et des institutions. C’est une véritable révolution, aussi bien pour l’Algérie que pour tous les pays en voie de développement. Pour faire face au mouvement Hirak, le pouvoir actuel a pris des mesures politiques incomplètes qui ne répondent pas exactement aux revendications du peuple, notamment sur le plan politique. En plus, nous constatons que les problèmes économiques sont délaissés, alors que l’économie est rentrée dans une phase de récession qui peut conduire à une dépression si aucune politique de relance n’est décidée.
Le climat des affaires se détériore, l’activité économique baisse, les commandes fléchissent considérablement, des entreprises publiques et privées éprouvent des difficultés de trésorerie et n’arrivent pas à assurer les salaires mensuels, proposant aux salariés des congés sans solde.
En plus, la lutte contre la corruption, lancée actuellement et qui vise en premier lieu des chefs de grosses entreprises privées, n’est pas opportune et ne fait que compliquer la situation économique. Elle aura des conséquences très fâcheuses sur le climat des affaires et sur l’investissement national et étranger. Il aurait été plus judicieux de procéder par étapes, sans tapage médiatique et traiter ce type de problème avant tout, sur le plan financier. Les banques et le Trésor public seraient les premiers bénéficiaires.
En outre, la lutte contre la corruption ne veut pas dire que tout investisseur ou chef d’entreprise privée est corrompu et malhonnête.
La récession économique se caractérise par une baisse de l’activité économique. Sa durée dans le temps aggrave les déséquilibres macroéconomiques, perturbe tous les mécanismes et les circuits économiques, réduit la production, freine les investissements, conduit aux fermetures d’entreprises, au chômage et à la baisse du niveau de vie.
Cette baisse peut toucher l’ensemble des activités, notamment la production industrielle, le financement, l’investissement et le commerce.
L’INSEE définit la récession comme une période de recul du PIB (produit intérieur brut) qui dure au moins deux trimestres consécutifs. Plus le temps passe, plus les difficultés s’accumulent et s’aggravent, et les solutions se compliquent et deviennent difficiles à assumer.
Ce sont ces difficultés qui poussent tous les dirigeants des pays à rechercher les voies et moyens pour pouvoir corriger ces anomalies et favoriser la reprise de la croissance. En général, un plan de relance est décidé et appliqué rapidement pour atténuer l’impact de la récession sur l’ensemble de l’économie et permettre une reprise des activités, la relance de l’investissement, la création d’entreprises la réduction du chômage, du taux d’inflation et des déficits extérieurs. L’amélioration des équilibres macroéconomiques est le but final recherché.
Aussi, dans les conditions actuelles, une politique économique conjoncturelle s’impose et devient impérative. Mais pourquoi une politique conjoncturelle et non pas une politique structurelle ? Le pouvoir actuel est transitoire et doit laisser la place à un pouvoir qui sera démocratiquement élu. Les dirigeants actuels ne peuvent, par conséquent, prendre des mesures profondes qui toucheront les fondamentaux du système économique. Leur mission est de gérer le court terme et d’accélérer le passage à un système démocratique qui aura la responsabilité de mener les réformes qui s’imposent.
En effet, une politique économique structurelle a une vision et des objectifs à long terme. Elle se distingue donc des politiques conjoncturelles qui ont des plans d’action sur le court terme.
Le but fondamental est de modifier en profondeur les structures et institutions de l’économie et de favoriser l’émergence de nouveaux comportements économiques.
Ce type de politique économique s’appuie sur des actions et des mesures qui demandent du temps, car le but n’est pas de faire face à une crise conjoncturelle, mais de s’attaquer en profondeur au fonctionnement des institutions, aux mécanismes et comportements qui ont conduit l’économie à l’impasse, aux contre-performances et aux déséquilibres structurels.
Par contre, une politique conjoncturelle vise le court terme pour stopper la dégradation des équilibres économiques et apporter quelques solutions afin de corriger et améliorer la situation économique et financière.
Une politique conjoncturelle regroupe toutes les actions et mesures retenues par l'Etat en vue de rétablir à court ou moyen terme les grands équilibres en termes de plein-emploi, d'inflation, de croissance… Elle comporte des mesures sur le plan économique, financier et social. Le but est de corriger des déséquilibres et stimuler l’activité.
En général, deux options sont possibles. La première, la plus utilisée, repose sur les principes de la pensée keynésienne.
La deuxième option s’inspire de l’école libérale et néolibérale (M. Friedman) qui exclut l’intervention de l’Etat et préfère s’appuyer sur les règles du marché, de la monnaie et l’initiative privée.
La structure actuelle de l’économie algérienne impose le recours à une option où le rôle de l’Etat est fondamental.
En effet, seul l'Etat possède les capacités de corriger les dysfonctionnements de l’économie, du moins, pendant un certain temps en appliquant une politique conjoncturelle de relance. Cette approche s’appuie sur deux instruments essentiels :
- 1 l’instrument budgétaire. Une politique budgétaire pour stimuler la croissance, réduire le chômage et redynamiser les investissements. Les pouvoirs publics décident de financer les infrastructures de base ;
- 2 la politique monétaire. Cette option est l'ensemble des mesures décidées par un gouvernement dont le but est de pouvoir agir sur les conditions du financement de l'économie. En général, la Banque centrale est l’institution chargée de la concrétisation et du suivi de cette option.
Un pays dont l’économie est bien structurée, dotée d’institutions de qualité, peut pour des raisons conjoncturelles, avoir des contre-performances dues à un manque d’anticipation sur les événements ou un mauvais diagnostic de la situation où certains indicateurs ont été sous-estimés.
Ces contre-performances auront des effets négatifs sur le chômage, évolution de l’inflation, les déséquilibres extérieurs, faiblesse du crédit ou de l’épargne, une évolution du taux d’intérêt qui pénalise l’économie…
En général, une politique économique conjoncturelle vise en permanence, quels que soient les instruments utilisés, quatre objectifs (N. Kaldor) :
- 1 Une forte croissance (certains pays émergents ont un taux de croissance à deux chiffres, des pays ont enregistré un taux de croissance supérieur à 7 % sur une quinzaine d’années) ;
- 2 Un taux d’inflation très réduit qui confirme une stabilité des prix et une maîtrise dans la gestion de l’offre et de la demande ;
- 3 le plein-emploi, situation idéale, l’objectif est d’avoir le taux le plus faible possible ;
- 4 l’excédent commercial avec le reste du monde, ce qui procure des ressources supplémentaires à l’économie et confirme sa compétitivité vis-à-vis de la concurrence.
Les mesures urgentes auront pour but de redonner confiance aux chefs d’entreprise. En effet, l’entreprise est le moteur principal de toute reprise économique.
Il est donc pertinent de prendre des mesures en sa faveur, notamment sur le plan du financement, de l’investissement, le règlement des créances entreprises-services publics, la protection du marché national, de surveiller la balance commerciale, de responsabiliser les banques, les services des Douanes, la Banque d’Algérie sur la surfacturation des importations, l’une des principales causes qui ont contribué à la dilapidation des richesses du pays.
Les mesures incitatives réglementaires et financières ne suffisent pas à elles seules à créer une relance, l’instauration de la confiance entre l’administration et l’entreprise est une donnée incontournable pour relancer l’économie et l’investissement.
Une rencontre entre le pouvoir en place et les chefs d’entreprise est utile pour éviter que notre économie s’écroule.
Beaucoup de spécialistes tirent la sonnette d’alarme (Benbitour, Lalmas).
Si des mesures urgentes de relance économique ne sont pas prises et appliquées, le pays connaîtra une crise économique et se dirigera certainement vers la dette extérieure.
Cette crise économique pourrait même remettre en cause la transition démocratique et les acquis obtenus par le peuple.
A quoi bon instaurer un système démocratique dans une situation économique catastrophique ? Le chômage, les difficultés des entreprises, l’absence d’investissements, l’inflation, un fort déséquilibre commercial, tous ces facteurs négatifs influent sur la vie du citoyen. Celui-ci a fondamentalement besoin de la liberté, mais il a aussi besoin de vivre honorablement.
Les deux revendications vont ensemble, elles sont indissociables. Des expériences récentes vécues par des pays arabes confirment que la transition vers un système démocratique doit être accompagnée d’une relance économique vigoureuse pour que cette option politique réussisse.
Durant cette période de mutation, il est raisonnable de retenir les aspects économiques comme l’une des priorités, au même titre que les aspects institutionnels pour la mise en place d’une démocratie véritable. Dans le cas contraire, beaucoup de citoyens regretteront la période passée où ils avaient peu de libertés, mais au moins une activité ou un emploi.
Il est donc fondamental de réunir l’ensemble des conditions politiques et économiques qui permettent la réussite d’une telle transition. Une politique conjoncturelle de relance économique et impérative et urgente.
B. L.
lakhlefb@yahoo.fr

(*) Brahim Lakhlef est diplômé en économie, auteur de plusieurs ouvrages, notamment Qualité des institutions, réformes et résultats économiques (ALE Editions), La gestion d’une entreprise en difficulté (El-Djazaïria Editions), Le tableau de bord pour piloter votre entreprise (Baghdadi Editions).

 


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