A la conquête de l’Ouest

La géographie ça sert surtout à faire la guerre, et cartes à l’appui, La Basse Casbah a été rasée par les Français pour faire de la place, devenue celle des Martyrs à l’indépendance. Mais progressivement, le cœur de la capitale s’était déplacé vers l’Est, de la vieille ville vers la Grande-Poste, centre moderne avec ses arbres bien droits et trottoirs bien plats.

Un demi-siècle après, les batailles de positions sont toujours là, et au départ, ce fut la fermeture du Tunnel des facultés, rapidement surnommé «ghar hirak», en référence à la grotte où le Prophète Mohamed eut ses premières révélations, avec un argument sécuritaire, un tunnel c’est dangereux, même s’il y a une lumière au bout. Puis ce fut l’escalier de la Grande-Poste, autre haut lieu de la contestation, fermé sur le même argument sécuritaire.

C’est ainsi que pour la V14 de vendredi dernier, les arrestations du petit matin et l’inversion des positions ont eu pour conséquence de déplacer la contestation vers l’Ouest. La place des Martyrs, cœur de la capitale historique, symbole par le nom associé à ce lieu aux pieds de La Casbah, zone de forte densité et vivier contestataire voisin de Bab El Oued, autre géographie de la protestation.

Dès lors, pour les vendredis suivants, le mouvement pourrait basculer vers l’ancien Alger. Seul problème, il est admis qu’une partie des Algérois(es), qui se sentent plus à l’aise au Val d’Hydra qu’à Soustara, ont pour limite la Grande-Poste, s’aventurer vers l’Ouest, la rue Ben M’hidi ou Tanger, le Square, Bab Azzoun ou la place des Martyrs n’est pas dans l’usage. Vont-ils dépasser cette frontière tracée par la modernité et se reconnecter à l’histoire ?

On le verra les prochaines semaines, mais dans la réapropriation de l’espace public, rien n’empêche une poussée vers le soleil couchant. Historiquement, que ce soient les Mongols, les Arabes ou les Américains, les conquêtes se sont toujours faite vers l’Ouest. A terme, peut-être pourra-t-on rouvrir la frontière marocaine.