Présentation de la pièce Fel Hayt à la salle Echabab, à Alger

Un général d’opérette et la mûre révolution



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La présentation de Fel Hayt, produite par le Théâtre régional de Sidi Bel Abbès, était marquée par une certaine fébrilité. Une partie de la troupe sont des «Ouled Halal». Des petites gens qui sont venues du bord de la Mekkera et qui ne vous veulent que du bien. De bonnes gens.

Vous l’aurez compris, ce sont les comédiens du feuilleton à succès durant ce mois sacré du Ramadhan, dont tout le monde parle. La série Ouled Halal réalisée par Nasseddine Shili. Certains comparses de la pièce théâtrale Fel Hayat (dans ou sur le mur) font partie du feuilleton Ouled Halal. Comme Benabdallah Djellab, Abou Bakr Seddik Aïssa… Et le metteur en scène n’est autre que Abdelkader Djriou.

Celui qui crève le petit écran de la chaîne TV Echourouk+. Le texte est signé politiquement incorrect Ahmed Benkhal et la scénographie, cathodiquement, est celle de Youcef Abdi.

«J’ai des millions de followers mais pas toi»

La pièce de Abdelkader Djriou démontre du talent à revendre, et surtout ce pied de nez au pouvoir impérieux qui est une audace antisystème qu’on lui connaît (Nass Stah…). Ainsi, Fel Hayat est un truisme à l’endroit du pouvoir gérontologique, crépusculaire, se fossilisant et allant droit dans le mur. Une évidence, tel The Wall des Pink Floyd.

Briser et ne pas ériger des murs dans les têtes. Ou bien taguer la liberté d’expression sur cette paroi. Du coup, le spectateur est transporté par un maelströem où se croisent pêle-mêle des inepties, des vanités, du népotisme, de la flagornerie, de l’obscurantisme, du charlatanisme des rebouteux, les réflexes jurassiques et puis, l’insolence et la détermination des jeunes pour recouvrer la dignité et la liberté.

Une satire allégorique se gaussant des décideurs grabataires au règne vieillissant. Une hilarante pièce, audacieuse, bien avant le formidable mouvement populaire au désormais slogan historique : «Yatnahaw gaâ» (qu’ils déguerpissent tous) du 22 février 2019, dans les coins et recoins de l’Algérie en marche, mais pas…arrière.

Et dans Fel Hayat, c’est la réalité qui dépasse la fiction. Une sorte de gériatrique général…d’opérette est puissant aux yeux des laudateurs, mais impuissant, stérile. Alors qu’il veut pérenniser ou aspirer à une longivité qui ne cadre pas à un peuple jeune, vigoureux et déterminé.

Il y a un des comédiens qui lâche cette vérité…générale : «Tu as une armée, mais moi, j’ai des millions de followers (sur Facebook).» Ou cette sentence: «N’ayez pas peur, le choléra c’est pour le peuple. Vous, vous avez l’immunité médicale.» Sans langue de bois, le propos est réfractaire aux délateurs, discours creux et anachroniques, les zélateurs, la race et la racine tentaculaires militaro-mafieux, la hogra (l’injustice).

Les comédiens de Sidi Bel Abbès entrent dans l’art

Bref, on pointe du doigt la «folklorisation» et la «bédouinisation» de l’Etat, qui devient un douar (hameau) à l’esprit tribal. Entre les mains de capitaines d’industrie …létale. Un Etat sécuritaire orwélien. Avec Fel Hayt, ça déménage à tous les étages.

Et ça danse aussi, un clin d’œil au alaoui, la gasba, le chi’r el melhoun (la poésie chantée), un patrimoine. Fel Hayt, est un divertissement, mais ça balance pas mal. D’ailleurs, la dernière réplique de cette représentation est : «Yatnahaw gaâ!». Pas de traduction, c’est clair, net et précis.

Bravo, Abdelkader Djriou, oui, cela ne fait que commencer et les comédiens de Sidi Bel Abbès. Ils respirent «l’art» libre. Donc, une tournée nationale de la pièce Fel Hayt s’impose.


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