L’autre transition dont personne ne parle



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PREAMBULE

Cette contribution, consacrée à un domaine important de l’économie solidaire que sont les œuvres sociales, représente la première partie d’une série de contributions relatives à la transition économique et sociale qui doit nécessairement accompagner la transition politique et, dans le cas algérien, conditionne sa réussite.
Cette série comprendra les thèmes suivants :
1. La gestion des œuvres sociales
2. La protection sociale.
3. La gestion des mutuelles
4. Le système de santé
5. Les transferts sociaux
6. La politique fiscale.
7. Les libertés syndicales et le droit de grève.

INTRODUCTION

Les œuvres sociales représentent un salaire socialisé, différé. C’est-à-dire un complément au salaire figurant sur la fiche de paie qui est versé dans des fonds des œuvres sociales, gérés théoriquement par les représentants des travailleurs que ces derniers élisent et contrôlent. La totalité de ces fonds doivent revenir aux travailleurs sous forme de prestations et selon des critères non discriminatoires et arrêtés préalablement selon les besoins recensés et priorisés des travailleurs.

Calculé, par moi-même, sur la base de la masse salariale nationale publiée par l’ONS, le montant potentiel qui devrait revenir aux œuvres sociales s’élève à plus de 160 milliards de DA (16 000 milliards de centimes).

Dans la pratique, le montant qui revient réellement aux travailleurs, estimé par moi-même, s’élève, au maximum, à 60 milliards de DA dont 13 milliards versés à la CNR au titre de la retraite anticipée et 13 autres milliards de DA versés au FNPOS au titre du logement social. Le reste, soit 34 milliards de DA, est versé aux fonds des œuvres sociales des organismes employeurs.

Autrement dit, plus de 100 milliards de DA  (10 000 milliards de centimes) qui devraient revenir aux travailleurs sont détournés, chaque année, par le biais de la non-déclaration des travailleurs à la sécurité sociale et la non-reconnaissance du droit syndical et du droit de participation (absence d’organes syndicaux et de comité de participation) dans le secteur privé mais aussi par le non-versement des œuvres sociales par certaines entreprises publiques ainsi que par certaines administrations publiques.

LA GESTION DES ŒUVRES SOCIALES ET SON CONTRôLE

Dans le secteur privé, les œuvres sociales sont pratiquement absentes et les sommes correspondantes sont gardées bien au chaud dans les coffres des entrepreneurs lorsqu’ils ne les versent pas à leur propre patrimoine familial par différents artifices.
Dans le secteur économique public, les œuvres sociales sont dans beaucoup de cas gérées, sans aucun contrôle par les travailleurs, par les syndicats en violation de la loi qui attribuent cette gestion exclusivement aux comités de participation.

Dans les administrations publiques, à quelques exceptions où les membres des commissions de œuvres sociales sont élus directement par les travailleurs, cette gestion est confiée dans beaucoup de cas à des commissions dont les membres ne sont pas élus mais désignés par les syndicats qui ne représentent pas, dans tous les cas de figure, la totalité des travailleurs.
Dans tous les secteurs, le contrôle par les travailleurs est dans la quasi majorité des cas absent, le contrôle financier et comptable interne fait souvent défaut et le contrôle externe n’est activé que lors de scandales qui ne peuvent être étouffés ou lorsqu’on veut régler les comptes à un syndicaliste qui dérange ou sort de l’«ordre établi».

DES ŒUVRES SOCIALES DéTOURNéES DE LEUR VOCATION

Comme résultats, on assiste souvent à un détournement des œuvres sociales de leur vocation. Des sommes faramineuses sont dépensées dans des activités coûteuses qui ne profitent qu’à une minorité au détriment des besoins essentiels des travailleurs dans les domaines de l’assistance sociale, la santé, l’éducation, le sport, le logement, etc.

Tel est le cas des voyages à l’étranger, des voyages Omra et Hadj, des sommes importantes d’argent bloquées par les prêts pour achat de véhicules ou des dépenses qui n’ont aucune vocation d’œuvres sociales. C’est le cas notamment des allocations lors des départs à la retraite accordées dans le secteur de l’éducation à tous les travailleurs et cadres quels que soient leurs salaires et futures pensions de retraite, et qui consomment la moitié du budget. Ces dernières allocations devraient être négociées avec l’employeur à qui il appartient de supporter le coût.

MIEUX RENTABILISER SOCIALEMENT LA GESTION DES ŒUVRES SOCIALES

A ces dépenses sans «rentabilité sociale», il faut ajouter les dépenses du chapitre santé qui ont explosé ces dernières années à cause des besoins croissants, dans ce domaine, des travailleurs et de leurs familles et du désengagement progressif de l’Etat en matière santé publique et du recul du niveau réel de remboursement par la sécurité sociale des frais d’actes médicaux et des médicaments.

Sur ce chapitre il faut souligner les arnaques que présentent les conventions des œuvres sociales signées avec les établissements privés de santé et l’inadéquation entre les prix facturés et les prestations réellement reçues.

Dépourvus d’expérience et de compétences dans le domaine des actes médicaux, les gestionnaires des œuvres sociales doivent, au lieu de la généralisation de ces conventions, développer leurs propres prestations de santé en y consacrant une partie du fonds des oeuvres sociales à l’investissement et en généralisant les échanges entre les œuvres sociales des différents secteurs. Les conventions avec les établissements de santé privés ne doivent être passées qu’avec ceux déjà conventionnés avec les organismes de sécurité sociale qui eux disposent de compétences et d’une capacité de négociation (en matière d’actes médicaux et des prix correspondants) pour négocier et signer ce genre de contrats.
Enfin, il y a lieu de combattre le fléau des détournements, des passe-droits et de l’utilisation des fonds et biens des œuvres sociales à des fins personnelles ou pour les amis et proches.

LE FONDs NATIONAL DE PéRéQUATION DES œUVRES SOCIALES (FNPOS)

Créé en 1996, le FNPOS a pour missions d’œuvrer, dans le cadre de la solidarité, à la promotion du logement à caractère social et de l’aide à l’habitat en faveur des travailleurs salariés. L’essentiel de son financement provient du prélèvement d’une quote-part des budgets des œuvres sociales (0,5 % sur les 3% soit le 1/6e du budget).

Après 23 ans, les sommes prélevées, cumulées, avoisinent les 200 milliards de DA sans que cela ne se répercute réellement sur le nombre des travailleurs bénéficiaires de l’aide au logement et à l’habitat. Mauvaise gestion, opacité, passe-droits font souvent la une de la presse.

Aussi, il est plus qu’utile de faire un véritable audit du FNPOS et de revoir ses missions, son fonctionnement et son financement. Le FNPOS devrait fonctionner comme un fonds de péréquation inter-organismes, et être administré par les représentants des travailleurs qui doivent être désignés par l’ensemble des syndicats représentatifs et par les comités de participation. Il doit régulièrement rendre des comptes aux travailleurs. Les actions développées doivent l’être sous forme exclusive de prestations au profit des seuls travailleurs des organismes au sein desquels les œuvres sociales ne sont pas développés (petites entreprises, travailleurs en chômage, etc.).
Son financement doit être réduit en conséquence et la différence doit être reversée au fonds des œuvres sociales des organismes d’origine.

LE FINANCEMENT DE LA RETRAITE ANTICIPÉE PAR LES œuvres sociales

Instituée en 1994 dans le cadre du programme d’ajustement structurel imposé par le FMI, la retraite anticipée a pour mission de faire bénéficier, pour une période limitée, les travailleurs ayant fait l’objet d’un licenciement collectif pour raison économique, d’une allocation de retraite financée par une cotisation des travailleurs et des employeurs et par un prélèvement d’une quote-part des budget des œuvres sociales (0,5 % sur les 3%, soit le 1/6e du budget).

Si entre 1995 et l’année 2000 quelques dizaines de milliers de travailleurs licenciés ont bénéficié de cette pension, ce n’est plus le cas depuis une vingtaine d’années.

Ces dernières années, par exemple, sur une recette annuelle moyenne de 13 milliards de DA, le montant total des pensions versées au titre de ce type de retraite n’atteint pas les deux millions de dinars (bien lire 2 millions DA). Le reste est versé au compte retraite normale qui est distinct dans son fonctionnement et son financement. Aussi, il serait judicieux de réorienter les 0,5 % prélevés des budgets des œuvres sociales vers leurs comptes d’origine.

LA GESTION DES ŒUVRES SOCIALES DES GROUPES

Des entreprises issues des différentes restructurations (Algérie Poste, AT et Mobilis issues des PTT, entreprises issues des restructuration de Sonelgaz et SH, etc.) peinent à trouver un cadre légal pour gérer leur patrimoine commun de la société mère (CMS, hôtels, complexes de vacances, etc.).
Il serait très utile d’amender la législation des œuvres sociales pour instituer des comités de participation et des structures de gestion inter-organismes.

 

Par Nouredine Bouderba   , Ancien dirigeant syndicaliste (UGTA)


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