Tribune. L’avenir, c’est le Maghreb



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Manifestement, l’Algérie ne cesse d’étonner le monde. Le 1er novembre 1954 ouvre la voie à la libération de l’Afrique du colonialisme par la lutte armée ; le 22 février annonce la fin des dictatures militaires par la voie pacifique. La clé se trouve dans l’unité d’un peuple face à l’humiliation, l’arbitraire, la division. Après des siècles d’engourdissement, les peuples reprennent conscience de leur passé glorieux, de leur aliénation présente, et de leurs forces potentielles futures. Les difficultés économiques, le malaise social, l’impasse politique, le règne de l’immoralité ne sont pas étrangers à ce réveil des peuples.

Ce qui frappe d’emblée l’observateur, c’est la jeunesse des mouvements contestataires. Partout dans le monde les jeunes aspirent à participer plus activement à la gestion des  affaires politiques et économiques. Cependant dans la plupart de ces pays les systèmes sont sclérosés empêchant le renouvellement des élites et la renaissance des idées. La jeunesse ne veut plus d’un Etat comme un legs du colonialisme ou comme un instrument hégémonique occidental.

Ce qu’elle désire par-dessus tout c’est d’un Etat de droit ouvert sur le monde fondé sur une morale et animé par des dirigeants honnêtes et compétents élus en toute liberté sur la base d’un programme  clair et d’un échéancier précis et sur la base duquel ils seront appelés à être jugés. L’Algérie contemporaine s’insère dans un ensemble géographiquement plus vaste plus prometteur qu’est le Maghreb des peuples qui s’étend du Maroc jusqu’en Libby et historiquement plus lointain remontant aux phéniciens, aux romains, aux arabes et aux turcs.

Les pays de la région ont tourné le dos à leur passé ancestral commun et les Etats veillent à l’intégrité géographique présente. Alors que le mur opposant des idéologies s’est effondré en 1989, de nombreux  murs séparant des peuples se sont élevés depuis en Amérique, en Russie, au Moyen orient, au Maghreb   Eternel dilemme : se combattre ou s’entre aider, se  faire tuer par l’autre ou s’allier à l’autre ; échange de balles (la guerre) ou échange de sœurs (la paix) entre maghrébins de race berbère et de religion musulmane vivant sur un même espace géographique depuis des millénaires envoûtés par le miroir aux alouettes que représente l’Europe.

Chacun veille à sa petite épicerie en empêchant l’implantation d’un super marché salutaire pour l’ensemble des peuples de la région par l’ouverture des frontières, la diminution drastique des dépenses militaires, la construction d’une économie complémentaire, la constitution d’un front uni contre la politique de division  des puissances étrangère qui a fait ses preuves depuis l’effondrement de l’empire ottoman. Le Maghreb des peuples renaîtra-t-il de ses cendres ?

Le Maghreb est une terre convoitée par les puissances étrangères et des peuples à asservir par leurs propres élites pour la prospérité et la sécurité de l’occident triomphant. Maghreb a connu plusieurs envahisseurs tout au long de son histoire. Le dernier en date est la France. La colonisation a émietté la région pour en faire la propriété des Etats qui vont en faire une propriété privée. Les Etats africains dans leur configuration actuelle sont les produits de la décolonisation opposant des monarchies aux républiques, des dictatures militaires aux régimes laïcs, des berbères aux arabes, les marocains aux algériens, des tunisiens aux libyens. L’Algérie dans sa configuration actuelle, est une création de la colonisation française qui a tracé ses frontières pour en faire un « morceau de la France »  laquelle a façonné les mentalités des autochtones  en les dressant les uns contre les autres (les kabyles contre les arabes, les harkis contre les fellagas, les illettrés contre les lettrés, les musulmans contre les musulmans !) et en inculquant au colonisé qu’il est inférieur au colonisateur, qu’il soit marocain, algérien, tunisien ou libyen.

L’un ne peut se définir que par opposition à l’autre. Par conséquent un colon ne peut être qu’un privilégié par rapport aux indigènes ; le colonisé est dépourvu de tout droit, c’est un être inférieur constamment soumis et humilié, en état de carence permanente. Du statut de l’indigénat au statut de citoyen, que de chemin à parcourir, que d’obstacles à franchir, que de pièges à éviter. Le passage de la soumission aux autres au contrôle de soi-même et de la domination à l’autonomie est une œuvre de longue haleine qui exige patience et persévérance. Avec la colonisation, l’Algérie s’est trouvée défigurée  urbanisée au nord sans industrie créatrice d’emplois, concentrée sur la bande côtière sans agriculture vivrière, centralisée dans la décision sans participation de la population locale, et tournée vers la métropole par l’exportation des hydrocarbures et ouverte à l’importation de produits de subsistance.

Ce schéma d’aménagement du territoire initié par De Gaulle dans sa politique de pacification sera poursuivi et amplifié par l’Algérie indépendante dans sa politique d’industrialisation et d’urbanisation à marche forcée. La reprise du plan de Constantine en est la preuve évidente. Industrialiser la bande côtière cultivable relativement bien arrosée et se rapprocher de la métropole pour remplir son couffin n’est-ce pas là une preuve évidente. Le regroupement des populations dans les villes permettant de mieux les contrôler en est un autre exemple. Le transfert du pouvoir perpétuait indirectement le système de dépendance économique et culturelle vis-à-vis de la métropole. Il s’agissait pour la France  d’imposer à l’Algérie indépendante un ordre politique et juridique qui garantisse la prééminence de ses intérêts stratégiques. On peut dire qu’elle a réussi son pari au-delà de toutes ses espérances. En imposant des institutions dont la logique de fonctionnement était radicalement opposée à celle de la société algérienne, et en refoulant l’islam dans le domaine privé pour en faire une valeur refuge des déshérités, le colonisateur préparait en fait la société postcoloniale à l’échec de la modernisation et du développement.

Le nationalisme s’est révélé qu’un acte illusoire de souveraineté. L’indépendance politique n’avait pas suffi à elle seule à briser les liens de dépendance tissés à travers 132 ans de colonisation. L’Etat centraliste et ostentatoire dérivé du modèle colonial a suscité le régionalisme, les dérives de l’intégrisme de ceux qu’il enferme dans un nationalisme formel et dans un rituel religieux sans esprit novateur. Si la recherche de l’indépendance fût un principe légitime, les pouvoirs mis en place n’ont pas toujours respecté les aspirations populaires qu’elles impliquaient. La décolonisation a donné  naissance à des entités étatiques artificielles dominées par des régimes politiques  autocratiques et despotiques sans légitimité historique ou démocratique qu’ils soient monarchiques, militaires, ou policier  veillant jalousement sur leurs frontières c’est-à-dire leur espace de domination politique, économique et culturelle. Pourtant, toutes les frontières sont aberrantes et artificielles mais aucun chef d’Etat arabe ne veut remettre en cause les frontières héritées de la colonisation, chacun tient à sa petite épicerie qu’il veut protéger des supermarchés. A un moment où la planète tend à être un village, le Maghreb des peuples doit renaître de ses cendres. C’est un impératif politique, économique et social majeur. Que serait-il devenu le Maghreb aujourd’hui si la conférence de Tunis s’était tenue comme prévue en 1956 ?  Que ce serait-il passé si les peuples maghrébins s’étaient soulevés comme un seul homme face à un ennemi  commun ?

Peut-être que le problème des frontières ne serait-il pas posé ? Tout nous unit, notre géographie, notre histoire, notre religion, nos réalités, nos rêves. Malheureusement, comme disait Ibn Khaldoun : « les arabes se sont mis d’accords pour n’être jamais d’accords » faisant ainsi le jeu des puissances dominantes depuis la nuit des temps tombant dans le jeu de la division mené par les puissances pour mieux les dominer et exploités leurs richesses naturelles et minières en toute impunité. Du Maghreb des Etats au Maghreb des peuples, l’espoir serait-il permis ? Le hirak algérien ouvre la voie. Les jeunes manifestants qui n’ont pas connu la colonisation scandent « khaoua-khaoua ». La France n’occupe pas leur cerveau. Ils l’ont remplacée par leurs propres logiciels. Des logiciels faits maison. Un vent nouveau souffle sur le Maghreb. Il est jeune, doux,  paisible et prometteur. Toutes les religions nous enseignent que les peuples n’existent que pour se connaître les uns les autres. Nous sommes tous des descendants d’Adam et Eve. L’humanité est une, dieu est un. Le diable est partout. Il porte plusieurs masques.

Par Dr A. Boumezrag


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