Décryptage. Ce qu’il faut négocier avec l’Etat-Major pour changer l’Algérie



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S’exprimant au nom de l’Etat-Major, le général Gaid Salah a plusieurs fois appelé au dialogue pour mettre fin à la crise politique que traverse le pays. Cet appel est en soi positif et est un acquis du hirak qui a obligé les décideurs à écouter la population. Des partis politiques, des syndicats et des associations ont accueilli favorablement l’initiative du général Gaid Salah et ont fait des propositions dans ce sens.

Ils ont exprimé une revendication de la majorité de la population qui veut un changement réel du régime devenu obsolète aux yeux des nouvelles générations. Cependant, les propositions pêchent par leur formalisme et ne tirent pas les leçons de l’échec de l’expérience du multipartisme introduit par la réforme de la constitution de Février 1989. La hiérarchie militaire de l’époque avait donné son feu vert pour l’abandon du système de parti unique, mais avait chargé le DRS de contrôler le champ politique et médiatique pour empêcher l’alternance électorale. Le même régime s’est reproduit avec une façade pluraliste parce que les militants démocrates de l’époque s’étaient satisfaits du formalisme institutionnel et avaient négligé la réalité des rapports d’autorité dans l’Etat. La même erreur risque de se reproduire si l’on suppose qu’il y a seulement des dysfonctionnements institutionnels qu’il faut corriger.

Il n’y a pas de dysfonctionnement dans le régime algérien qui a sa propre rationalité et sa propre logique. Ce que la protestation populaire demande avec clarté, c’est une autre rationalité politique, c’est-à-dire le transfert effectif de la souveraineté populaire vers l’électorat pour toutes les fonctions électives.

Toute proposition cherchant le changement doit tenir compte de la spécificité du régime algérien qui n’est pas une dictature militaire. C’est un régime populiste autoritaire qui prétend protéger la société des divisions politiques. Il n’utilise pas les unités militaires pour réprimer les libertés publiques et les opposants. Il utilise une police politique qui a soumis à sa volonté la gendarmerie, la DGSN et le ministère de la justice. Ces trois institutions, indispensables pour la protection des libertés publiques, échappent à l’autorité du président et du gouvernement en violation de la constitution.

À travers ces trois institutions, le Commandement militaire étouffe la société civile et fausse la représentativité des assemblées élues. Si la transition de 1989 a échoué, c’est parce que le Commandement militaire, par le biais du DRS, a refusé toute autonomie aux partis et aux syndicats. C’est pour cette raison que les propositions pour une sortie de crise doivent être concrètes et porter sur les rapports réels d’autorité dans le champ de l’Etat afin que le Commandement militaire n’absorbe pas la transition comme il a avalé les partis après 1989. Pour le Commandement militaire, les partis doivent être une extension du pouvoir exécutif et non un contre-pouvoir institutionnel inscrit dans l’alternance électorale.
Le mouvement populaire demande une rupture totale avec cette conception et non son réaménagement. C’est le sens du slogan Yetnahaw ga3 qui signifie que le Commandement militaire se comporte comme une institution de l’Etat et non comme le pilier d’un régime politique.

Par conséquent, un dialogue serein et franc doit s’ouvrir avec l’Etat-Major pour trouver un compromis autour des demandes du hirak telles qu’elles s’expriment lors des manifestations populaires. Une lecture des pancartes des manifestants fait ressortir les demandes suivantes :

1. Dissolution de la police politique (DRS) et renforcement des capacités de l’espionnage et du contre-espionnage pour protéger le pays des velléités étrangères
2. Mise à la retraite automatique de tous les officiers supérieurs âgés de plus de 65 ans
3. Démission de tous les officiers possédant en leur nom ou sous prête-nom des affaires commerciales
4. Acceptation du principe que le ministre des gouvernements futurs de la défense soit un civil ou un militaire à la retraite depuis au moins 3 ans
5. Transfert de la gendarmerie sous l’autorité du ministère de l’intérieur comme dans tous les Etats de droit
6. Permettre aux policiers d’avoir un syndicat pour garantir l’autonomie institutionnelle de la DGSN
7. Libération du champ médiatique privé et public
8. Libération de tous les détenus politiques
9. Nomination d’un journaliste respecté par l’opinion et ses pairs à la tête de l’Agence Nationale de Publicité
10. Fermeture des chaînes de télévision privées qui incitent à la haine et à l’intolérance religieuse
11. Dissolution du FLN avec une cérémonie symbolique où les responsables de ce parti demandent pardon pour avoir terni l’image du FLN de Larbi Ben M’Hidi
12. Dissolution de l’UGTA avec la même cérémonie de pardon
13. Dissolution du RND et enquêtes sur l’enrichissement de ses membres dirigeants
14. Dissolution de l’APN et du Sénat et enquêtes judiciaires à l’encontre de députés et sénateurs qui se sont enrichis après leur « élection ».
15. Révocation de tous les magistrats et juges dont les noms sont cités dans des affaires de corruption

Comme le montrent les slogans scandés lors des vendredis, les Algériens n’ont aucun problème avec leur armée qui continue de jouir d’un capital symbolique très grand. Le hirak ne s’arrêtera pas jusqu’à ce que sa principale revendication soit satisfaite : l’annonce d’une transition sincère et réelle. C’est dans l’intérêt du pays, des générations futures et de l’armée, partie inséparable de la nation.

Par Lahouari Addi 


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