ANESRIF – l’étonnante enquête sur un projet d’1,5 Milliards de Dinars qui déraille.



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L’Agence Nationale d’Etudes et de Suivi de la Réalisation des Investissements Ferroviaires (ANESRIF), qui emploie plus de 700 personnes, a été créé par l’Etat en 2005 pour le développement du programme ferroviaire national, secteur pour lequel 30 milliards de dollars d’investissements ont été alloués depuis 1999. L’objectif était de doter le pays d’un réseau ferroviaire électrifié de 12.500 km à fin 2035.

Azzedine Fridi, le Directeur Général (DG) de l’ANESRIF est né le 13 novembre 1962 à Bouharoun dans la wilaya de Tipasa. A 24 ans, avec un diplôme d’ingénieur en travaux publics, il intègre la Société Nationale des Transports Ferroviaires (SNTF) en qualité de chef de projet. En 2011, alors directeur de l’infrastructure à la SNTF, celui qu’on dit proche de l’oligarque Ali Haddad remplace Hassan Saïdi, l’ex DG de l’ANESRIF limogé en 2009 dans le sillage d’une enquête des services de sécurité de l’armée.

Azzedine Fridi - DG de l'ANSERIF

Nous avions, il y a moins d’un an, publié une lettre de dénonciation destinée au Secrétaire Général (SG) du Ministère des Travaux Publics et des Transports et émanant d’un groupe de travailleurs, sur les dépassements dangereux liés à la gestion de l’ANSERIF.

Selon ce témoignage écrit de certains employés, l’actuel DG aurait géré l’Agence ferroviaire comme une entité privée, se permettant des actes de népotisme et de favoritisme, consistant en des recrutements de complaisance, sans prise en considération des besoins de l’Entreprise publique, ni en fonction des qualifications requises pour les postes à pourvoir.

Ces dérives ont ainsi abouti à des situations ubuesques, comme le recrutement d’une architecte en qualité de cadre dirigeant, avec une expérience professionnelle de 10 ans au sein de sa propre entreprise, pour la simple raison que son père était l’ophtalmologue de l’ex Ministre de tutelle.

Si le recrutement en qualité de cadre dirigeant, avec attribution d’un véhicule 4X4 KIA, du frère de Mr Chaoui Tahar, Chef de Cabinet du Ministère de tutelle et actuellement député à l’APN sous la bannière du Parti Tajamou Amel el Jazair (TAJ) d’Amar Ghoul, pose un problème de déontologie et rend légitime des poursuites pénales liées à la gestion de l’argent public, que dire du recrutement, entre 2013 et 2015, de plus de 80 personnes du Parti TAJ, alors que Amar Ghoul était Ministre du transport ?

 »Même l’AUDI A6 dont se sert Ghoul appartient à l’ANESRIF  » Nous indiquera une jeune cadre de l’Agence.

 

Amar Ghoul - Ministre du transport 2013 - 2015

Est-il normal que l’Agence soit allée jusqu’à employer le frère du Ministre de tutelle en qualité de conseiller technique, avec un contrat de cadre dirigeant et un salaire qui dépasse les 400 000.00DA ?

Et que dire du recrutement par Mr Rahmouni, directeur du projet Renouvellement de Voie et Ballast (RVB) de la ligne minière, de dix personnes de sa propre famille (le Directeur Adjoint est son frère), quatre de la famille du DG d’INFRAFER et de la nièce de Mr Mamadji, directeur des marchés et des affaires juridiques à l’ANESRIF ?

 »Si ça ne s’arrêtait qu’aux recrutements intéressés, comme la manœuvre récente du recrutement de la fille d’un procureur de la cour suprême pour espérer se protéger, ce n’aurait pas été si grave. Mais il y a pire !’’ dénoncent les employés de l’ANESRIF joints par téléphone. Ce qui suit lui donne raison.

Selon les informations que nous avons pu recueillir, le DG de l’ANESRIF, aurait acquis un duplex au dans le quartier de Beni-Messous à Alger au prix de : 7.5 Milliards de centimes.

Le hic est qu’en fait cette somme couvrait également, sur le même site, l’acquisition d’un appartement de type F3, en plus du duplex.

Cette action a été validée par le conseil d’administration, présidée par l’Inspecteur Général du Ministère de tutelle, lequel n’a d’ailleurs fixé ni le seuil maximum de cette acquisition, ni a examiné l’opportunité d’une telle dépense faramineuse…

Le chèque, au profit de l’entrepreneur a été émis au mois de juillet 2018, signé conjointement par le Directeur des Finances et de la Comptabilité (DFC) et le directeur des marchés et des affaires juridiques. Facile à vérifier Messieurs les enquêteurs.

D’autre part, nous avons lors de notre enquête pu constater de nombreux excès dans les actes de gestion qui à notre sens lèsent non seulement l’Agence, mais également le Trésor Public.

Pourtant, des rapports relevant toutes ces opérations inappropriées relevant de l’abus de bien sociaux, ont été transmis par l’ancien Directeur de l’Audit Monsieur Bellacel, aux ex-Premiers Ministres Sellal et Ouyahia.

Il nous parait urgent que la justice s’empare de ce dossier et que les services de sécurité, à l’image de la Brigade de Gendarmerie de Bab-Jdid qui enquête déjà sur cette agence, approfondissent l’étude des différents contrats conjointement avec les services de l’Inspection Générale des Finances (IGF) et de la Cour des Comptes, qui ont déjà été dépêchés sur place pour vérifier les incohérences des différents comptes de cet établissement public à caractère industriel et commercial, essentiellement sur la part transférable.

Cette agence publique devrait justifier tous les avantages en hébergement, véhicules, carburant, frais de missions, téléphone mobiles, tablettes etc… dont bénéficieraient, des personnes étrangères à l’agence, tels le Chef de Cabinet du Ministère de tutelle, ou M. l’Inspecteur Général du Ministère de tutelle Boubakeur Ait Abdellah, ou le père de l’ex Secrétaire Générale du syndicat Mme Faiza, qui a bénéficié d’une Renault Fluence.

Comme elle devrait expliquer pourquoi certaines prestations ont été réalisées sans émission de bons de commandes, comme ceux destinées à la gare de Beni-Saf…

Si les gardes fous de gestion et les mesures de contrôle ont largement été ignorés par les entreprises publiques et privées, aux mains de personnes corrompues choisies par un système quasi féodal établi par l’ex Président Bouteflika, seule une justice forte, impartiale et indépendante pourra rétablira le bon droit, la confiance et la sérénité dans notre pays.

Dans ce qui suit, nous espérons donner de précieux indices à l’enquête menée actuellement par les services de sécurité.

Cela leur permettra, nous le souhaitons, d’admettre que nos enquêtes ne sont pas incompatibles aux leurs, et que tenter de nous faire taire en censurant notre média, c’est également un peu se museler quand ce n’est pas sanctionner la vérité et flétrir la justice.

Voilà des documents relatifs à la réalisation du projet de voie ferrée Oued Tlélat / Tlemcen, accablants pour la gestion du DG de l’ANESRIF.

Ces documents n’ont jamais été présentés, selon nos sources, à la brigade de recherche de la Gendarmerie de Bab Jdid dans le cadre de l’enquête menée sur les dossiers de corruption liés aux oligarques emprisonnés à la prison d’el Harrach et impliquant l’ANESRIF et le Ministère du transport.

Scrupuleusement gardés par Azzedine Fridi, les documents que nous nous apprêtons à vous divulguer, constituent la preuve de la dilapidation de deniers publiques, et témoignent du non-respect des lois algériennes sur les passations de marché par les hauts cadres de l’Etat.

Mais avant de continuer, il nous parait nécessaire de détailler de manière succincte ce projet afin que nos lecteurs puissent appréhender ce qui va suivre.

Le projet de ligne ferroviaire d’une longueur de 200 Km reliant Oued-Tlélat à la frontière marocaine, fait partie de l’ambitieux projet de la ligne Grande Vitesse Est-Ouest d’une longueur de 1200 Km.

Divisé en deux tronçons, un premier appel d’offres restreint sous le N° 10/2006 a été lancé en Décembre 2006 par la SNTF pour l’exécution des travaux de réalisation du tronçon 1 Oued Tlélat / Tlemcen d’une longueur de 130 Km.

En Août 2008, le marché est attribué au groupement italien CONDOTTE D’ACQUA et RIZZANI DE ECHER Spa pour la somme de 134 Milliards de DA dont 854,5 Millions d’Euros avec 39 mois de délais de réalisation.

L’ANESRIF avait pour ce premier projet sélectionné le Groupe d’études et d’Ingénierie TPF, qui s’est installé en Algérie dès 2008, pour les études de l’Avant-Projet Détaillé (APD) et pour le contrôle et le suivi des approvisionnements et de l’exécution des travaux pour un montant de près de 21 Millions d’Euros.

Le deuxième appel d’offres pour le tronçon reliant Tlemcen au village frontalier de la commune de Maghnia dans la Wilaya de Tlemcen Akid Abbas, d’une longueur de 66 Km, a été lancé par l’ANESRIF en 2009.

Il a été attribué la même année au groupement Turc ALARKO et OZGUN pour la somme de 102,224 Milliards de DA dont 646 Millions d’Euros pour 48 mois d’exécution.

Plusieurs avenants ont entre-temps été apportés aux contrats initiaux. Nous avons alors décidé de comparer les différents avenants du projet de réalisation de la ligne nouvelle doublée Électrifiée et signalisation OUED Tlelat / Tlemcen (130 km), objet du marché : « Réalisation du tronçon 1 Oued-Tlelat / Tlemcen (130 km) de la nouvelle ligne à double voie électrifiée Oued-Tlelat / Frontière Marocaine ».

En premier lieu, nous avons constaté que les prix et délais ont connu une augmentation drastique par rapport marché initial et même sur les modifications ultérieures apportées pour justifier les délais prorogés et le coût du marché, et ce même sur la partie transférable en devise.

L’Avenant N° 1 du mois de Novembre 2010 est venu corriger une erreur de calcul dans le devis quantitatifs et estimatifs d’un montant de 2 Milliards de DA ! Une toute petite erreur…

Le projet a accusé un retard de plusieurs mois à cause de cette improbable situation.

Au mois d’octobre 2011, l’avenant N° 2 du contrat initial nous informe que le montant du marché avait subi une augmentation de 147,14 Milliards de Dinars dont 948.74Millions d’Euros. Soit une augmentation de 3 milliards de Dinars dont 35 Millions d’Euros en partie transférable. Une broutille.

L’avenant N°2 est par ailleurs venu constater une autre situation rocambolesque, à savoir le conflit d’intérêt du groupe TPF en charge de l’élaboration des études APD, qui procède après l’attribution du marché, au changement de vitesse de la rocade nord du projet qui, passant de 160 à 220 Km/h, avait l’avantage de pouvoir lui assurer des revenus supplémentaires.

Toujours dans l’avenant N° 2, les délais qui avaient été arrêtés, rappelez-vous, à 39 mois pour le premier tronçon, sont passés à…65 mois !

Enfin, c’est dans cet avenant N°2 que les membres de la commission sectorielle des marchés publics ont décidé le plafonnement du projet du marché.

Mais alors pourquoi la commission nationale des marchés n’a pas à ce stade demandé la résiliation du marché et la relance d’un autre appel d’offres en prenant en compte toutes les erreurs à mettre principalement sur l’incompétence des équipes en charge de ce dossier ?

L’ANESRIF n’aurait pu prétendre avoir souhaité poursuivre le marché sous prétexte de surcouts sur le budget de l’Etat. Encore moins invoquer le retard que cela aurait occasionné sur les délais de réalisation, vu que le montant du marché n’a cessé de grimper et que les délais n’ont cessé de s’étendre.

Comment le gouvernement, à travers le comptable assignataire du Fonds National d’Investissement (FNI), a-t-il pu laisser des négociations avoir lieu sur un marché public signé et régi par des lois strictes ? Etrange.

Mais nous n’en sommes pas, si vous nous permettez l’expression, au bout du tunnel.

L’avenant N°3 du mois de septembre 2014, introduit ce que les experts nomment un déplacement déguisé du marché. Dans notre cas, on a transformé les études d’exécution et on a procédé au changement de la typologie des ouvrages.

L’introduction de travaux supplémentaires a été à nouveau sanctionnée par une augmentation du montant du marché, qui passe à 148,29 Milliards de Dinars dont 966,58 Millions d’Euros. Là encore c’est une augmentation de plus d’1,1 Milliard de Dinars dont près de 18 Millions d’Euros en partie transférable.

Les délais ont également été revus à la hausse. Ils ont augmenté cette fois de 25 mois portant le nouveau délai de réalisation à 90 mois et 15 jours !

Si notre attention a été attirée par des malfaçons, constatées et dénoncées d’ailleurs, mais sans aucune réaction du maitre d’ouvrage, c’est ce qui suit qui nous a le plus choqué.

En effet, des changements ont été apportés dans la définition des prix pour la réalisation d’ouvrages de viaduc fonctionnel, qualifiés par l’ANESRIF ‘’d’exceptionnels’’. Ces changements se sont opérés en accordant non seulement des avances sur approvisionnement, mais en acceptant dans un deuxième temps le remboursement de l’acheminement et de la fourniture de la charpente métallique. Cela constitue un double paiement pour une même prestation.

Pourtant le contrat était clair, le paiement de la fourniture de poutres métalliques est effectué une fois les travaux de mise en œuvre complétés, c’est-à-dire à l’achèvement complets des travaux.

Quels étaient les raisons obscures qui ont poussé l’ANESRIF de procéder à des changements contractuels de cette ampleur sur des projets étatiques ?

Encore une fois l’ANESRIF ne peut prétendre à un gain sur la révision des prix, dès lors que le montant du marché ne va cesser de grimper encore. Car en effet, un quatrième avenant existe.

Signé en Janvier 2017, ce quatrième avenant qui vient modifier les coordonnées bancaires de domiciliation de la partie italienne, à savoir la société italienne CONDOTTE D’ACQUA.

L’avenant N° 4 introduit encore une fois le principe de travaux complémentaires et supplémentaires, et donc des surcouts du montant du projet, tout comme il proroge le délai contractuel d’exécution de 24 mois supplémentaires pour le porter à 114 mois et 15 jours !

Le montant du projet passe à 150,13 Milliards de Dinars dont 983,72 Millions d’Euros. Soit une augmentation de 1,84 Milliards de Dinars d’augmentation par rapport à l’avenant N°3 et dont 17,14 Millions d’Euros en partie transférable.

En tout ce sont près de 6 Milliards de Dinars supplémentaires qu’aura à supporter le trésor public et des délais interminables pour un projet stratégique de voies ferrées en Algérie.

Ce sont également de nombreux règlements et articles de loi qui n’auront pas été respecté par les différents acteurs du projet ferroviaire de 200 Km.

Est-ce par incompétence, ou bien au contraire par une volonté intéressée de sélectionner le moins disant des fournisseurs lors d’un appel d’offres, puis lui assurer de substantielles augmentations de ses revenus à coups d’avenant sur le contrat initial?

En 2017, Azzedine Fridi confirmait presque 10 Années après le lancement du projet de la voie ferrée des Wilayas de Tlemcen et d’Oran, l’existence de plusieurs « contraintes » et « impondérables » qui auraient entravé l’avancement des travaux.

 »Dans ce genre de projets, on ne peut pas parler de délais. Car il existe plusieurs contraintes lors de la réalisation ’’, explique le patron de l’ANESRIF !

 »Parmi ces contraintes, il y a des éléments techniques liés à la réalisation du projet lui-même. S’ajoutent à cela celles relatives à l’expropriation. Deux choix s’imposaient alors à l’ANESRIF : le premier consistait à lever toutes les contraintes, puis commencer les travaux ; le deuxième à entamer les travaux et dans le même temps lever les contraintes. C’est ce dernier qui a été retenu par l’ANESRIF, d’après les explications de M. Fridi.’’

Voilà comment, la gouvernance de projets qui assure un pilotage stratégique du projet et qui définit le cadre dans lequel le projet s’inscrit, a été balayée par la vision d’Azzedine Fridi, notamment dans ses composantes de responsabilités, de mécanismes de prise de décision et de gestion de budget et de délais.

Azzedine Fridi, DG de l’ANESRIF serait-il finalement la bonne personne à la tête de ce projet qu’il n’a manifestement pas su maitriser, et qui pourrait lui valoir d’être poursuivi par la justice pour octroi d’indus avantages, d’abus de fonction et d’utilisation illégale de l’argent public ? Nous attendrons les réponses de la justice.

Un malheur n’arrivant jamais seul, la société Italienne choisie par l’Algérie pour le projet ferroviaire d’Oued Tlélat – Tlemcen – Akid Abbas, traverse d’importantes difficultés financières.

En Aout 2018, elle est déclarée en état de faillite par un décret du Ministère du développement économique Italien et mise sous administration en Avril 2019. Depuis, tous ses actifs ont été mis à la vente, et les offres d’achat sont attendues avant le 15 Juillet 2019.

De combien les délais vont-ils encore s’allonger et quelles pertes va-t-on encore colmater avec de l’argent public ?


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