Braconnage

«Bouteflika est parti, ses invités doivent le suivre»



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Braconnage des émirs du Golfe. «Bouteflika est parti, ses invités doivent le suivre.» C’est ce qu’on nous dit d’emblée, dès qu’on aborde le sujet avec qui que ce soit. Le sujet, c’est la faune sauvage protégée, les outardes et les gazelles tout particulièrement. Les invités ? Ce sont les émirs du Golfe qui braconnent impitoyablement ce qui reste d’animaux vivant dans l’immensité du sud de l’Atlas saharien, de la frontière marocaine jusqu’à Biskra.

«Ce n’est pas le désert, c’est le Sahara», nous fait-on remarquer avec une pointe de reproche. Ce n’est pas le vide comme on le croit par glissement sémantique (voir encadré). Il y a de la vie. Des plantes et des animaux sont présents en toutes saisons sur ces territoires auxquels sont profondément attachés des hommes qui s’y sont parfaitement adaptés. «Nous voulons être respectés pour ce que nous sommes, avec nos traditions dont celle, tenace parce que séculaire, de vadrouiller librement dans ces vastitudes avec la chasse comme prétexte», nous déclare un éleveur de dromadaires d’El Bayadh.

Il ajoute, désappointé : «Aujourd’hui, il ne reste plus d’animaux. Les bonnes herbes disparaissent, écrasées par les véhicules tout-terrain qui ratissent en formation. On ne circule qu’avec la crainte de tomber sur des Qataris, des Saoudiens ou des Emiratis et leurs escortes de gardes et de gendarmes algériens qui nous fouillent sans ménagements, comme des suspects. On nous conteste le droit de chasser pour ne pas leur faire de compétition sur les espaces qu’ils se sont appropriés.»

Avec le hirak (la révolution du Sourire du 22 février), en fait depuis la démission de Bouteflika, le ressentiment de la population locale à l’égard des «invités du raïs» comme aiment se faire appeler les émirs du Golfe, s’est accentué. «Qu’est-ce qu’ils attendent pour lever le camp» s’exclame un berger sur la hamada de Bendella, proche du Centre qatari pour la reproduction de l’outarde houbara et des gazelles. Sur la route entre Brézina et Labiodh Sidi Cheikh (sud d’El Bayadh), une enceinte de 350 hectares complètement clôturée sur 3 km de long sur un de large par un impressionnant mur en dur.

Seules installations à l’extérieur et tenus à bonne distance, les campements de l’ANP et de la Gendarmerie qui assurent la sécurité. Sur les photos satellites montrent à l’intérieur un terrain totalement nu à l’exception de quelques baraquements à proximité de l’accès sud-ouest. «Nos troupeaux ne peuvent pas s’en approcher et si on s’en approche un peu trop à leur goût, moins de 3 ou 4 km, nous sommes immédiatement rejoints par un véhicule de la gendarmerie accompagné de leur agents de sécurité qui nous demandent de déguerpir», nous racontent des bergers qui nous dissuadent de chercher des animaux et encore moins des outardes ou des gazelles.

«Ils ont tout liquidé depuis des années. Il n’y a plus une seule outarde sur toute la hamada qui est son habitat naturel. Même le lièvre et la gerboise ont disparu. Ils n’ont pas laissé de chance non pluqau courvite isabelle1. «Et les outardes que les Qataris sont censés reproduire et relâcher sur la hamada», avons-nous demandé. «On n’en a pas vu une seule fois, sur la hamada entre Brézina et Labiodh Sidi Cheikh», nous disent les rares cultivateurs rencontrés. Un ancien employé des émirs, qui en a gros sur le cœur à cause des humiliations subies, nous confie qu’il n’y a eu qu’«un seul lâcher d’outardes, mais il a été fait à l’approche de l’été et les oisillons libérés dans la nature sans protection, sans nourriture et sans eau, n’ont pas survécu».

«Nous abattons délibérément les outardes pour chasser les émirs»

En ville, on ne cache plus depuis longtemps son hostilité à l’implantation, depuis déjà 15 ans, des émirs du Golfe. «Même les gendarmes reconnaissent qu’ils ne peuvent rien faire, alors que les autorités locales avouent que cela vient d’en haut…» Beaucoup de voix se sont élevées contre les agissements des émirs braconniers, mais sans grand succès. «Ils ont promis un tas de choses en échange de leur venue. es projets d’investissements mirobolants et probablement quelques largesses à leur protecteur.» La reproduction des espèces qu’ils déciment est une arnaque à laquelle a contribué la Direction générale des forêts, nous explique un militant d’une association de protection de la nature d’El Bayadh.

D’une part, parce que «les gazelles dorcas d’Arabie Saoudite ne sont pas de la même espèce que les nôtres, ce qui va entraîner pour le moins une pollution du patrimoine génétique et probablement des maladies car celles introduite proviennent d’élevage intensif de 100 000 individus très mal en point et dont les Saoudiens cherchaient à se débarrasser». Et puis, ajoute notre interlocuteur, «il n’y a eu aucun lâcher d’outarde significatif qui lui a été porté à sa connaissance».

A Labiodh Sidi Cheikh, cœur de la contestation citoyenne de la wilaya d’El Bayadh, on nous avoue sans détour qu’«autrefois nous ne chassions pas l’outarde mais aujourd’hui nous lui tirons dessus délibérément pour chasser les émirs braconniers». Il faut aujourd’hui vadrouiller une semaine pour espérer apercevoir une outarde ; quant aux gazelles, ce qui reste s’est réfugié plus au sud, dans le Grand Erg.

Unanimes, citoyens, animateurs des ligues des droits de l’homme, chasseurs et éleveurs de moutons ou de dromadaires, sans faire de distinction entre les Saoudiens, les Qataris et les Emiratis, dénoncent «cette présence est une atteinte à la souveraineté de l’Algérie qui nous affecte profondément parce que les symboles et les lois de la République sont bafoués, ridiculisés. Leur présence est illégale parce qu’il n’y accord, ni accord et encore moins un regard sur leurs activités».

Avec la protection de la Gendarmerie nationale, ils appliquent leurs lois esclavagistes sans considération pour les citoyens de ce pays. Comme par exemple la fouille des citoyens par des agents de sécurité qataris sous les yeux des gendarmes algériens qui reconnaissent qu’ils ne peuvent rien faire. «Allez déposer plainte», disent ces derniers, sachant pertinemment que cela n’ira pas plus loin. Des zones sont totalement interdites aux nationaux alors qu’elles sont ouvertes aux gens du Golfe qui passent à toute vitesse. On les a vus rouler à 200 km/h, provoquer des accidents mortels sans jamais être inquiétés.

Ils cherchent aussi des météorites

«Leur méthode de chasse est dévastatrice», raconte un éleveur de dromadaires. «On a compté jusqu’à 100 véhicules tout-terrain qui se mettent en ligne et ratissent des milliers d’hectares en piétinant la végétation, ô combien utile pour la faune. Rien n’échappe à ce rouleau compresseur. C’est à comparer aux Huns et à leur chef Attila dont on dit que là où il passe, l’herbe ne repousse pas. C’est pire que le glyphosate ou le meilleur des herbicides.

Les forestiers, certes impuissants lorsqu’ils ne sont pas complaisants, sont complices de ce massacre. Les périodes de reproduction des espèces protégées ne sont pas respectées. Ils ont de l’équipement pour la chasse nocturne. Jumelles et armes de guerre, en plus de drones qui repère tout ce qui bouge au sol. Selon nos interlocuteurs, on les aurait aperçus encore avec du matériel qui ne sert pas à la chasse. On s’interroge en effet sur ce qui s’apparente à des détecteurs de métaux. Pour beaucoup, il s’agit de la recherche de météorites car ils ont été vus en train d’en ramasser.

Un tiers de la wilaya d’El Bayadh, soit près de 38 000 ha, a été mis à la disposition des émirs. Mais en réalité, nous fait-on remarquer, on ne sait rien car en fait ce sont eux qui fixent les limites en se partageant les terrains. Les Emiratis sont à Laghouat et Ghardaïa, Les Saoudiens à Béchar et  Ghardaïa, les Qataris à El Bayadh et Naâma.

En revanche beaucoup se réjouissent de la présence des émirs. Ils payent bien ou mal selon le service rendu, en devisse. Ils achètent 4000 DA l’œuf d’outarde ramassé – l’autre malheur de cette espèce protégée – 30000 DA l’agneau et 1000 DA le pigeon pour nourrir les faucons, car en plus de la chasse, les émirs pratiquent la fauconnerie, le mal par lequel ils sont ont jeté leur dévolu sur l’Afrique du Nord après avoir dévasté la péninsule arabique, le proche et moyen Orient, l’Iran et les plaines de l’Asie centrale.


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