Télévisions-pouvoir

Les liaisons dangereuses



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JT et émissions monochromes, débats à sens unique, attaques abjectes contre la population, volonté de semer la division parmi les Algériens. La propagande des chaînes publiques comme privées a atteint un niveau inégalé. La preuve est donnée par la télévision publique : son JT du vendredi donne une image dévoyée de la marche hebdomadaire.

La voix off a expliqué que les citoyens sont sortis pour réclamer «la justice sociale» et la «poursuite de la lutte contre la corruption». Les passages à l’écran sont bien sélectionnés : le micro est tendu à des individus qui s’empressaient de saluer le «grand travail» de l’armée et de son chef, Ahmed Gaïd Salah, qui «a sauvé l’Algérie».

Parmi ces individus, des internautes ont cru voir un vieux supporter de… l’ancien chef de l’Etat Bouteflika. «Cette personne se pointait lors des marches de 2011 avec le portrait de Bouteflika.

C’est d’ailleurs elle qui a créé le culte du cadre», raille un internaute. Un autre s’offusque : «Quel montage vidéo ! Trop fort ! Ils se pointent à 8h et ils prennent deux ou trois personnes complètement sonnées pour faire le show de 20h. Pauvre Algérie et pauvre journaliste. Et comme par hasard, les cris du peuple qui résonnent jusqu’au fond de l’Afrique, ils ne les entendent pas.»

Si au début, les chaînes de télévision publique et de droit étranger avaient fait le choix d’ignorer le mouvement citoyen et ses revendications, elles seront contraintes d’assurer des couvertures des marches. Mais à minima. Quelques rares personnalités de l’opposition et du monde universitaire, boycottées jusque-là par des médias à la botte du régime Bouteflika, ont pu être invitées, à l’instar de Djilali Soufiane, président de Jil Jadid.

Mais l’espoir d’une ouverture réelle du champ audiovisuel algérien n’a été que de courte durée. Après les mises en garde de l’institution militaire, ces mêmes médias ont décidé de faire l’impasse sur les marches populaires. Pire, les slogans des marcheurs sont dévoyés dans des comptes rendus. Les propagandistes du régime de fait ont ressorti les mêmes recettes, en servant un discours uniciste à la population. L’information sur l’activité du MDN prendra le dessus.

Fait gravissime : la télévision publique, plutôt modérée dans ces couvertures, a attaqué un moudjahid, le commandant Lakhdar Bouregaâ, accusé d’usurper le nom d’un ancien chef de la Wilaya IV historique ! Indignation populaire importante, mais point de réaction de certains partis nationalistes, ni de l’Autorité de régulation de l’audiovisuel (ARAV) et encore moins du ministère des Moudjahidine. Quelques heures après l’erreur professionnelle, l’Unique fera lire par ses présentateurs une mise au point maladroite.

«Médias aux antipodes de la société»

Reporter de Canal Algérie et membre du collectif des professionnels de l’audiovisuel public, Abdelmadjid Benkaci estime que la télévision publique a, depuis toujours, été un moyen de propagande du pouvoir en place, et ce, depuis l’ère Boumediène. Et elle l’est restée. «L impact de ce média lourd sur le public a fait ses preuves au temps du parti unique.

Depuis et avec l’ouverture ‘‘démocratique’’ et l’arrivée de la presse écrite privée, la télévision publique a tenté une ouverture en direction de la société algérienne, en donnant la parole à toutes les sensibilités, mais cela n’a pas duré, surtout avec la tournure qu’ont pris les événements politiques et sécuritaires durant les années 1990», constate Benkaci.

La situation de ce média s’est «compliquée» après l’arrivée aux affaires de Bouteflika qui a, relève-t-il, mis à genoux la télévision publique devenue presque le service de communication de la présidence de la République.

«Le service public est totalement absent et c’est la voix du pouvoir qui est maître des lieux au sein des rédactions du 21 boulevard des Martyrs. La propagande s’est installée en force au détriment d’un service public pour lequel se bat depuis le mois de février le collectif des professionnels de l’audiovisuel de l’Eptv», s’offusque le reporter. Le travail de propagande de l’Unique est aussi la marque de fabrique des chaînes offshore ouvertes à la faveur de promulgation de la loi sur l’activité audiovisuelle (2014).

Les «hirakistes» irrités par des couvertures médiatiques n’ont pas cessé de dénoncer «une presse aux ordres». Vendredi dernier, des marcheurs ont scandé des slogans très hostiles à ces médias : «Sahafat el 3ar», «Sahafa dégage» (Médias de la honte), (Médias dégagez), sont autant de mots d’ordre contre eux. Ils ont aussi brandi des pancartes sur lesquelles on peut lire : «La presse a trahi le mouvement populaire». «Télévisions-égoûts», en référence à deux chaînes TV particulièrement : Ennahar et Echorouk.

La détestation des «journalistes de service» ne se limitent donc pas à ceux de l’ex-Unique, mais touche également les médias privés, censés avoir une ligne éditoriale plus libre. «Aujourd’hui, malheureusement, cette situation est vécue même par les médias audiovisuels privés qui se sont rangés, pour diverses raisons, du côté du pouvoir en place. La situation est aujourd’hui grave, la presse est muselée à l’exception de deux ou trois titres de la presse écrite. Nous devons réagir si nous voulons sauver notre métier», tranche Benkaci.

Pour le reporter de Canal Algérie, la propagande actuelle ne va aucunement contribuer à trouver une solution à la crise politique que connaît notre pays, mais va la «faire perdurer et reproduira» la situation qui a conduit les Algériens à se soulever. «On ne peut pas cacher et travestir éternellement la vérité et semer le mensonge pour des objectifs qui vont à contresens de la volonté du peuple», tranche-t-il.


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