Quand le hirak s’invite à la CAN



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Il convient de rappeler que ce sont les «ultras» des clubs de foot, avec leurs slogans sulfureux, qui ont alimenté la contestation pendant des semaines.

C’est un fait : au moment où l’équipe nationale renoue admirablement avec le succès, il faut bien constater que ce temps fort coïncide avec la lame de fond du 22 février et cette effervescence populaire qui n’est manifestement pas près de retomber.

D’aucuns se demandaient si se passionner pour l’épopée des hommes de Belmadi n’était pas de nature à détourner les «hirakistes» de leur objectif révolutionnaire, aujourd’hui, la question semble de moins en moins faire débat, tant tout le monde est tombé à peu près d’accord sur le fait que, tout bien considéré, liesse footballistique et contestation peuvent faire parfaitement bon ménage.

Il convient tout de même de rappeler que ce sont les «ultras» des clubs de foot et leurs slogans sulfureux qui ont alimenté la contestation pendant des semaines et continuent de le faire. Sans aller jusqu’à avancer que Raïs M’bolhi et nos autres «fabulous 11» sont les ambassadeurs de la nouvelle révolution DZ, on peut au moins soutenir que notre onze national est abreuvé par cet esprit impétueux et ces effluves libertaires qui émanent du mouvement populaire.

Notre ami, le poète et écrivain Amin Khan, a parfaitement capté cet esprit en écrivant sur sa page Facebook, dans sa série de textes intitulée «Position» : «C’est une équipe qui mérite les récompenses les plus élevées parce que son esprit est bien l’esprit révolutionnaire de l’Algérie engagée aujourd’hui dans un grand combat démocratique et populaire pour l’avènement d’un pays jeune, dynamique, enthousiaste et heureux.» De son côté, le musicien Amazigh Kateb martèle : «Jouer pour un peuple en révolte est une charge bien plus importante que toutes les coupes réunies.»

Abdelouahab Fersaoui, président de RAJ, a abondé dans le même sens en postant ce message sur sa page : «Le peuple ne va pas lâcher, il est déterminé, même si le pouvoir continue ses manoeuvres pour détourner le mouvement de son objectif principal en utilisant cette fois-ci l’argent du peuple pour assurer un pont aérien afin de permettre aux centaines d’Algérien(ne)s de supporter notre équipe nationale sur place, en Egypte. Les victoires de l’équipe nationale ne peuvent que renforcer le hirak et encourager les Algérien(ne)s à poursuivre leur mobilisation pacifique.»

Mahrez et l’article 7

Maniant l’art du détournement, de l’humour et de la parodie comme personne, des internautes ont trouvé le moyen de mêler nos pauvres joueurs qui avaient déjà assez à faire face aux redoutables Nigérians, et avant eux, face aux indomptables Eléphants et autres Lions de la Teranga, aux vicissitudes du hirak et se trouvent ainsi, malgré eux, investis d’une mission improbable.

Après sa prestation monstrueuse contre la Côte d’Ivoire, en quarts de finale, on a vu Raïs M’bolhi paré, sur des portraits détournés, du costume de Président, et pas que pour son nom (Raïs) qui semble lui promettre un destin présidentiel. Ce dimanche, sitôt le match face au Nigeria plié sur ce coup franc magistral de Riyad Mahrez, d’aucuns se sont emparés de la symbolique du chiffre 7, qui est celui de Mahrez, pour faire le lien avec l’article 7 de la Constitution, synonyme de «pouvoir au peuple», et qui est l’un des slogans phares des «hirakistes».

Sur la page «le pouvoir populaire», sur Facebook, on peut voir une image montrant Mahrez et Belaïli célébrant le but de la victoire. L’image s’appuie sur les numéros des deux protagonistes en précisant : «Articles 7 et 8», avant d’ajouter ce slogan tagué sur la photo : «El kass dialna wendirou raina» (La coupe est nôtre et on fera ce qui nous plaît).

Les fervents supporters de Gaïd Salah se sont emparés autrement du coup de maître de Mahrez et ses dribles endiablés pour le comparer au «mendjel» (la «faucille») de Gaïd Salah qui «fauche les corrompus». «La faucille de Mahrez intervient dans le temps mortel et nous offre la plus chère des qualifs» exulte un supporter d’AGS. Dans un message ironique partagé sur les réseaux sociaux, on pouvait lire : «Urgent : Gaïd Salah ordonne de changer immédiatement le numéro de Mahrez du 07 au 102. C’est le dernier avertissement.»

Blague à part, rappelons que le MDN a pris sur lui de prendre en charge, en partie, le transport des supporters au Caire, en mobilisant six avions militaires, pour soutenir l’équipe nationale lors de sa confrontation avec le Nigeria.

«L’Armée nationale populaire, partant des liens solides et éternels qui l’attachent au peuple et afin de satisfaire le souhait d’une grande partie  des jeunes pour assister à ce match historique, a tenu à être au rendez-vous, comme à son accoutumée, aux côtés de ses compatriotes, pour être à la hauteur du parcours exceptionnel de l’équipe nationale de football depuis le début de cet événement continental majeur», expliquait le ministère de la Défense à propos de ce «pont aérien». Une flotte encore plus conséquente devrait permettre d’acheminer plus d’aficionados au pays des Pharaons pour la finale.

«Vendredi, la finale contre Gaïd Salah»

Autre détail hautement symbolique qui n’a échappé à personne : la finale qui opposera l’Algérie au Sénégal, programmée pour le 19 juillet, va tomber un… vendredi, coïncidant ainsi avec le 22e acte de notre «Silmiya». «Si on remporte la coupe, on affrontera Gaïd Salah en finale», résume le jeune écrivain Anis Saidoun, amusé, sur sa page Facebook. Aujourd’hui, il tombe sous le sens que la synthèse s’est faite naturellement, sans heurts, entre foot et politique, ou, plus exactement, entre les Algériens et leur équipe nationale.

Certes, comme partout, amours et désamours alternent à l’endroit de nos capés au gré des résultats, mais il semble qu’il y ait quelque chose qui transcende la stricte logique des titres dans le moment politico-footballistique que nous vivons : nous nous sommes véritablement retrouvés, à tous les niveaux, depuis le 22 février, et les succès d’El Khadra sont venus conforter, consolider un peu plus cette communion.

Et l’attention captée par les écrans de télévision et la voix enflammée, éraillée par l’émotion, de Hafid Derradji, n’a en rien empêché les gens de continuer à battre le pavé et à exiger un vrai changement. Vendredi dernier, au lendemain de la qualification des Verts à la demi-finale de la CAN, les jeunes scandaient dans les manifs : «Gouloulhoum ma tahchouhanache gaâ bel baloune, gouloulhoum neddou el houriya we ikoun wech ikoun» (Dites-leur vous n’allez pas nous avoir avec le ballon, dites-leur nous arracherons la liberté quoi qu’il arrive).

Ce dimanche, dans un stade Ouagnouni plein comme un œuf, la foule en transe des supporters chantait à l’unisson La Casa d’El Mouradia qui est resté longtemps l’hymne du hirak. Jeudi dernier, après l’autre victoire éclatante face à la Côte d’Ivoire, l’esprit du hirak était parfaitement présent dans les festivités. Et cela n’a pas empêché quasiment les mêmes personnes qui défilaient pour fêter la victoire de l’EN, de sortir crier le lendemain : «Dawla madania, machi askaria»…

«Nous allons gagner la Coupe d’Afrique, et la liberté, et la démocratie», résume Redouane Boudjemaa, spécialiste des médias et défenseur des droits de l’homme, dans un message posté sur son compte officiel. On a en tout cas le sentiment que c’est devenu une motivation supplémentaire pour les joueurs de donner du bonheur à un peuple dont le monde entier semble enfin découvrir le génie et la grandeur.

Après les derniers incidents qui se sont produits en France, Pierre Ménès a pris la défense des Algériens en tweetant : «A ceux qui critiquent le comportement de certains après la victoire de l’Algérie, souvenons-nous du désastre après la victoire des Bleus et du comportement exemplaire du peuple algérien pendant les manifestations dans leur pays. Et ne salissons pas tout le monde pour quelques dégénérés.»

«La liberté, ça ne nous fait pas peur»

Disons-le une fois pour toutes : ces victoires de notre chère équipe nationale nous font un bien fou et on ne va pas bouder ce plaisir ! Elles viennent s’ajouter à toutes ces petites victoires cumulées depuis le 22 février : on s’accepte les uns les autres, on se parle, on est pacifiques jusqu’à la zénitude malgré toutes les provocations subies, les épreuves qui se sont abattues sur nous.

On est divers, multiples, polyglottes, diasporiques, ouverts sur le monde, sympas, créatifs, géniaux… Et tout le monde a sa place dans cette Algérie bigarrée. Dans le hirak comme dans l’équipe nationale, tout le monde a pu prendre la mesure de la puissance du lien entre les Algériens de l’intérieur et ceux de la diaspora.

«Equipe nationale de foot pratiquement binationale. Petit rappel : depuis la révision constitutionnelle de 2016 «la nationalité algérienne exclusive est requise pour l’accès aux hautes responsabilités de l’Etat et aux fonctions politiques» (art. 63). Cet article est indigne de l’histoire contemporaine algérienne», regrette la juriste Sabra Sahali dans une publication sur les réseaux sociaux.

Un dernier geste symbolique avant la finale : cette image qui a fait le buzz, montrant Mahrez et ses coéquipiers chantant en chœur La Liberté de Soolking, l’un des tubes les plus repris pendant les manifs. «Paraît que le pouvoir s’achète/ Liberté, c’est tout ce qui nous reste/ Si le scénario se répète/ On sera acteurs de la paix… La liberté, la liberté, la liberté/ C’est d’abord dans nos cœurs/ La liberté, la liberté, la liberté/ Nous, ça nous fait pas peur…»


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