Réaction citoyenne au langage allusif et codé de l’ambassadeur de France en Algérie



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Par Tarek B. – En digne héritier d’une diplomatie soi-disant d’influence qui repose encore sur les certitudes bien ébranlées de l’ordre international ancien, l’ambassadeur de France à Alger a cru bon de convoquer l’histoire fantasmée de son pays, pour exprimer une bienveillance bien suspecte à l’égard du hirak algérien, le tout enrobé de la sempiternelle sucrerie diplomatique flairant bon le paternalisme de mauvais aloi. C’est, en tout cas, ce que l’on retient du discours allusif prononcé par Xavier Driencourt, à l’occasion de la célébration de la fête du 14 Juillet. La célébration de l’exemplarité du mouvement populaire algérien par un pays pourtant très proche du clan Bouteflika – friande qu’elle était de de sa prodigalité et de ses largesses – est assez flagrante pour ne pas interpeller notre opinion publique.

Il y aurait, effectivement, artifice à ne pas relever dans ce discours enjoliveur, les germes d’une forme d’ingérence soft dans nos affaires intérieures. Il ne faut pas s’étonner que M. Driencourt ait voulu faire son miel des acquis arrachés par le hirak algérien. Il y décèle, là, une opportunité toute trouvée pour essayer de se débarrasser, un peu trop facilement, du passif encombrant d’une relation bilatérale privilégiée et ô combien fructueuse sous l’ère du président Bouteflika, car faites d’avantages substantiels et exclusifs, consentis au rythme des échéances électorales dans notre pays et du nécessaire quitus de l’ancienne puissance coloniale. Le tout au nom d’un chimérique «partenariat d’exception» à ranger résolument dans le registre des vœux pieux.

Il n’est, d’ailleurs, pas anodin que l’ambassadeur français n’attribue aucun qualificatif aux relations politiques, ni même humaines, qui lient les deux pays. Le «nous» franco-algérien par lequel il conclut son laïus cache mal un embarras manifeste, car l’objectif du tour de passe-passe est de se racheter une conduite au prix d’une simple saillie rhétorique. Ca ne mange pas de pain et, surtout, ça permet de prendre date pour l’avenir.

Au peuple algérien et à la jeunesse qu’il croit pouvoir subjuguer par la magie du verbe, au détour de quelques phrases bien sentencieuses, il suffit juste d’éplucher les statistiques sur la très forte baisse du nombre de visas délivrés par la France aux Algériens, ou encore la réaction disproportionnée des autorités françaises aux scènes de liesse de notre diaspora en France, suite à la qualification de l’EN de football à la finale de la CAN-2019, pour se convaincre du contraire : la faconde de circonstance de M. Xavier Driencourt fait partie de ce que l’on appelle l’affichage, pour ne pas dire l’enfumage diplomatique.

Son éloge panégyrique ne suffira pas à faire oublier les contacts, étroits, suivis et avérés entre le président Macron et certains plénipotentiaires algériens connus pour sauver le soldat Bouteflika à travers une pseudo feuille de route concoctée par le clan et adoubée par l’ancien colonisateur. Les Algériens n’ont pas la mémoire courte et ils constatent, aujourd’hui, que les remarques de l’ambassadeur, outre le fait qu’elles constituent quand même un début d’ingérence dans nos affaires intérieures, posent la question cruciale de la nécessaire distanciation que Paris se doit absolument d’observer lorsqu’il s’agit de dynamiques sociales et politiques propres à un pays sourcilleux pour tout ce qui touche à son indépendance et à sa souveraineté.

Cet ambassadeur, dont les «sorties de route» sont déjà nombreuses et variées, devrait surtout s’abstenir de donner des conseils paternalistes sur la «vigilance» qui est requise pour cueillir les «fruits les plus sûrs». Son mea culpa tardif n’exonérera en aucune manière le pays qu’il représente de ses accointances avérées et solidement établies avec le clan, et ce, longtemps après le 22 février.

Est-ce, sans doute, le sens à donner à cette phrase alambiquée et qui suinte la pénitence rétrospective : «Les vieux pays révolutionnaires (la France) peuvent dire leur dette à ces temps troubles mais libres». Quelle dette ? Début d’aveu sur des manigances avec le premier cercle du clan ? On attend de voir. En effet, pour être vraiment crédible, la sincérité, réelle ou feinte, de l’ambassadeur devrait l’inciter à en dire plus, sur ce registre en particulier.

Enfin, ce diplomate, qui se découvre sur le tard une vocation d’exégète des mouvements révolutionnaires, devrait plutôt nous donner son sentiment sur le phénomène des Gilets jaunes en France. Ce serait assurément très instructif.

T. B.


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