Finale de la CAN au Caire

les couacs d’une récupération politique bête et méchante



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L’équipe nationale a gagné sa deuxième étoile. Toute l’Algérie a exulté au bout d’une finale très dure, haletante, passionnante et exceptionnellement tendue. Les poulains de Djamel Belmadi l’ont fait : ils ont donné du bonheur à tout un peuple qui attendait un trophée sportif international pour retrouver sa communion et se libérer de son angoisse collective. L’Algérie, championne d’Afrique des Nations de football. C’est aussi un rêve qui se réalise pour le régime algérien. Contesté, rejeté, illégitime depuis le 9 juillet dernier, date de l’expiration du mandat présidentiel d’Abdelkader Bensalah, ce sacre des Verts a été récupéré politiquement par un régime aux abois. 

Et cette récupération a marié l’absurde avec le ridicule. Dés le coup de sifflet final, une image a été immortalisée par les caméras du monde entier : un militaire, un haut gradé de l’armée algérienne, foule la pelouse du stade du Caire pour serrer la main des joueurs de l’équipe nationale et les féliciter. Les joueurs sont surpris, les spectateurs ébahis. Non, ce n’était pas un haut gradé de la dictature militaire de l’égyptien Sissi. C’était l’attaché militaire et de défense de l’ambassade d’Algérie en Egypte.

La scène est hallucinante. Du jamais dans l’histoire des finales des compétions sportives internationales. Des militaires sur les pelouses pour s’afficher avec les champions adulés par tout un peuple. Le message politique est clair et précis : l’institution militaire algérienne est bel et bien présente dans l’arène et les caméras des médias internationaux peuvent en témoigner. « Le pouvoir, c’est nous ! » Est-ce le message que ce militaire voulait transmettre à tous les Algériens ? A-t-il été instruit de se frotter sciemment aux joueurs de l’équipe nationale ? Est-ce un moyen de retrouver une légitimité internationale que le régime algérien recherche désespérément ?

Ces questions ont suscité durant toute la nuit du vendredi au samedi un vif débat sur les réseaux sociaux. Les commentaires les plus déchaînés ont été postés et les échanges virulents entre défenseurs et partisans de l’institution militaire algérienne ont inondé le Facebook algérien.

Du point de vue protocolaire, cette apparition est un grave couac. Et pour cause, l’institution militaire a utilisé l’équipe nationale de football pour signifier sa prééminence politique. D’habitude, seuls les diplomates civils comme l’ambassadeur ou les membres de son staff partent à la rencontre des joueurs de football pour les féliciter et les remercier. Un attaché de défense est un militaire qui ne doit nullement attirer les projecteurs des médias. Son rôle est de gérer les dossiers de la coopération militaire avec le pays hôte, en l’occurence l’Egypte. Les questions sportives ou politiques dépassent de loin toutes ses prérogatives. Cette intervention intempestive dans le champ sportif est un grave précédent car elle marque une réponse cinglante aux millions de manifestants algériens qui sortent chaque vendredi pour dire non à l’Etat militaire tout en réclamant un « Etat civil ».

C’est, peut-être, la première fois dans l’histoire qu’un militaire s’ingère aussi « brutalement », du point de vue de la sémiotique, dans un protocole purement civil et diplomatique.

Cette entorse est venue s’ajouter aux autres bêtises commises par Abdelkader Bensalah. Ce chef d’Etat intérimaire dont le mandat légitime a expiré officiellement le 9 juillet dernier  s’est retrouvé seul dans le « carré VIP » des dirigeants politiques  au stade du Caire. Il était entouré uniquement par des responsables du football africain et mondial, incarnés par les présidents de la Fifa et de la CAF et un membre du gouvernement égyptien. Ni Abdelafattah Al-Sissi ni le président sénégalais, Macky Sall, n’ont participé à la finale de la CAN-2019. Les caméras du monde entier ont filmé ainsi un Bensalah malade, affaibli et esseulé au stade du Caire. Un Président auquel personne ne s’est frotté alors que son employeur, le régime algérien, espérait désespérément tirer des « dividendes » de ce déplacement en Egypte. Raté. Et ce ratage ne manquera pas de renforcer le hirak algérien dans sa détermination pour le changement démocratique.


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