Documents exclusifs. Plainte à la brigade de recherches de Bab Jedid contre la BNA et l’oligarque Mohamed Laid Benamor



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En  2010, dans la région de Skikda, à l’est du pays, le bradage surprenant de la conserverie Ben Azzouz de Boumaïza qui défraye la chronique dans le nord-est du pays, terroir de la tomate industrielle. La conserverie produisait, avec ses 18 unités de transformation, 90 000 tonnes de concentré, soit 150% des besoins nationaux. Aujourd’hui, grâce au Hirak et la mobilisation des Algériens qui a permis de briser les tabous de la corruption et des malversations financières, ce dossier atterrit à la brigade de recherches de la gendarmerie nationale de Bab Jedid, l’unité d’élite chargée d’enquêter sur les plus gros dossiers de corruption dans le pays. 

En effet, Algérie Part a obtenu au cours de ses investigations la copie de la plainte qui a été déposée par Benamara Mohamed, l’ex-gérant de la conserverie Ben Azzouz. Dans cette plainte, ce gérant infortuné qui dit se battre tout seul contre l’arbitraire pendant de nombreuses années, a dévoilé des pratiques scabreuses qui impliquent directement une agence bancaire de la BNA, l’une des plus grosses banques étatiques en Algérie, à Annaba, et l’oligarque Mohamed Laid Benamor, le patron du groupe Benamor, l’une des plus grosses fortunes du pays et l’un des soutiens les plus actifs au régime de Bouteflika lors de ces dernières années.

Benamara Mohamed a révélé dans sa plainte toutes les manoeuvres cachées entourant l’histoire de la vente directe des installations industrielles de cette conserverie décidée le 23 septembre 2010 par le tribunal de Azzaba (Skikda) a procédé à la vente directe. Cette vente a été décidée par ce tribunal dès la première séance, de cette grande conserverie au prix de 180 millions de dinars alors qu’en vérité, cette conserverie valait au moins « au bas mot aujourd’hui 270 ». Mohamed Benamara affirme également disposer d’une expertise de 2003 où la valeur de l’unité a été estimée à 800 millions de dinars. Une usine qui s’étend sur 4 ha, avec le tiers, 12 000 m², couvert. Une capacité de production de 7000 tonnes/an, soit 600 tonnes/24h. Elle employait 85 personnes en permanence et faisait vivre 1200 petits producteurs de tomate en absorbant la production de toute la région de Ben Azouz.

Mais à qui profitait cette vente ? Au groupe Benamor dirigé par l’oligarque Mohamed Laid Benamor qui dispose de nombreux relais d’influence au sein des appareils de l’Etat au niveau de l’est du pays. Dans sa plainte, Mohamed Benamara soupçonne clairement Mohamed Laid Benamor d’avoir exercé des pressions sur la BNA et des hauts commis de la Justice pour accélérer la mise en vente de la conserverie Ben Azzouz en septembre 2010 dans l’optique de l’utiliser comme une « hypothèque » afin d’obtenir un conséquent crédit bancaire auprès de la BEA en présentant une expertise financière qui évalue la valeur de cette conserverie privée à un montant nettement plus élevé que les 18 milliards de centimes déboursés lors de son rachat par le groupe Benamor.

Les informations révélées dans sa plainte par Mohamed Benamara jettent un véritable pavé dans la mare. Elles indiquent des manoeuvres douteuses déployées par un milliardaire en complicité avec une banque publique et les responsables du tribunal d’Azzaba afin de subtiliser une usine industrielle à son véritable propriétaire pour la transformer en fonds de commerce pour développer d’autres business juteux.  Nous avons tenté de joindre la direction générale du groupe Benamor pour obtenir des explications et des réponses aux questions soulevées par cette plainte déposée au niveau de la brigade de recherches de Bab Jedid à Alger.

Malheureusement, nos demandes n’ont pas abouti et le groupe Benamor ainsi que son patron n’ont pas daigné nous répondre.

Il est à souligner enfin que le gérant de la conserverie Ben Azzouz appelle à l’ouverture d’une véritable enquête de la gendarmerie nationale parce que cette usine aurait pu être conservée et sauvée sans la brader directement au profit de l’oligarque Mohamed Laid Benamor.

En effet, nous avons obtenu au cours de nos investigations d’autres documents qui démontrent de tous les efforts accomplis par les propriétaires de la conserverie Ben Azzouz pour sauver leur business et les emplois. Force est de reconnaître que la conserverie Ben Azzouz n’a pas pu bénéficier de crédits de campagne durant une période 8 ans et elle n’avait pu ainsi payer les agriculteurs, ses fournisseurs en tomate fraîche. Comme les autres conserveries, elle a eu à faire face à la mévente de ses produits concurrencés par ceux de l’importation. La BNA, sa banque, a réagi à l’époque sous la pression d’un très fort lobbying et l’usine a été mise sous scellés, alors qu’elle était en pleine production.

Le coulis de tomate est jeté aux égouts et des pertes ont été évaluées à 30 millions de dinars en double concentré de tomates (DCT). En 2004, il y a une procédure de vente aux enchères qui est engagée. Elle ne trouve pas preneur au prix fixé mais des équipements de l’usine sont vendus sans autre forme de procès. L’affaire emprunte alors un dédale de procédures judiciaires assez déroutantes. En 2007, la saisie est prononcée, mais la procédure de vente est rejetée par le tribunal. Un expert a été désigné pour fixer la mise à prix à 290 millions de dinars. Mais le 23 septembre dernier, l’usine est vendue à 180 millions de dinars par le tribunal de Azzaba en une séance unique et avec un seul acheteur dans la salle, à savoir monsieur Mohamed Laid Benamor. Avant ce bradage étonnant et douteux, Mohamed Benamara a tapé à toutes les portes. Il a obtenu le soutien de plusieurs organisations professionnelles et directions du ministère de l’Agriculture. En vain. Le diktat de la justice et de la BNA a penché en faveur de Mohamed Laid Benamor.

 


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