La tendance au voyage en baisse !



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Août, au cœur de l’été, le temps du short, des glaces et des belles nuits prolongées. C’est le temps où les âmes fatiguées des labeurs de toutes les journées de l’année sont en quête de repos.

C’est aussi le temps où congés et vacances rythment les propos qu’on entend à satiété à tout bout de champ. Comment s’y prennent les Kabyles des deux rives ? Voyagent-ils ? Qu’elle est la tendance cet été ? C’est en pleine crise politique illustrée par un mouvement populaire et contestataire qui dure maintenant depuis cinq mois, et d’une crise économique caractérisée notamment par une baisse palpable du pouvoir d’achat chez les Algériens, qu’intervient la période des congés et des vacances.

Une seule question posée aux citoyens mais aussi à des agences de voyage, nous a permis de comprendre comment passe le Kabyle ses vacances. Les réponses furent diverses, renseignant surtout sur les disparités au sein de la société kabyle : les différences entre citoyens en termes de mode de vie, des mentalités et des moyens. Ces paramètres pèsent lourd sur le choix respectif des uns et des autres. La couleur a été vite annoncée par un gérant d’une agence de voyage sise du côté de la haute-ville des Genêts. Pour ce jeune homme, la tendance aux voyages est à la baisse cette année. L’escapade estivale en quête de moments de détente à l’intérieur du pays selon lui est un «luxe» que beaucoup de citoyens ne peuvent se permettre. Alors là, des vacances à l’étranger !

C’est carrément «une utopie» ou carrément le fantasme que beaucoup d’Algériens n’arrivent pas à assouvir, lance-t-il. Mais qu’est-ce qui justifie ce pessimisme ? se pose-t-on la question. La réponse en dit long mais nécessite toute de même de plus amples explications. Notre interlocuteur fait le constat à partir des données d’une agence de la baisse considérable de la demande aux voyages organisés vers la Tunisie, la Turquie et l’Egypte.

«Cette année, la demande pour ces destinations a baissé considérablement comparée à la même période l’année passé», affirme-t-il. Pour ce gérant, «les Algériens sont laminés financièrement et préfèrent rester chez eux pour économiser plutôt que de partir ailleurs ». Il n’exclut pas aussi que l’engagement de l’élite qui a l’habitude de voyager dans le mouvement populaire soit pour quelque chose. Sur le plan accessibilité de l’offre, il souligne tout de même «une légère hausse des prix de ces voyages cette année, qu’il justifie par «l’augmentation des prestations hôtelières au niveau de ces pays ainsi que par les charges que se doivent de supporter les agences de voyages». Cette année, l’offre pour la Tunisie dans cette agence varie entre 49 900 DA, et 59 000 DA par personne adulte selon les options demandées. Pour l’année dernière, c’était entre 29 900 DA et 49 900 DA pour cette même période de l’année. Pour la Turquie, l’offre est entre 120 000 DA et 170 000 DA, note-t-il.

Pour Nadia, une avocate au barreau de Tizi-Ouzou, cette année, c’est la destination Algérie alors que d’habitude, elle ne rate pas l’occasion pour se rendre à l’étranger que ce soit à Paris ou en Tunisie. Pourquoi pas cette année ? «Pour la France, je n’ai pas pu renouveler mon visa et pour la Tunisie, la situation sécuritaire ne m’encourage pas trop, surtout avec les derniers attentats terroristes. J’ai loué avec la famille une résidence de vacances à Bejaia du côté de Beni Ksila et on a passé du bon temps». Nadia a deux enfants, et pour passer d’agréables vacances, elle économise avec son mari toute l’année, il faut dire que sa situation est plutôt confortable, donc le problème financier ne se pose pas trop, selon ses propres dires. Omar est un jeune homme célibataire et pour ses vacances, il préfère les randonnées dans les montagnes kabyles, plusieurs offres sont disponibles, explique-t-il.

Le concerné a participé à maintes reprises à ce genre d’aventures à Tala Guilef, Lac Noir, Tikjda, Azrou n T’hor, entre autres. «Ça ne coûte pas cher et ça me procure beaucoup de plaisir. Avec 10 000 DA, je passe du bon temps. Le pourquoi du choix est évident», explique-t-il tout en ajoutant : «J’aurais aimé partir ailleurs, en France par exemple, mais on ne m’a pas accordé le visa. La Tunisie c’est bien mais apparemment, il y a toujours des problèmes là-bas, je préfère rester ici». Amel est commerciale dans une agence de voyage sise à la tour, dans la nouvelle ville de Tizi-Ouzou.

«Je travaille dans ce domaine depuis plus de 10 ans et je sais par expérience que les catégories qui voyagent sont celles exerçant des professions libérales : avocats, médecins, commerçants, en plus des enseignants, c’est à ces catégories professionnelles que j’ai eu plus à faire», fait-elle savoir. Les destinations prisées, selon elle, sont la France et la Tunisie surtout. «Ces derniers temps, l’Espagne aussi est une destination à envisager mais la question de visa se pose aussi», ajoute-t-elle. Karim, lui, travaille pour une agence de voyage et de tourisme ? Il s’occupe du volet excursions, destiné plus aux jeunes, affichant des prix très abordables qui ne dépassent pas les 2000 da selon la destination. Bejaia, Tipaza sont les offres du moment. La demande est en hausse pour ce genre d’activité, constate-t-il. Pour le volet voyages organisés, la Tunisie et Turquie demeurent toujours les destinations les plus demandées mais une légère baisse a été relevée.

Si pour certains les vacances doivent impérativement se passer ailleurs, beaucoup pour diverses raisons préfèrent rester au pays. Cette catégorie est de loin majoritaire. Les vacances d’été pour beaucoup de personnes en ce moment se limitent au repos à la maison et à quelques virées sur les différentes plages de la wilaya. Le nombre d’estivants à ce jour, d’après le directeur du tourisme de la wilaya, M. Rachid Ghedouchi, avoisine les 5 millions 200 mille estivants diurnes et 645 000 nocturnes. Le premier responsable du tourisme de la wilaya confirme aussi le constat établi par les agences de voyages que nous avons consultées, à savoir la baisse de tendance aux voyages dans la wilaya et à travers le territoire national, des statistiques confirment le constat, appuie-t-il.

La cherté des billets prive les émigrés du pays

À l’approche des vacances d’été, la communauté kabyle en France se prépare pour sa part aux vacances, synonymes pour eux de regagner le pays. Pour certains, le rituel est annuel et indiscutable. Pour d’autres, cela ne relève pas forcement d’un choix. Ces dernières années, la tendance est de plus en plus en baisse et ce n’est certainement pas par faute de volonté.

En effet, le nombre des émigrés qui rentrent au pays lors de la période estivale d’été est en net recul. Il n’est pas difficile de faire le constat à travers les différents villages de la région où leur absence se ressent de plus en plus. Mais que se passe-t-il exactement ? Qu’est ce qui les empêche de venir passer les vacances dans leurs pays ? La question a été posée à Mohamed et Lila, un couple habitant à Perpignan en France. Cette année, ils ont pu venir après trois ans «d’abstinence forcée». «Il faut s’avoir que pour venir passer de bonnes vacances ici au bled, il faut travailler toute l’année et mettre de côté un bon pécule et encore, avec toutes les dépenses superflues et la cherté de la vie ici, ce sera juste limite», explique Mohamed.

Lila ajoute que «l’année dernière, on a voulu venir mais les billets ont frôlé les 800 euros et comme on est à trois avec le gosse c’était un peu difficile. On est partis dans le sud de la France où on a passé un agréable séjour tout de même». Chaque période de vacances, les compagnies aériennes affichent des augmentations, parfois les prix atteignent des seuils exorbitants. Pour la journée de mercredi, Air Algérie affiche sur son site officiel 820 euros pour un aller retour direct vers Alger et pour 581 avec escale. Bien sûr, les prix du billet changent en fonction des dates et d’autres paramètres.

Chez le concurrent Aigle Azur, on affiche le prix à partir de 220 euros. «Les émigrés ont cessé de venir au pays en période d’été, on préfère le mois d’octobre ou l’hiver, les billets sont moins cher et on fait pas mal d’économie, pensent Ahmed, qui a trois enfants habitant l’hexagone. «Mes enfants sont tous mariés et pères de famille, ils ont tous des projets ici au village. Ils construisent leurs maisons individuelles car pour l’instant ils viennent tous chez moi dans la maison familiale. C’est moi qui supervise les travaux et je peux dire qu’ils dépensent beaucoup pour ça, mais aussi pour le reste.

La chute du change dans le marché parallèle de l’euro ces derniers temps n’a pas trop été du goût de certains. C’est le cas de Rachid qui a annulé son voyage prévu pourtant pour la mi-juillet dernier, il nous explique que c’était motivé par la chute du prix de l’euro. «J’ai beaucoup de dépenses au bled, le prix de l’euro ces jours-ci ne me convient pas, je préfère attendre». Néanmoins, malgré les causes de privation des Algériens de leur pays, la cherté des billets demeure l’argument le plus probant évoqué par la majorité de nos interlocuteurs, il est en outre exprimé massivement, à travers leurs interventions sur les réseaux sociaux, par la communauté algérienne établie en France.

Pour une famille de quatre personnes, au prix de 500 euros pour le billet, il faut compter un minimum de 2 000 euros pour l’achat des billets. Certains ont été contraints de faire escale dans d’autres pays pour économiser, d’autres ont fait des vols de nuit, ou encore choisi de venir par bateau, ce qui est épuisant, souligne Abdelkader, un quinquagénaire qui regrette cette situation.
Kamela Haddoum.


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