Avec quelle conscience ?



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Le «règne» de Abdelaziz Bouteflika, et de son mauvais génie de frère conseiller, constitue une catastrophe politique, économique et sociale jamais vue avec une telle ampleur dans le monde en ce troisième millénaire. L’on a l’impression qu’il y avait une volonté manifeste de mener l’Etat algérien vers le naufrage. D’où cette conviction, chez la grande majorité des citoyens, que le Président démissionnaire était venu pour prendre sa revanche sur le peuple algérien qu’il a rendu responsable de son éviction de la succession de Houari Boumediène, en 1979. Comme si le peuple algérien avait son mot à dire à cette époque où l’Algérie vivait sous une féroce dictature.

Les Algériens sont encore sous le choc après avoir appris qu’ils ont vécu durant vingt ans sous un régime fait de gabegie, de rapine et de trafics en tout genre au profit d’une caste de nantis et de courtisans à la solde du clan Bouteflika. Le traumatisme est profond, d’où cette colère inextinguible des Algériens depuis la révolte pacifique du 22 Février à travers le territoire national.

Cependant, ce que l’on a vécu tout récemment ne semble pas avoir servi de leçon, particulièrement à certaines personnalités politiques. L’on pense en premier à Karim Younès, à qui le général Gaïd Salah a accordé son quitus pour conduire le dialogue national et entrevoir une sortie de crise.

La première leçon est de ne jamais plus faire de concession au pouvoir en place quand il s’agit de principes fondamentaux, parmi lesquels la libération de tous les détenus d’opinion et ceux qui ont arboré l’emblème amazigh. Une exigence première qui n’en est plus une pour le panel de Karim Younès, lequel s’emploie à concrétiser l’objectif du chef d’état-major d’organiser au plus tôt l’élection présidentielle.

Comment peut-on, en toute conscience, penser à l’avènement d’un Etat de droit, quand des jeunes Algériens croupissent injustement en prison, étant donné que le code pénal n’incrimine pas le port de l’emblème amazigh ? La courageuse juge du tribunal de Annaba l’a confirmé en relaxant un jeune homme emprisonné pour ce motif. Comment peut-on avoir la conscience tranquille en regardant dans le blanc des yeux des femmes et des hommes politiques ou des acteurs de la société civile, quand une légende vivante de la lutte de libération nationale, Lakhdar Bouregaâ, et l’icône de la vie politique Louisa Hanoune sont emprisonnés ? Tout le monde sait que les dossiers d’accusation de Issad Rebrab et des généraux Belhadid et El Ghediri sont quasi vides. Et il se trouve des gens, même parmi le panel de Karim Younès, qui donnent des arguments les plus farfelus à ces cas d’injustice flagrante. Comme au temps de «la justice de la nuit» instaurée par le clan de Bouteflika. Rien n’a donc changé. Le même système perdure.

Comment peut-on dialoguer en toute conscience quand des titres de la presse indépendante – notamment El Watan – subissent un embargo sur la publicité qui devient de plus en plus étouffant ? Gaïd Salah risque de réussir là où Bouteflika et son frère conseiller ont échoué : les faire disparaître. La loi du «plus fort» étant ainsi exprimée, Karim Younès et les membres du panel auraient dû présenter leur démission. Mais là, c’est une autre histoire !


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