Nasreddine Lezzar. Avocat d’affaires

«La liquidation du groupe Khalifa avait commencé par la désignation d’un administrateur»



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Le procureur général près la cour de justice d’Alger a annoncé, avant-hier, à travers un communiqué rendu public, que trois administrateurs judiciaires ont été désignés à la tête des groupes de Ali Haddad, Mahieddine Tahkout et des frères Kouninef qui sont actuellement incarcérés à la prison d’El Harrach pour de présumées affaires de corruption et de détournement d’argent public. Avocat d’affaires, Nasreddine Lezzar apporte, dans cet entretien accordé à El Watan, son analyse sur la mise sous tutelle de ces entreprises dont les propriétaires sont poursuivis en justice.

-Quels sont vos commentaires sur la décision de nommer des administrateurs des groupes dont les patrons sont actuellement incarcérés ?

Je vais me baser uniquement et exclusivement sur le communiqué du ministère de la Justice, qui est un document public. Mes commentaires n’interfèrent aucunement dans un quelconque cas d`espèce. La désignation d’un administrateur est une simplification formelle, qui se fait au détriment de la complexité du fond des problèmes.

Cette décision est certes importante et vient à point nommé pour permettre le redémarrage des entreprises bloquées depuis déjà quatre mois. Ses objectifs sont louables : la continuité de l’activité, la sauvegarde des emplois et l`exécution des obligations vis-à-vis des tiers. Cependant, il est à craindre qu’il n’est pas sûr qu’elle soit appropriée pour les atteindre.

En effet, confier la gestion à une personne étrangère – qui ne connaît pas l’entreprise et son activité, ne maîtrise pas son management – comporte le risque d’être une autre façon de la liquider. La liquidation du groupe Khalifa a commencé par la désignation d’un administrateur pour la banque. La suspension de cette banque qui se portait bien n’a pas été décidée officiellement, pour des raisons économiques mais pour des raisons disciplinaires au motif qu’elle n’aurait pas respecté les règlements bancaires. La banque a emporté toutes les entreprises du groupe dans sa chute. C’était un gâchis.

-Ce scénario risque-t-il de se reproduire ?

Peut-être bien ! Il faut avoir à l’esprit que nous ne sommes pas face à de simples unités industrielles, mais devant des méga-groupes avec des activités diverses et variées. Il faut ajouter qu’une entreprise a des partenaires qui sont liés à ses propriétaires et/ou ses managers, à son personnel par un «intuitae personae».

Le nouvel administrateur sera le parfait intrus qui empêchera la mécanique de tourner en rond. Il mettra énormément de temps pour maîtriser la réalité de l’entreprise ou du groupe, comprendre les problématiques auxquelles il est confronté pour prendre des décisions managériales urgentes quotidiennes ou des décisions stratégiques. La volonté des décideurs est louable, mais elle risque d’aboutir à des effets contraires aux objectifs fixés.

-Quel est le rôle précis de ces administrateurs ? Leurs prérogatives sont-elles circonscrites ?

En principe, l’ordonnance du juge d’instruction doit énumérer les missions, les pouvoirs et les limites. Il faut dire que dans la logique juridique pure, ces administrateurs sont désignés dans les cas des entreprises en difficulté économique. Ils sont désignés par le juge commercial et sont chargés de tenter un redressement de l’entreprise et, le cas échéant, la restituer aux propriétaires une fois assainie, ou la mettre en liquidation si la situation l’impose.

Habituellement, les ordonnances sont rédigées en termes génériques par le juge commercial et sont chargés d’une administration quotidienne du groupe qui se fait sous le contrôle du même juge commercial. Dans le cas d’espèce, ces administrateurs ont été proposés par un comité de fonctionnaires et sont désignés par le juge d’instruction, qui n’est pas familier avec ce genre de situation : gérer une entreprise qui n’est pas en difficulté mais dont le patron est en détention. Cette technique est une sorte d’enfant putatif né d’une union incompatible entre le droit commercial et la procédure pénale. Nous sommes devant une véritable mise sous tutelle des entreprises. Tutelle qui, hélas, n’est pas outillée pour gérer.

-Qu’auriez-vous préconisé si on vous avait consulté ?

Il eut été nettement préférable de laisser les propriétaires designer de nouveaux administrateurs. Même le risque de prolonger les infractions pénales est écarté du fait que cet administrateur agira sous le contrôle du juge d’instruction qui aurait pu se faire assister par un commissaire aux comptes. Il faut aussi ajouter que cette désignation ne règle pas le problème de fond qui est celui des comptes bancaires qui, pour l’heure, demeurent bloqués et sur lesquels le communiqué de la justice est totalement muet.

-Vous êtes familier de la vie des affaires. Avez-vous une recommandation à faire ?

La situation que vit actuellement la justice pénale algérienne est inédite. Les enjeux de la situation ne touchent pas uniquement au domaine traditionnel et classique du droit pénal, c’est-à-dire le respect des lois et les sanctions des atteintes à la légalité. Les retombées et répercussions des mesures prises par le juge pénal – juge d’instruction ou juge du fond – s’étendent aux petits et grands équilibres économiques, sociaux et politiques.

Il serait souhaitable que les magistrats chargés des dossiers fassent preuve de pragmatisme et d’ouverture vis-à-vis des parties et de leurs avocats, qui peuvent être d’un apport certain et salvateur.


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