Les enfants de la cour



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Manifestation non autorisée», «incitation à attroupement»… ces accusations contre des militants, activistes ou simples marcheurs ont ceci d’absurde qu’elles sont brandies au moment où des millions de personnes marchent dans les rues sans l’autorisation du wali ou du directeur des manifestations au ministère de l’Intérieur.

La justice n’est plus à une incohérence près, mais la triste ironie du sort est de voir un manifestant mis dans la même prison que les corrompus du régime qu’il a dénoncés. S’ils se rencontraient dans la cour, que se diraient-ils ? Un ex-ministre pourrait en rire, en faisant remarquer au nouveau venu que ses manifestations contre eux l’ont mené au même endroit qu’il souhaitait pour eux et que son Gaïd Salah n’est pas mieux que son Bouteflika. Le nouveau venu rétorquerait que lui s’en sortira dans peu de temps, contrairement à l’ex-ministre sur lequel de lourdes charges pèsent.

L’ex-ministre pourrait répondre que la justice n’est pas indépendante, tout se négocie, et que Bouteflika va revenir pour les sauver, peut-être même se présenter à la présidentielle. Le nouveau venu lui dirait que c’est impossible, la nouvelle loi électorale exige un diplôme universitaire pour se présenter, ce que n’a pas Bouteflika. L’ex-ministre pourrait lui répondre que tout se vend, lui-même ayant déjà acheté 15 diplômes à ses enfants. Le nouveau venu soulignerait que justement, ce sont ces méthodes de voyous qui l’ont mené en prison.

L’ex-ministre pourrait conclure que de toute façon, le résultat est là : ils sont tous les deux dans la même prison. Les deux pourraient en venir aux mains et, dans la foulée, générer une manifestation de soutien naturel aux détenus du hirak dans la cour de la prison. Les gardiens réprimeraient tout le monde, sans distinction de classe, en expédiant les survivants dans leur cellule. La morale de cette histoire est que comme ces ministres qui bénéficient de logements sans jamais y habiter, les juges ont les clés des prisons mais n’y vont jamais.


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