Mode d’action du hirak

 La mobilisation enfle à Béjaïa



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Le cycle des manifestations populaires a pris un coup de fouet notable pendant la semaine en cours à Béjaïa, où les manifs se sont élargies à plusieurs localités. Hier, la ville de Seddouk a vibré sous l’effet d’une mobilisation populaire qui s’est matérialisée par une marche qui a regroupé des centaines de citoyens, tandis que la ville a été paralysée par une grève générale durant la matinée.

La veille, c’est la population de Tazmalt, dans la vallée de la Soummam, qui s’est mobilisée pour la libération des détenus. La manifestation est partie du siège de la daïra où, il y a plus d’un mois, Karim Tabbou discourait, dans un meeting populaire, devant des centaines de citoyens. A Chemini, une assemblée générale est prévue aujourd’hui afin de mettre en place un comité citoyen qui œuvrera à revendiquer la libération des détenus d’opinion. Pour la même journée de ce jeudi, au moins trois manifestations de rue sont prévues, dont une à Aokas. Un appel y est lancé pour un rassemblement sur la place Katia Bengana pour exiger la libération «immédiate» des détenus.

Les affiches confectionnées mettent en avant notamment les noms du moudjahid Lakhdar Bouregaâ, de l’homme politique Karim Tabbou, de militants ou citoyens anonymes emprisonnés et auxquels s’est ajouté le nom du militant Samir Belarbi. A Aokas, l’appel est aussi fait «pour stopper net le fascisme et la tentative du coup de force électoral de la 3issaba». Tazmalt se remobilisera aujourd’hui aussi pour la deuxième marche populaire de la semaine. Un groupe de citoyens engagés d’El Kseur a appelé, de son côté, à marcher ce jeudi dans les rues de la ville. Au même moment, les avocats du barreau de Béjaïa battront le pavé au chef-lieu de wilaya.

Ils amorcent le retour de la mobilisation des robes noires, dont plusieurs se sont engagés bénévolement auprès des détenus. A toutes ces manifestations est adjoint le mot d’ordre du rejet de l’élection prochaine, un rejet signifié aussi par le traditionnel slogan kabyle «Ulac l’vot ulac». L’annonce de la date de la très contestée présidentielle arrache des positionnements tranchés. Le président de l’APC de Beni Maouche, Mokrane Labdouci, a déclaré son refus public d’encadrer ce scrutin dans sa commune. «J’irai peut-être en prison mais jamais je n’organiserai des élections contre la volonté de mes concitoyens», a-t-il écrit sur son compte Facebook. De nombreux autres maires sont dans la même logique et il n’est pas exclu que, dans le sillage de l’effervescence populaire, qu’ils s’afficheront publiquement, malgré les menaces de la loi électorale amendée.

Les initiatives, enflées par le dernier discours de Gaïd Salah, émanent des collectifs de jeunes citoyens qui se rebiffent, dont des animateurs associatifs et des militants politiques qui appellent à occuper la rue pour peser dans la suite des événements. A Seddouk, la marche a démarré du siège de l’APC pour finir par un rassemblement devant l’ancienne brigade de gendarmerie, une vieille bâtisse en ruine qui gît là depuis la révolte populaire de 2001. La symbolique n’a échappé à personne, d’autant que la foule criai pendant la marche : «Pouvoir assassin».

Des membres des familles des détenus de la région s’impliquent pleinement dans ces manifestations où la population leur exprime sa solidarité et sa détermination à continuer à exiger la libération de leurs enfants. «On ne vous abandonnera jamais, jamais. Notre objectif, c’est de libérer non seulement les détenus mais l’Algérie entière» a déclaré, au microphone, un militant associatif de Seddouk. Dans cette ville, des parents de détenus étaient en tête de la procession, derrière une banderole frappée des portraits de trois détenus de la région et sollicitant l’engagement des Algériens : «Libérons l’Algérie». Medjani Khiredine, Tigrine Wafi et Bibi Makhlouf sont trois citoyens de la commune de Seddouk qui sont actuellement en prison.

Les deux premiers ont été arrêtés à Alger, vendredi 13 septembre, et accusés de «regroupement illégal». «Tigrine a été arrêté alors qu’il descendait d’un taxi à la Grande-Poste et Medjani on l’a pris dans un café algérois», témoigne un des avocats des détenus. Bibi Makhlouf a été arrêté, quant à lui, pour port du drapeau amazigh et attend son procès. «La justice est instrumentalisée. Les procès sont politiques et nous devons réagir politiquement» a déclaré le même avocat. «Nos enfants ont le moral au beau fixe, ils n’ont rien changé de leur combat, même emprisonnés. Lorsque sa mère lui a rendu visite à El Harrach, elle l’a trouvé souriant et il lui a dit que le combat doit continuer», témoigne, sous les cris de «Ulac smah ulac» (pas de pardon), Rachid Medjani, le père du détenu.

La wilaya de Béjaïa compte bien d’autres détenus d’opinion, dont Mohand Ameziane Belhoul de Bouhamza et Ouidir Khaled de Tazmalt. «On leur a fabriqué des chefs d’inculpation. La justice est aux ordres, elle est soumise. Nous n’accepterons jamais leur agenda», s’est écrié, à partir de la tribune, le député RCD, Atmane Mazouz. Les manifestants, autant à Seddouk qu’à Tazmalt, ont réitéré l’exigence d’une période de transition. «Dirou el intikhabat fel imarat» (Faites les élections aux Emirats), a-t-on scandé à Seddouk.


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