«Entre Total et ExxonMobil, l’Algérie perd progressivement sa souveraineté»



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– Que pensez-vous de la finalisation du rachat des actifs d’Anadarko par Total ?

La finalisation du rachat des actifs par le français Total des actifs d’Anadarko en Algérie serait en cours. Le ministre de l’époque avait signalé que l`Etat algérien allait user de son droit de préemption pour empêcher cette acquisition. Rien n’a été fait en dépit du danger que représente cette opération pour la souveraineté nationale dans un secteur aussi stratégique.

L’Etat algérien a laissé faire et la France, par le biais de Total, fera main basse sur le pétrole et le gaz algériens avec toutes les conséquences qui peuvent découler du fait qu’une entreprise française contrôle à elle seule la majorité des actifs énergétiques de notre pays.

– Est-ce que l’Etat algérien peut toujours user de son droit de préemption ? Comment pouvait-t-il faire pour s’opposer ?

En effet, j’avais soutenu qu’au-delà des moyens juridiques, il y avait d’autres possibilités ouvertes par la négociation avec Anadarko pour une offre de reprise de ses actifs à un meilleur prix que celui proposé par Total.

Ou aussi aider les soumissionnaires, autres que Total, intéressés par ces actifs, quitte à entrer en partenariat avec eux et/ou, aussi, user de tous les leviers du lobbying qui se trouvent entre les mains de l’Etat d’accueil de l’investissement, et ce, pour éviter que Total s’installe en position dominante dans un secteur de souveraineté dont il abusera sûrement.

Cependant, le recours aux différents moyens pour faire échec à cette cession dépend d’une volonté politique qui, visiblement, n’existe pas. Sur ces mêmes colonnes j’avais dit que le ministre avait commencé par démentir l`existence même de cette acquisition qui, juste après, s’est confirmée. C’est le signe d’un déficit en information ou en communication, et ensuite il a annoncé l’opposition de l’Algérie à cette cession, en usant du droit de préemption.

Nous avions soutenu à l’époque que ce discours était destiné à la consommation externe. En définitive et jusqu’à l`heure actuelle alors que la transaction est presque finalisée, L’Algérie n’a opposé aucune résistance ni par le biais de Sonatrach ni par celui d’Alnaft, encore moins par le biais du gouvernement, car nous sommes dans un domaine où il y a des enjeux de souveraineté.

– Et la convention entre Alnaft et ExxonMobil ?

Cette convention porte sur la participation de cette compagnie américaine à l’étude d’évaluation du potentiel en hydrocarbures des bassins du domaine minier du Sahara algérien. Elle n’a pas l’air d’une convention de recherches de ressources dans un champ pétrolier. Elle est plutôt l’objet d’une évaluation des ressources d`hydrocarbures dans tout le Sahara algérien. L’objet du contrat est beaucoup plus large.

Il s’agit d’informations stratégiques qui touchent à la sécurité économique nationale et à la sécurité nationale au sens large. Cette externalisation est inquiétante car les informations prospectives dans le secteur des hydrocarbures font partie du secret d`Etat. Dans ce secteur comme dans d’autres, l’information est le nerf de la guerre économique. Elle est un atout maître et un levier majeur dans les négociations internationales. L’information est un élément cardinal de manipulation entre les mains de celui qui la détient.

Il est terriblement inquiétant de noter que ce levier soit mis entre les mains des étrangers. Nous apprenons en même temps qu’une première phase de cette étude a déjà été menée et clôturée en juin 2019. Je me pose sincèrement la question de savoir si depuis 1962 Sonatrach ou le ministre de l’Energie n’ont pas pu développer les capacités de recherche et de prospection en dépit de tous le moyens dont ils ont disposé et dont ils disposent. Tous les partenariats n’ont pas suffi à générer et assimiler un transfert de technologie qui nous aurait assuré une indépendance en matière d`expertise dans un secteur de souveraineté.

– Quel est votre avis sur la révision globale de la loi sur les hydrocarbures ?

La révision de la loi sur les hydrocarbures revient. Je garde le sinistre souvenir d’un ex-ministre de l’Energie (Ould Kaddour) qui annonçait avec une fierté enfantine qu’il allait saisir les chancelleries étrangères pour connaître leurs attentes en matière de loi sur les hydrocarbures.

Cela signifie tout simplement que l’esprit de la nouvelle reforme est de permettre ce qu’on appelle, par euphémisme, l’attractivité ou le caractère incitatif qui, en d`autres termes et en l’occurrence, n’est qu’une braderie de nos ressources pétrolières. Il semble, si on juge par le contexte, qu’en dépit du départ de l`ex-ministre cet état d`esprit continue à régner. Les hommes partent, l’état d’esprit reste. Nous sommes devant un ravalement de façade avec le maintien des options fondamentales.

– Ce que vous dites est terriblement inquiétant. Ne pensez-vous pas qu’il y a des considérations qui échappent aux profanes et que ces questions sont très sensibles ?

C’est la réponse souvent émise par les décideurs, notamment dans le domaine des hydrocarbures. Face aux critiques émises ici et là, on répond toujours que ces questions sont très complexes et, de surcroît, doivent rester secrètes. Une autre facette du «secret défense». Mais voilà, ce qui est caché aux Algériens est dévoilé aux Américains. Par exemple, Ould Kaddour voulait confier à des cabinets étrangers la rédaction de la nouvelle loi sur les hydrocarbures. Non seulement on voulait prendre en considération les attentes des étrangers, mais le texte serait aussi confectionné par des étrangers pour des étrangers. 


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