Se nicher dans un coin de leur cerveau…



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Le Hirak aurait-il transformé les algériens ? La question n’a rien d’incongru. Je la pose le plus sérieusement du monde, sans doute parce que j’ai envie d’y croire. J’y ai pensé tandis que samedi, 31 ans après l’explosion populaire dont on ne parle jamais assez et qui se banalise peu à peu, me revenait en mémoire la violence avec laquelle les algériens avaient payé leur révolte contre un pouvoir qui les avait jusque-là conditionnés à la soumission. Le rejet des institutions s’est alors étendu à d’autres domaines comme à tout ce qui s’écartait du détestable nouveau mode de pensée porté par les mosquées libérées pour aider à sauver les âmes dites perdues, parce que réfractaires à l’islamisme rampant.  Il y a quelques mois à peine, pour illustrer le rejet de l’autre, je racontais comment on pouvait tomber et se relever seul sans que personne nous tende la main. Voilà qu’aujourd’hui les gens ont appris à dire «pardon», «excusez-moi» et j’en passe sur les formules de politesse. Avec la solidarité qui renaît en force, la critique s’étend à des domaines que l’on aurait juré  définitivement intouchables. 
Aujourd’hui, on parle sur un ton assumé de ces hommes qui, de l’autre côté de nos rives, préfèrent, à la construction d’églises, le développement de leur pays. Un jeune homme, à peine sorti de l’adolescence, m’a dit, il y a peu, que la mosquée devrait porter le nom de Bouteflika, pour rappeler l’homme infâme qu’il a été au point de construire un lieu de culte qui a, non seulement  englouti des sommes faramineuses, mais a surtout été érigé  sur une faille sismique comme pour, au moindre tremblement, engloutir les 120 000 fidèles censés le fréquenter. Et il y a aussi ces autres qui n’étaient pas encore nés en 88, mais qui ont quand même entendu leurs aînés en parler et qui témoignent des brutalités policières actuelles auxquelles ils font face les mardi et vendredi.    
 C’est violent de voir des policiers, qui ont la force pour eux, s’en prendre violemment à des marcheurs pacifiques. J’aurais aimé me nicher, discrètement, dans un coin de cerveau de l’un d’entre eux pour, peut-être, mieux comprendre ce qui les fait courir. 
M.B. 


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