Noureddine Bouderba s’exprime sur les caisses de la sécurité sociale

Le déséquilibre de la CNR est causé par des décisions «irréfléchies»



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Le système de Sécurité sociale algérien est-il en faillite ? Le militant syndicaliste, expert des questions sociales et ancien administrateur de la CNAS durant les années 1990, Noureddine Bouderba, estime que si l’on se base sur une approche purement «comptable», ce serait le cas, mais d’un point de vue de la politique sociale nationale et au vu du potentiel existant, le pays pourrait se doter d’un système pérenne, à condition d’avoir une «politique rationnelle».

Lors de son intervention, hier, sur les ondes de la Chaîne 3 de la Radio nationale, celui-ci a énuméré les multiples causes ayant conduit à cette situation. Tout d’abord, il y a des raisons historiques, puisque «depuis les années 1980 à ce jour, les gouvernements ont toujours ponctionné dans les caisses pour financer des dépenses qui n’auraient jamais dû être à la charge de la CNR et de la CNAS». Il citera les investissements dans la santé, durant les années 1980, le financement de la politique sociale durant les années 1990 et la politique de l’emploi depuis 2000. Des dépenses qui auraient dû être à la charge de l’Etat et non de ces caisses. Parallèlement, il y a un problème de mobilisation des ressources financières au profit de la Caisse nationale de l’assurance sociale. D’après lui, «entre 40 et 50% des recettes actuelles de la CNAS ne sont pas récoltées».

Bouderba affirme à cet effet qu’il y a un déséquilibre entre la masse salariale déclarée et les recettes de la CNAS. «La masse salariale nationale, et c’est un chiffre de l’ONS, s’est élevée à 5300 milliards de dinars en 2018. Et comme tout salaire doit être soumis aux cotisations sociales, dont le taux est de 34,5%, les recettes devraient être de l’ordre de 1825 milliards de dinars, s’il n’y avait pas d’exonération. Si on enlève les 225 milliards de dinars qui vont à la caisse des militaires et à celle des cadres supérieurs de l’Etat, il devrait rester à la CNR et à la CNAS 1600 milliards de dinars. Or, les recettes réelles ne sont que de 1000 milliards de dinars.

Ce qui veut dire qu’il y a un potentiel de 600 milliards de dinars qui est dans la nature. Si on arrive à mobiliser ça, il y a de quoi équilibrer les caisses», a-t-il affirmé. L’intervenant a évoqué, par la suite, le travail informel. Toujours d’après les chiffres de l’ONS, qui a réalisé une enquête à ce sujet en 2013, signale-t-il, «88% des jeunes âgés entre 16 et 25 ans et exerçant dans le secteur privé ne sont pas déclarés», soit neuf jeunes sur dix. L’autre problème auquel fait face le système de Sécurité sociale est lié aux «frais de gestion de ces caisses», représentant 15% des recettes, qui peuvent, d’après lui, être facilement divisés par deux. Revenant sur les décisions «irréfléchies» prises depuis 2010 et qui ont eu un impact sur les équilibres de ces caisses, l’expert cite en premier lieu celle de 2012 relative à la prise en charge des droits des agents de la garde communale.

A cet effet, durant cette année-là, plus de 40 000 garde communaux ont bénéficié d’une retraite anticipée. Bouderba précise que ce corps, notamment au vu des sacrifices consentis, devait bien évidemment bénéficier de tous les droits, mais c’était à l’Etat de les prendre en charge et non aux caisses. Ainsi, si le nombre des départs à la retraite anticipée était de 17 000 en 2010 et 2011, il est vite passé à plus de 60 000 en 2012. Et à partir de 2013, une autre décision du gouvernement, celle consistant en la mise à la retraite de tous les cadres de plus de 60 ans a fait que le nombre soit de 35 000. Mais en 2016, avec l’annulation de la retraite proportionnelle et sans condition d’âge, il a grimpé carrément à 270 000. Quelles sont les solutions à préconiser, donc, pour sortir la CNR de cette crise ? Au-delà de la nécessité de récolter le manque à gagner cité plus haut, l’ancien administrateur de la CNAS a donné quelques pistes.

D’après lui, il faudrait tout d’abord créer un observatoire de la CNR qui passera en revue tout ce qui la concerne. Il est question aussi de la «démocratisation» de la gestion des caisses en ouvrant leurs portes «aux syndicats autonomes et aux associations de malades». Pour les dépenses de gestion, Bouderba pense qu’il est impératif de «fusionner à moyen terme la CNAC, la CNAS et la CNR». La CNAC, la Caisse nationale de l’assurance chômage, devrait, d’ailleurs, selon lui, être dissoute. Une caisse qui, ajoute-t-il, consacre 42 milliards de dinars chaque année «pour financer l’emploi du privé», faisant de l’Algérie, enchaîne-t-il, «le seul pays au monde où c’est l’argent de la Sécurité sociale, des cotisants, qui finance le privé et non le contraire».

Par ailleurs, Bouderba estime qu’il est nécessaire aujourd’hui d’augmenter le SNMG (salaire national minimum garanti) de 50% sur deux ans, afin de booster la consommation et par conséquent de renflouer les caisses de la Sécurité sociale. En définitive, l’expert en questions sociales a donné quelques indications qui poussent à l’optimisme. Ainsi, «la tranche d’âge des Algériens de plus de 60 ans ne représente que 9% de la population globale contre 25 à 30% en Europe». «En Algérie, c’est une personne sur neuf qui a dépassé l’âge de 60 ans. En France, c’est une personne sur deux. Par ailleurs, les dépenses des retraites ne dépassent pas 6% du PIB. En Tunisie, le taux est légèrement supérieur à 6% et en France c’est 20% du PIB», a-t-il déclaré.

En dernier lieu, M. Bouderba a affirmé que de nombreux pays, notamment occidentaux, viennent en aide à leur système de sécurité sociale. Il citera, à cet effet, le budget français de la sécurité sociale qui «n’est financé par les cotisations qu’autour de 55%», le reste «émanant de la fiscalité». Bien évidemment, si aucune politique «rationnelle» n’est mise en application, le système se dirige, en l’état actuel des choses, tout droit dans le mur, a-t-il averti.


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