En souvenir d’Omdurman

Drapeaux, liesse et communion, 10 ans avant le hirak



...

«18 novembre 2009. Cette date restera gravée à vie dans ma mémoire ! Ce fameux jour, une bande de potes, une famille, a pu réaliser le rêve de notre peuple, un retour en Coupe du monde après 24 ans d’absence.» Ceci est un tweet de Anthar Yahia, l’auteur du but mythique contre l’Egypte à Omdurman, immortalisé par l’inoubliable «Antar Yahia boum !» de Hafid Derradji.

C’était il y a dix ans. Ce mercredi 18 novembre 2009, on jouait la 40e minute. Servi par un centre chirurgical de Karim Ziani, le capitaine charismatique des Verts saisit le ballon après un rebond et l’envoie d’un tir puissant dans les filets de l’imposant Issam El Hadhry. On en restera là et l’Algérie prend le meilleur sur l’Egypte à l’issue de ce match barrage, qui devait départager les deux nations dans la course à la qualification pour le Mondial 2010.

On comprendra très vite que la liesse des supporters après cet exploit, qui frôlait l’hystérie collective, obéissait à de multiples pulsions, et l’on aurait tort de la confiner dans le seul registre sportif. Il y avait d’abord la qualité de l’adversaire et la rivalité qui opposait les deux nations, le tout aggravé par l’agression de l’équipe nationale lors du match retour, le 14 novembre 2009, entre l’Egypte et l’Algérie au Caire.

Le bus des Verts est lourdement caillassé. On se souvient du visage de Rafik Halliche en sang. Khaled Lemmouchia et Rafik Saifi ont également été blessés. Le coup de sang de Rafik Saïfi est d’ailleurs passé à la postérité, lui qui criait, scandalisé : «Win rahi la sécurité ya…» Des scènes minutieusement documentées grâce au reportage de Guillaume Pivot pour Canal+.

Ces incidents, ajoutés à la pression populaire, ont pesé, peu ou prou, dans le résultat du match du 14 novembre. La confrontation s’est soldée par une cruelle défaite de l’Algérie par deux buts à zéro. Le plus cruel est que le deuxième but a été inscrit à la… 95e minute. Cela ne faisait que conforter le sentiment d’injustice éprouvé par les Algériens. Ce but mettait les deux équipes à égalité sur l’ensemble de leurs campagnes de qualification, d’où la programmation d’un match d’appui pour le 18 novembre.

Ce contexte explosif, envenimé par le passif des relations footballistiques et extra-footballistiques entre les deux nations, faisait que l’enjeu dépassait de loin une simple place de qualification à la Coupe du monde. Il y avait cette histoire d’honneur, d’orgueil blessé. Et pas seulement à cause de l’agression physique des joueurs.

Il y avait un autre match dans le match, une guerre médiatique sourde qui a pourri l’ambiance avant la confrontation d’Omdurman. Cette ultime confrontation représentait, par ailleurs, un enjeu d’un autre ordre pour les deux autocrates au pouvoir : Moubarak, d’un côté, et Bouteflika de l’autre.

Hosni Moubarak avait pris soin de mettre ses fils en avant durant cette houleuse campagne, notamment Gamal Moubarak, et d’aucuns y voyaient une manière d’acter le «tawrith», la transmission héréditaire du pouvoir. Bouteflika aussi avait besoin des gains du match pour doper une popularité qui était déjà sur le déclin. Le Président déchu s’était adjugé un troisième mandat quelques mois plus tôt, après avoir tordu le cou à la Constitution. L’enjeu devait être donc d’importance pour lui et son clan, et c’est peut-être cela qui a poussé le gouvernement à déployer des moyens aussi colossaux pour expédier des milliers de supporters au Soudan…

«Les Z’hommes»

Mais Omdurman n’est pas que récupération politique et guerre d’ego entre nations et dictateurs croulants. C’est aussi une belle histoire populaire. La célébration de cette victoire a donné lieu à un élan de fraternisation exceptionnel. Les Algériens avaient besoin de se retrouver et, rarement dans l’histoire de notre pays, ils se sont sentis aussi soudés.

La communion était totale. Elle galvanisait le pays de part en part. Les images de liesse rappelaient pour beaucoup celles de l’indépendance. Si l’Algérie avait gagné la Coupe du monde, on n’aurait pas fait mieux. Des jours durant, les Algériens défilaient drapeau en main, chantant, dansant et criant tout leur saoul. C’est peut-être la première fois que nos concitoyens montraient aussi massivement un tel attachement à l’emblème national, au maillot DZ. Après les affres des années 1990 et les fractures profondes que ce traumatisme a laissées, Omdurman aura été l’expression d’une vraie réconciliation, beaucoup plus forte, plus sincère que le dispositif de 2005 et sa «moussalaha» forcée. Ainsi, cette fabuleuse communion agissait manifestement comme une thérapie de groupe.

Par ailleurs, il ne faut pas oublier que nous étions sous état d’urgence, et Alger était toujours interdite aux actions de rue. Et pourtant, rarement l’espace public aura été occupé aussi librement jusque-là. Et personne ne risquait de se faire embarquer pour violation du «couvre-feu» imposé aux manifestations de rue et de se voir coller une affaire de «tadjamhour ghayr mousselleh» (attroupement non armé). Dans tous les coins et recoins de l’Algérie, les murs étaient parés des mêmes images avec, à la clé, des fresques patriotiques et autres reproductions du drapeau national décliné sous tous les formats.

Dans l’Algérie post-22 février, ce 10e anniversaire de la campagne d’Omdurman a forcément une saveur, une signification, un écho particuliers. Depuis bientôt neuf mois, les Algériens se sont formidablement réapproprié l’espace public. Ils défilent massivement drapés de l’emblème national. Ils battent le pavé ensemble, dans la diversité de leurs appartenances, sociales, idéologiques, régionales, comme à l’époque d’Omdurman.

Et cet élan de fraternité est sans aucun doute l’un des acquis les plus précieux du hirak. Autre similitude et pas des moindres : au sein du mouvement populaire, le foot est un référent substantiel. Il s’est révélé un catalyseur redoutable avec tous ces chants des stades repris en chœur dans les manifs, et ces carrés de supporters organisés qui enflammaient les foules, donnaient de la vigueur aux marches et leur apportaient leur incroyable énergie et leur sens du spectacle. Suffisant pour établir une filiation entre Omdurman et le hirak ?

Ce serait prendre un raccourci trop abrupt. Si cela a été une formidable fête populaire, un extraordinaire moment de communion qui a soudé les Algériens des jours durant, cette débauche de joie réparatrice est restée sans suite. Et la bande au pouvoir a continué à disposer du pays tranquillement. Boutef a tenu dix ans après la «bataille» d’Omdurman avant de tomber.

Quant aux Fennecs, ils ont continué à réciter discrètement leur football et, à la fin, ils ont fait fort en remportant la deuxième CAN de leur histoire, en se battant comme de beaux diables dans cette même arène cairote réputée hostile. Une autre revanche soft et fair play… Après le «Anthar Yahia boum !» on a eu droit à «Hat’ha fel goal ya Riyad !» (Mets-la au fond, Riyad Mahrez). Sauf qu’entre-temps, Hafid Derradji est devenu l’un des meilleurs porte-voix du hirak en exil. Les «Z’hommes» !


Lire la suite sur El Watan.

Publier des annonces gratuites

Petites annonces Babalweb Annonces

Publier une annonce gratuite

Autres sites

Sciencedz.net : le site des sciences
Le site des sciences en Algérie


Vous cherchez un emploi? Essayer la recherche d'emploi en Algérie
Babalweb Annonces Babalweb Annonces
Petites annonces gratuites