Quelles perspectives face au marché énergétique du droit de préemption avec Total par Sonatrach?



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Le gouvernement algérien a demandé le 04 décembre 2019 à Sonatrach de faire jouer le droit de préemption vis-à-vis de Total 1.-Le droit de préemption (ou droit de préférence) est un droit légal ou contractuel accordé à certaines personnes privées ou publiques d’acquérir un bien par priorité à toute autre personne, lorsque le propriétaire manifeste sa volonté de le vendre mais pas à n’importe quel prix, au prix du plus offrant. La clause de préemption, qu’elle soit prévue dans les statuts ou stipulée dans un pacte extrastatutaire, a pour objet de réserver aux associés existants, ou à certains d’entre eux, un droit de priorité sur les titres dont la cession est envisagée. Dès lors qu’elle limite la libre négociabilité des titres, la clause de préemption doit être interprétée de façon restrictive. Par exemple, en doit des affaires, les statuts d’une société peuvent prévoir un droit de préemption sur les parts sociales ou actions de l’entreprise au profit des associés ou des actionnaires, afin d’éviter qu’une personne non agréée puisse acheter une partie du capital social. Quand un droit de préemption existe, le propriétaire doit notifier, préalablement à la vente, son projet de vente au titulaire du droit de préemption. Le titulaire du droit de préemption a généralement un à deux mois pour faire connaître sa réponse. A défaut de réponse dans ce délai, il est réputé avoir renoncé à son droit de préemption et le propriétaire peut alors vendre son bien librement, mais aux mêmes conditions. . Si le bénéficiaire décide de préempter, il le fait aux conditions financières demandées par le vendeur.  En cas de désaccord persistant, le « juste prix » est alors déterminé par une autorité judiciaire internationale  impartiale et les procédures judicaires risquent d’être longues.
2.- Comme je viens de la rappeler dans une interview  le 05  décembre 2019 à la  radio publique chaine 3,  Occidental Petroleum (OXY) a annoncé le 08 aout 2019  la conclusion effective de son acquisition d’Anadarko Petroleum dans le cadre d’une transaction évaluée à 55 milliards de dollars, incluant la prise en charge de la dette d’Anadarko, le portefeuille d’actifs d’Anadarko faisant désormais officiellement partie d’Occidental. Dans le sillage de l’opération principale, OXY devrait céder, en 2020, tous les actifs d’Anadarko en Afrique au français Total pour 8,8 milliards de dollars. L’opération s’est effectuée en vertu de l’accord entre les deux groupes en vue de l’acquisition des actifs du groupe pétrolier américain Anadarko en Algérie, Ghana, Mozambique et Afrique du Sud. L'ensemble de ces actifs représente environ 1,2 milliard de barils de réserves prouvées et probables, dont 70% de gaz, ainsi que 2 milliards de barils de ressources long terme de gaz naturel au Mozambique. Total a annoncé déjà avoir   finalisé  l'acquisition de la part de 26,5% que détenait Anadarko Petroleum dans le projet Mozambique LNG (Gaz naturel liquéfié), pour un montant de 3,9 milliards de dollars.  Pour les  actifs algériens concernés par la transaction. Il s’agit du rachat des blocks 404a et 208 et une participation de 24,5% dans le bassin de Berkine (champs de Hassi Berkine, Ourhoud et El Merk) dans lesquels Total détient déjà 12,25%. Les actifs d'Anadarko en Algérie représentent environ 260 000 barils par jour, soit plus de 25% de la production  de brut estimée à un million de bpj.
3.- Toutefois, tel que prévu dans la nouvelle loi  des hydrocarbures, l’Algérie étant souveraine dans ses décisions, Sonatrach  peut faire valoir le  droit de préemption, en accord avec Total dans une totale transparence. Sonatrach  devra avoir les moyens de financement   dans sa  négociation avec Total   et le cours  d’achat ne sera pas forcément celui  au moment où Total aura acheté mais au cours  du marché.  Avec une  chute importante en volume physique  entre 2008/2019  avec    un recul des quantités d’hydrocarbures exportées de 12% en  2019 après une baisse de 7,3 % en 2018.,   33% des recettes de Sonatrach proviennent  du gaz naturel( GN-76% et GNL-24%) dont le cours a connu une  baisse d’environ 40% des dernières années fluctuant pour le cours du marché libre en 2019 entre  2/3 dollars le MBTU. Sonatrach connait  une  perte de parts de marché notamment en Europe où existe une forte concurrence  avec les GNL américains provenant du gaz/pétrole de schiste, le Qatar  et les canalisations russes. Quant à l’Asie, l’Algérie devrait contourner toute la corniche de l’Afrique avec des couts de transports importants   étant presque une impossibilité pour avoir un profit raisonnable  fortement concurrencer par des proches  de cet espace comme le Qatar, l’Arabie saoudite, l’Iran  et récemment par la Russie avec le  gazoduc "Power of Siberia" estimé par Gazprom à 55 milliards de dollars, pour une capacité en 2022-2023 de 38 milliards de m3 par an, soit 9,5 % du gaz consommé en Chine inauguré, le  2 décembre 2019,  près de 2000 km acheminant  du gaz depuis les gisements de Sibérie orientale jusqu’à la frontière chinoise, ce gazoduc devant rallier  Shanghaï, à quelque 3 000 kilomètres de la frontière.
4.-Aussi,  il s’agira d’éviter les effets pervers  en influant négativement  sur des partenariats gagnant- gagnant  avec l’étranger, Sonatrach n’ayant pas  avec les  nouvelles technologies la maitrise   dans ce secteur stratégique, fondement d’ailleurs de la nouvelle Loi. Le droit de préemption ne sera profitable à l’Algérie que si les conditions  de la  rentabilité des gisements sont réunies  au vu des couts et du vecteur prix international et tenant compte de la situation financière de Sonatrach  qui détermine toute la situation financière du pays, procurant avec les  dérivées  environ 98% des recettes en devises. Elle devra verser selon certaines estimations environ 3 milliards de dollars  posant la problématique  de la rentabilité du retour du capital au vu des bas prix. Or, Sonatrach irrigue toute l’économie algérienne influant sur le niveau des réserves de change en baisse vertigineuse , le taux de croissance et de l’emploi   qui est actuellement fonction essentiellement de la dépense publique.  Avec le cours actuel fluctuant entre 59/62 dollars les recettes de Sonatrach ne devraient  dépasser 32/33 milliards de dollars fin 2019 et certainement pour 2020 dont on devra soustraire 20/25% de cout pour avoir le profit net restant  entre 24/25 milliards de dollars à la fois pour s’autofinancer (elle a prévu 60 milliards de dollars entre 2019/2022)  et financer le reste de l’économie.
5.-Dans la pratique des affaires n’existe pas de sentiments, la compagnie Total étant  une grande multinationale  ayant acheté les parts d’actions en bourse. C’est que  la politique socio –économique  du pays  fonctionne sur les schémas du passé ignorant les profondes mutations  tant économiques qu’énergétiques mondiales. Sonatrach aurait du être attentive aux mutations énergétiques   et pour éviter  les aléas bureaucratiques du droit de préemption devait  se présenter en Bourse comme le font les grandes sociétés notamment russes, chinoises  et ceux du Moyen Orient.  C’est que  Sonatrach n’est pas libre de sa gestion avec  un  mode de   gestion administrée comme le montre la perte de maints procès au niveau international, se chiffrant en millions de dollars. Les lois économiques étant insensibles aux slogans politiques, afin d’éviter  à l’avenir de prendre des mesures conjoncturelles sans vison stratégique, donnant un mauvais signe  pour les partenaires étrangers, il y a urgence  d’une nouvelle politique énergétique globale rentrant dans le cadre de la stabilité juridique, d’une loi organique de la transition énergétique,  et d’un  nouveau management stratégique  qui font  défaut  tant au ministère de l’Energie qu’à Sonatrach.  
En résumé, l’Algérie doit s’adapter aux pratiques des affaires internationales si elle veut éviter sa marginalisation. Malheureusement, du fait du blocage culturel, avec une vision périmée,  vivant de l’illusion de la rente, dépenser sans compter, certains  responsables algériens semblent avoir du chemin à faire pour pénétrer dans les arcanes de la nouvelle économie.

 


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