Mahrez Aït Belkacem . Membre du CARE

«Rétablir la confiance est le cœur de toute initiative de réformes»



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Membre du Cercle d’action et de réflexion autour de l’entreprise (CARE), Mahrez Aït Belkacem rappelle que le rétablissement de la confiance devrait être au cœur de toute initiative de réformes. Pour cela, explique-t-il, des mesures spectaculaires et courageuses devraient être prises pour passer sans délais à une autre forme de gouvernance plus efficace.

 

-Comment s’annonce l’année 2020 pour l’économie nationale après tous les événements de 2019, l’enchaînement des difficultés financières et avec les promesses tenues par la nouvelle équipe au sommet de l’Etat ?

Les fondamentaux de l’économie algérienne ne se présentent pas au mieux. Les équilibres macroéconomiques sont mis à mal et les recettes utilisées à ce jour pour maintenir les équilibres ne peuvent plus être utilisées en raison de la crise majeure des finances publiques.
Les premières manifestations de la crise (qui en réalité est présente depuis bien plus longtemps mais était masquée par des recettes pétrolières confortables) ont commencé à apparaître avec la chute brutale des prix des hydrocarbures en 2014.

Les économistes et les think tanks, qui avaient attiré l’attention des pouvoirs publics depuis bien plus longtemps, ont pensé dès lors que la crise qui nous menaçait et dont les effets néfastes commençaient à devenir manifestes, que les méfaits de la crise pouvaient, au contraire, provoquer un sursaut vertueux et salutaire. Et c’est ainsi que des signes positifs, dans la communication gouvernementale, commençaient à apparaître. J’en veux pour preuve la longue circulaire du premier ministre en 2014 qui était un véritable plaidoyer pour les réformes économiques et la rupture avec l’économie de rente qui, tel un cancer, empêchait tout développement d’une économie productive en érigeant la paresse et le parasitisme comme valeurs dominantes dans la société.

Malheureusement, nous constaterons assez rapidement que les engagements affichés n’étaient que de la «poudre aux yeux», car au lieu de prendre le «taureau par les cornes» et entamer les réformes courageuses à même de permettre de négocier les tournants, certes douloureux mais incontournables, le gouvernement a préféré maintenir un statu quo irresponsable censé assurer la paix sociale indispensable à la reproduction d’un système condamné depuis longtemps. Et cela en continuant à puiser sans retenue dans le pactole du fonds de régulation des recettes (4500 milliards de dollars), provoquant son étiage en à peine trois années.

Et la poursuite de la croissance, nécessitant un soutien des importations, aura achevé l’appauvrissement des ressources de l’Algérie, provoquant une érosion continue des réserves de change qui passeront de 194 milliards de dollars en 2014 à environ 60 milliards de dollars à fin 2019 (document d’analyse interne CARE).

La reprise en main est un travail titanesque que ne semble pas favoriser la situation politico-sociale que vit l’Algérie présentement. En effet, toutes les mesures à entamer exigent un préalable incontournable : le retour à la confiance sociale qui pour le moment semble compromis.

C’est la raison pour laquelle les pouvoirs publics n’ont pas le choix ni ne bénéficient de la période de grâce à laquelle ont droit tous les nouveaux dirigeants et sont obligés de dépasser très vite les clivages plus ou moins faux pour s’attaquer aux véritables problèmes que nous allons devoir affronter dès l’année nouvelle qui se présente.

-Est-il possible dans les conditions actuelles de redonner confiance aux investisseurs nationaux et étrangers en dépit de la levée de la mesure 51/49 ?

La modulation de la mesure dite du 51/49 n’est qu’une technique parmi d’autres. La vraie solution est de faire confiance aux investisseurs, d’abord nationaux, car les investisseurs étrangers regardent d’abord comment les investisseurs domestiques sont traités par les autorités et l’administration économique ; ils regardent si les garanties juridiques sont assurées, le cas échéant pour la propriété privée, si la justice est suffisamment libre pour trancher en faveur du droit et qu’elle leur garantit leurs droits et leurs biens.

Ils s’inquiètent des conditions de rapatriement de leurs bénéfices et de leur capital en cas de retrait pour une raison économique (car les conditions d’entrée du capital sont aussi importantes que les conditions de retrait).

Sans oublier que l’attrait du capital étranger (IDE) n’a jamais été une préoccupation déclarée de notre pays. Si on se préoccupait d’améliorer l’attrait des IDE, on se serait préoccupé depuis longtemps d’améliorer le classement du pays dans les différents ranking internationaux. Je me souviens avoir pour le compte de CARE, participé à quelques rencontres internationales, dont l’objet est de classer les économies du monde arabe (classement de l’institut Fraser) et invariablement, l’Algérie était classée bonne dernière. Et cela, dans l’indifférence des pouvoirs publics.

-Quelle serait, par ailleurs, la portée de mesures annoncées dans le système bancaire et quel serait l’impact sur le climat des affaires ?

Les mesures annoncées dans le système bancaire ont un défaut majeur, celui de ne pas connaître un début d’exécution. Je vous renvoie à tous les manifestes politiques où on a annoncé le début des réformes. On a même parlé, pastichant un homme politique, de «mère de toutes les réformes». Ces professions de foi feront dire à un expert de la place, que ces réformes étaient une véritable «arlésienne». Lisez les différents programmes des gouvernements successifs, vous ne pourrez qu’être d’accord. Mais dans la pratique, on en est encore réduit à un système bancaire lourdement dominé par le secteur public qui, malgré quelques avancées notables, continue à se caractériser par un fonctionnement archaïque

. Que reproche-t-on en particulier au secteur bancaire ? Un taux de pénétration bancaire assez faible, une offre de produits bancaires plutôt modeste, une intermédiation des relations économiques insuffisamment développée au profit d’une circulation trop grande des espèces (au détriment des instruments de paiements modernes)et d’une façon générale une trop faible intégration technologique (l’utilisation de la monétique demeure timide et l’utilisation des cartes bancaires, par exemple, est confinée aux retraits dans les distributeurs automatiques quand ils fonctionnent, et eux-mêmes quantitativement limités).

Lorsque vous demandez aux entrepreneurs ce qu’eux-mêmes reprochent aux banques (et nous avons procédé à cet exercice lors de l’élaboration du Programme de réformes économiques pour l’entreprise (PREE) les entrepreneurs questionnés sont unanimes à reprocher aux banques la lenteur et la centralisation excessive de la prise de décision, la bureaucratie, l’absence quasi-totale d’encadrement et de conseil, la frilosité voire l’absence de prise de risque justifiant une exigence exagérée de garanties souvent disproportionnées.

Les banques, quant à elles, se plaignent et avec raison aussi de la faiblesse des business plans présentés par les demandeurs de crédits, insuffisamment documentés et ne présentant pas les conditions minima qu’exigent l’orthodoxie financière.

Ce constat est clairement décrit dans le PREE cité plus haut dans son troisième axe parmi les cinq axes de réformes identifiés (intitulé : Financement de l’activité économique par le renforcement des capacités des Banques et établissement Financiers (BEF) pour de meilleurs services aux entreprises ; et l’élargissement et la diversification de l’offre de financement aux entreprises).

Pour l’implémentation de cet axe et dans le prolongement du PREE, CARE a lancé un nouveau projet destiné à améliorer l’accès des PME au financement bancaire, mais pas seulement, puisque le financement bancaire ne constitue pas le seul moyen d’encourager le développement des PME. Le financement par le haut de bilan est insuffisamment mobilisé et pourtant, le rôle du leasing, des fonds d’investissement, voire des business angels pourrait être d’un apport incontestable. Care est actuellement en voie d’élaborer un programme de formation au profit aussi bien des demandeurs que des offreurs de crédit.

Une task force composée d’hommes et de femmes de l’art s’y attachent depuis quelques mois et permettra d’offrir à une vingtaine de participants dans une première phase, les savoir-faire les plus efficients pour présenter une demande et/ou une offre de crédit.

-Au final, comment en finir avec la morosité économique si le changement du monde de gouvernance ne suit pas ?

Au risque de me répéter, si le nouveau gouvernement ne s’attelle pas sur toutes les affaires cessantes, à rétablir la confiance qui est au cœur de toute initiative de réformes (qui pour certaines exigerons des efforts et des sacrifices), je crains sans sombrer dans le pessimisme que la morosité économique ait encore de beaux jours devant elle.

Pour ce faire, il s’agira d’entamer sans délais le dialogue, seul à même de calmer la profonde colère qui s’exprime au quotidien dans nos rues.
C’est du devenir de notre nation qu’il s’agit et non de la confrontation d’egos et postures inconciliables. Il y a suffisamment de bon sens et de patriotisme présents sur le terrain susceptibles d’être mobilisés lorsque le devenir de notre nation est menacé.

Pour ce faire, des mesures spectaculaires et courageuses doivent être prises et constituer une volonté univoque de passer sans délais à une autre forme de gouvernance plus efficace. Il me semble qu’il est plus que temps de passer aux choses sérieuses, car nous avons perdu trop de temps jusqu’à présent.


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