Culture – William Dalrymple parle d’Algérie sur le Financial Times.



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William Dalrymple, né le 20 mars 1965 en Écosse, est un historien britannique connu pour ses travaux sur le monde musulman, l’Inde et le Moyen-Orient. Ce 10 Janvier 2020, il vient de publier un magnifique article sur le prestigieux journal américain le Financial Times, ou il revient sur la richesse culturelle que recèle l’Algérie : William Dalrymple sur les trésors de l’Algérie.

Dès l’entame, William Dalrymple affirme que l’Algérie peut se vanter de posséder un trésor avec ses ruines romaines et ses palais ottomans, peu connus.

Comparant l’Est algérien au sud de l’Italie il écrit :  »En escaladant les collines autour de Constantine en Algérie en juillet dernier, nous nous sommes arrêtés au sommet d’une crête. C’était une chaude soirée d’été et nous avons regardé, à travers la brume dorée, les champs nouvellement récoltés qui s’étendent en dessous. Le panorama autour de nous aurait pu être le sud de la Toscane : oliveraies et vignobles, champs d’orge mûrs s’élevant sur de basses collines parsemées de vergers. »

En bon historien, Dalrymple revient sur le riche passé de l’Algérie et affirme  »Au loin, il y avait des montagnes plus hautes et ici et là, on pouvait voir les nids de cigognes à longues pattes, dangereusement perché au sommet de poteaux télégraphiques, de réverbères et de minarets. Ce n’était pas loin de l’endroit où saint Augustin d’Hippone (Annaba) jouait autrefois enfant, à l’époque où l’Afrique du Nord fournissait un tiers du grain et près de la moitié de l’huile d’olive de l’empire romain.’’

Mr Dalrymple rappelle qu’à l’époque, St Augustin alors étudiant avait trouvé l’huile d’olive si peu coûteuse qu’il pouvait se permettre d’allumer ses lampes et de travailler toute la nuit, un luxe qui lui manquerait plus tard lors de son déménagement en Italie…

Tombe de Quintus Lollius Urbicus – Tiddis © William Dalrymple

Après avoir souligné la disparition de grandes forêts de pins qui bloquaient la vue sur la côte, l’historien britannique nous emmène sur les hauteurs de la vieille ville romaine de Tiddis (Castellum Tidditanorum), la cité antique oubliée, ou une tombe avait été érigée pour commémorer la formidable carrière de Quintus Lollius Urbicus. L’historien s’attarde longuement sur la riche histoire de ce personnage qui serait né près de Tiddis et devint préfet de Rome au IIè siècle. Cet enfant du pays, devenu un des principaux personnages de l’empire est un bel exemple de réussite personnelle et de promotion faisant de lui un protégé de l’empereur Hadrien.

Ruines romaines de Djemila, centre d’une riche élite agricole © William Dalrymple

 

Un peu plus loin dans l’article l’auteur rappelle un des aspects, peu connu de l’histoire algérienne et revient sur la grandeur du peuple d’Afrique du Nord romaine, plus riche et plus civilisé que la province britannique et plus encore que la Calédonie barbare, avait écrasé la résistance calédonienne et saisi le nord de la Grande-Bretagne pour les Romains.

 »À travers les collines algériennes, nous avons vu les ruines de plusieurs villes romaines toutes aussi riches les unes que les autres, remplies d’accessoires à la mode – eau courante et chauffage par hypocauste (nom donné au système de chauffage par le sol utilisé à l’époque romaine), citernes privées d’eau pluviale et latrines confortables… »

William Dalrymple nous transporte de la ville Timgad, Pompéi de l’Afrique du Nord,  ville militaire fondée par l’empereur Trajan dans la région des Aurès, puis vers El Djemila, l’autre cité antique située dans la wilaya de Sétif, en bordure de la région du Constantinois et qui abrite les vestiges de l’antique ville de Cuicul, cité romaine. Une belle ville richement aménagée qui servait de centre pour une élite agricole riche de la vente de vin, d’huile d’olive et de céréales

Mosaïque romaine à Constantine © Alamy

 

L’historien britannique nous livre les secrets des mosaïques qui ont su faire revivre un monde perdu et joliment décadent, un monde qui a su s’enrichir de la conquête arabe à partir du VIIe siècle au point d’avoir laissé un incroyable héritage en Andalousie islamique avec les trésors architecturaux de l’Alhambra fondées par les dynasties berbères des Almoravides et des Almohades.

Dans ce sublime article qui constitue un profond hommage à la grande Histoire de l’Algérie, William Dalrymple, a eu le plaisir de découvrir une autre ville dont il n’avait jamais entendu parler auparavant : Tlemcen.

Palais El Mechouar à Tlemcen, l’Alhambra algérienne © William Dalrymple

 »Pourtant, ce qui reste de ses palais et de ses mosquées témoigne d’une culture raffinée tout aussi extraordinaire que celle d’al-Andalus » s’extasie-t-il.

Avec une description minutieuse l’Historien décrit la colline se trouve le sanctuaire soufi de Sidi Boumediene et le collège où le grand philosophe, historien et théoricien politique Ibn Khaldoun avait enseigné.

A Alger ou son périple s’achève, le sujet de la reine emprunte les ruelles étroites de la Casbah,  »scène d’une grande partie des combats de rue anti-coloniaux dans le film de Gillo Pontecorvo de 1966 La bataille d’Alger’’ écrit-il.

Puis il poursuit :  »Ce que je n’avais pas pleinement compris, c’est à quel point Alger abritait une dynastie de riches et puissants corsaires qui étaient autrefois la terreur de l’Europe occidentale »

S’ensuit alors une escapade dans les rues de la capitale algérienne du début du XVIIe siècle, à l’apogée des pirates barbaresques, ou la population du port d’Alger se composait d’environ 250.000 musulmans libres et de 100.000 esclaves chrétiens blancs, principalement du sud de la France et des côtes italiennes. Ce sont au total, près d’un million d’Européens qui étaient asservis en Afrique du Nord à cette époque, dont beaucoup de britanniques qui se seront convertis. Certains forcés, d’autres par pure conviction.

Dar Aziza, palais de la capitale anciennement utilisé par le Dey d’Alger © William Dalrymple

La visite du palais du Dey d’Alger semble avoir subjugué William Dalrymple, qu’il décrit  »avec ses cours élégantes remplies d’arcades chaleureuses blanchies à la chaux, donnant sur des jardins où l’eau dégoulinait de fontaines en marbre, alors que des plantes grimpantes remontaient des colonnes de pots en terre cuite. »

Pour conclure, l’historien appelle les voyageurs étrangers à s’y rendre, expliquant l’Algérie est aujourd’hui un pays sûr, même s’il affirme qu’il est parfois difficile d’obtenir un visa.

Toutefois, poursuit-il, une fois sur place cela est très plaisant de se promener presque seul à travers les sites archéologiques les plus importants du pays, visitant les fabuleuses mosquées et les palais ottomans…

L’article de William Dalrymple, tel un voyage dans le temps, est édifiant tant il met l’accent sur le bel héritage historique de notre riche nation et de toutes les diversités qui en découlent.

Son voyage, qui aura duré 11 jours axés sur la visite de sites culturels, a été immortalisé par de magnifiques photos et un récit tout aussi palpitant. Son sens aigu de l’observation et ses solides connaissances didactiques nous réconcilient certes avec nos identités mais nous rappellent tout aussi crûment les potentialités touristiques inexploitées de notre grande Algérie…

A lire absolument ! (En anglais)

Amir Youness


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