«Si on construit un projet industriel qui intègre l’automobile, tout est possible»



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– Avec tous les problèmes et la crise qu’elle connaît, l’industrie automobile peut-elle devenir un jour une réalité en Algérie ?

Si on a une vision, un projet industriel dans lequel peut s’insérer effectivement le secteur de l’automobile, tout est possible. Maintenant, si on agit comme on l’avait fait en 2014 avec la loi de finances qui obligeait les concessionnaires à investir dans le secteur automobile alors que ce n’est pas leur métier, cela va être compliqué. Les concessionnaires n’avaient pas le métier de constructeur.

Après, on a vu aussi le gouvernement dire aux constructeurs qui étaient là et qui vendaient leurs produits à travers des concessionnaires locaux, venez vous installer pour faire du montage, sinon vous disparaissez du paysage.

Vous savez que les constructeurs, quand ils s’installent ailleurs que chez eux, ce n’est pas parce qu’ils sont contraints ou sollicités par le gouvernement de ce pays, c’est tout simplement parce qu’ils ont opté pour la stratégie d’augmentation des capacités vers l’export.

Prenons par exemple l’exemple de Renault au Maroc. Par souci de satisfaire la clientèle mondiale, Renault, qui était dans une stratégie de croissance, avait besoin de trouver un endroit pour produire 400 000 véhicules et il cherchait la meilleure terre d’accueil avec des coûts de production compétitifs. Ce qu’il a trouvé au Maroc.

– Pourquoi spécialement le choix du Maroc ?

La proposition a été faite à l’Algérie. Je pense que l’Algérie ne voulait pas offrir le même cadre d’accueil que le Maroc. Ce dernier a offert une zone franche où il n’y a ni droits de douane, ni impôts. Sans aucune contrainte, les marchandises arrivent, elles sont chargées et elles partent vers leur destination. Il n’y a pas de procédures administratives. Il n’y a que les employés qui rentrent à l’usine et repartent. L’Algérie n’est pas dans les mêmes critères d’accueil. C’est pour cela qu’il ne faut pas se comparer à eux.

Déçue que Renault soit parti au Maroc, l’Algérie a donc voulu à tout prix le faire venir en Algérie. Il est venu s’installer en partenariat avec l’Etat, selon la règle 51/49. Renault n’avait pas visé très haut en produisant dans une première phase 75 000 véhicules avant d’aller à 150 000 véhicules en restant dans le modèle CKD où même la coque est importée de France.

Pour le constructeur, cela ne le dérangeait pas de venir en Algérie pour ventre quelques milliers ou dizaines de milliers de véhicules. Ils se sont donc installés, mais réellement ils n’ont rien investi. Regardez KIA par exemple : il est allé investir au Brésil pour produire des centaines de milliers de véhicules, parce qu’il est dans une stratégie de croissance. Il y a trouvé des conditions et des facteurs pour produire de la qualité à des coûts compétitifs.

– Mais en plus des facilités douanières et les exonérations d’impôts, qu’est-ce qu’il faut d’autre pour qu’un constructeur décide de s’installer dans un pays ?

Si on prend l’exemple de Renault au Maroc, ce pays avait déjà de la sous-traitance internationale qu’il exportait en Europe et ailleurs. Il y avait déjà un tissu de sous-traitance que nous nous n’avons pas. Nous n’avons pas réussi à le faire dans les années 70, 80 et 90′. Il faut dire que la sous-traitance a peiné à se construire chez nous.

Moi, je me souviens qu’on avait sélectionné 35 sous-traitants qui présentaient des potentialités très fortes pour qu’ils puissent être mis à niveau avec un accompagnement de Renault avec lequel on était en négociation.

Vous savez que dans les années 80′, la SNVI avait accompagné des sous-traitants locaux afin qu’ils puissent investir et lui fournir des composants. Ce qui posait problème, c’est la rentabilité avec des volumes de production très bas, notamment suite aux effets de la crise. En deux années, la SNVI est passée d’une production qui faisait à peu près 5000 véhicules à 1200 et 1500 unités.

– L’échec de la SNVI était-il dû à cette problématique de volumes de production ?

Oui, certainement. Pour la croissance, il ne faudrait pas que cela décline. Le problème de l’industrie dans l’économie dirigée, c’est qu’elle était traversée par des instructions politiques qui ne lui permettaient pas de devenir performante, il y avait le surinvestissement et le suremploi. A l’époque, à la SNVI c’était 18 000 personnes, pour une production de 5000 véhicules. Ce n’était pas rentable.

Ce qui était positif dans ces entreprises, à mon avis c’était l’apprentissage. On sait faire un véhicule du début jusqu’à la fin. Pas seulement le monter, mais on sait le fabriquer. Il y avait des gens qui savaient comment fabriquer un véhicule. Il existait même un bureau d’étude qui savait faire des études de cinématique et de mécanique, de résistance de matériaux et de géométrie.

On sait concevoir un véhicule. Mais cette industrie a été pratiquement démantelée durant les années 80, 90′ et 2000. Que reste-t-il de tout cela aujourd’hui ? La SNVI ne fait pas 1000 véhicules par jour. Et à côté on a Daimler Benz qui ne fait que du montage. Contrairement à ce que l’on pouvait penser, il n’y a pas de partenariat technologique entre la SNVI et Daimler Benz. Ce sont deux sociétés différentes. Ce qui les lie, ce sont les 34% d’actions de la SNVI dans Daimler Mercedes Benz.

– On a toujours pensé qu’il existe un véritable partenariat…

Il n’y a pas de partenariat. Peut-être même qu’il y a des initiés et des politiciens qui l’ignorent. En fait, ce sont deux entités distinctes. Il n’y a pas un clou qui va de la SNVI à Daimler Mercedes Benz ou l’inverse. Ils font du montage de collections qui viennent d’ailleurs. Daimler Benz n’a pas intégré une vis. Et il n’est pas près d’intégrer quoi que ce soit. C’est intéressant de regarder toutes ces choses là comment cela s’est construit pour essayer de comprendre. Maintenant, quelle est la vision que peut avoir le gouvernement pour le secteur de l’automobile ? On verra bien.

– Qu’allons-nous faire de ce qui a été fait ?

Je ne sais pas. J’allais dire peut-être quelque chose de très positif pour ce qui est déjà là. Parce que s’il y a des installations et des équipements qui sont là, à mon avis il ne faut pas les perdre. Maintenant, qui va piloter cela n’est pas important. Ce qui est important, c’est de garder les compétences qui se sont constituées. Parce que dire que le montage ne rapporte rien, je ne suis pas d’accord. Parce qu’assembler un véhicule, c’est du savoir-faire. Ce n’est pas rien.

– L’industrie de l’automobile peut-elle commencer par là ?

Cela peut commencer par là, comme cela peut commencer par autre chose. Maintenant, il suffit que les sous-traitants s’insèrent dans ce qu’on n’a pas encore intégré dans ce secteur-là, puis la filière sera densifiée. On ne pourra jamais la densifier à 100%. Mais au moins, on a construit des complexes.

– Mais on le disait déjà : ce n’est pas aux concessions de le faire. L’industrie de l’automobile, ce n’est pas leur métier…

Il pourrait éventuellement prendre des parts. Le constructeur peut être encouragé à venir s’il y a une part de risque qui est prise par quelqu’un d’autre. Il faut intéresser les constructeurs par tous les moyens.

Le marché algérien, c’est 400 000 véhicules ou plus. Si on a dit à Renault tu en as le monopole, il va vite les faire. Il mettra peut-être même l’emboutissage, la peinture, ets. Il mettra une usine comme celle du Maroc, surtout si on continue à lui accorder des avantages. Les solutions existent. Ce qui est bien, c’est qu’on ne part pas de rien. Toutes les solutions seront les bienvenues.

– On a toujours pensé que lorsque qu’un constructeur s’installe, les sous-traitants et les équipementiers le suivent…

Il n’y a pas de spontanéité ni d’instantanéité. Les investisseurs viennent quand il y a de l’intérêt. Ils ne vont pas venir pour perdre de l’argent. Si on veut les intéresser, il faut les mettre dans les conditions de rendement. S’il y a une marque qui s’installe pour faire 20 000 véhicules, c’est certain que personne ne viendra pour lui proposer de la sous-traitance. Il n’y aura pas également de fournisseurs locaux que tout constructeur aimerait avoir autour de lui.

L’industrie automobile n’est pas une industrie d’échelle. Il faut atteindre un volume qui assure la rentabilité. C’est une industrie à effet d’entraînement, c’est-à-dire qu’elle draine autour d’elle réellement de l’industrie. De l’industrie secondaire. Aujourd’hui, ce qui se passe dans l’industrie automobile en Europe, ce ne sont pas les constructeurs qui à eux seuls font évoluer l’automobile.

Le constructeur fait évoluer le design, c’est lui qui pense effectivement le concept, il y en a aussi qui développent le moteur et la boîte de vitesse, mais qui fait évoluer le reste des composants entre l’électronique des véhicules ? Ce sont les équipementiers qui font de l’innovation. Ce n’est pas le constructeur qui le leur demande, mais ce sont eux qui viennent leur proposer de nouvelles technologies qu’on peut effectivement embarquer dans le véhicule. Et c’est comme cela que l’industrie de l’automobile avance.

– Le gouvernement a un nouveau plan d’action dont on ne connaît pas encore les détails…

On espère qu’il sera quand même positif. Moi, cela me désole qu’on ne sache plus faire de camion. Le camion Sonacome continue de rouler partout. On savait faire les moteurs à Constantine. Savez-vous qu’on coulait le bloc et qu’on fabriquait les composants du moteur. Ce qu’on ne faisait pas, ce sont les chemises pistons. Il y a très peu d’équipementiers qui les fabriquent.

C’est très précis, c’est un investissement lourd qui pose toujours la problématique des volumes. On importait aussi les roulements et les coussinets, mais les bielles on les produisait. On fabriquait aussi le vilebrequin, qui est très complexe. Aujourd’hui à Constantine, on ne fait qu’assembler les moteurs de Deutz et de Daimler Benz. Le drame est qu’on ne sait plus faire ce qu’on savait faire il y a quelques années. Pour le reconstituer, il faut des années. C’est vrai qu’avec l’assemblage on peut remonter la filière mais c’est compliqué et cela demande du temps.

– L’industrie automobile, ce n’est donc qu’une question de volonté…

Il faut stabiliser les lois. Il faut avoir un projet en gardant la tête sur les épaules. On ne peut pas avoir toutes les marques. On n’est pas la Chine avec 1,5 milliard d’habitants. C’est le plus grand marché au monde. 23 millions de véhicules sont fabriqués chez eux.

A mon avis, le mieux c’est de libérer l’investissement dans notre pays. Un constructeur qui veut venir ici ne doit pas être soumis à l’obligation d’avoir un agrément. Il investit et c’est le marché qui décide pour lui. Au Maroc, il n’y a pas de dos-d’âne. Pourquoi ne ferons-nous pas de même ? Créer des zones franches. C’est quelques pistes à mon avis qu’il faut explorer.


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