Ces forces de l’obscurantisme qui veillent au grain à l’ombre du pouvoir



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Par Saadeddine Kouidri – Dans son discours long et roucoulant, comme s’il préparait un voyage au royaume des dieux, lors de la réunion gouvernement-walis du 17 février dernier, le Président parle de «l’identité» qui est traduite dans la presse, reprenant certainement le communiqué officiel, par «l’identité nationale». Ce rajout et cette faute d’attention ne peuvent être qu’un message sibyllin qui peut signifier : nous ne séparerons pas la religion de l’Etat, nous ne toucherons ni à l’amazighité ni à l’arabe et nous n’ajouterons pas la langue de «yetnahaw gaâ». Nous resterons amazigh, arabe, musulman, pour ne jamais être citoyen algérien. En un mot, le système politique ne retient pas que nous sommes Africains et Méditerranéens, parce que c’est évident. Il ne retient que ce qui est équivoque à l’image de sa politique.

Ceux qui luttent pour l’abrogation des identités meurtrières étaient déjà fixés suite à la recommandation du Président faite à la commission des experts, celle de ne pas toucher aux «thawâbit», les constantes. Les forces de l’obscurantisme à l’ombre du pouvoir veillent au grain pour que l’identité algérienne reste un moyen de division et non d’enrichissement. Ils ne veulent aucune autre interprétation que celle de maintenir les identités qui ont fait plus de tort que de bien. Comment prôner la démocratie, qui est la parole du peuple, tout en drapant l’Etat d’une religion ? Les premières Constitutions avaient omis l’amazighité et avaient fait du tort au peuple. Aujourd’hui, tout en la reconnaissant, elle demeure un facteur de division et, en sus, ils utilisent la pureté de la langue arabe pour nier l’arabe algérien.

Chadli, en agréant le FIS, avait légitimé l’utilisation de la religion à des fins politiques. Bouteflika s’en est servi pendant vingt ans jusqu’à oser un 5e mandat. Si les juristes maintiennent dans le projet de Constitution que l’Etat a une religion, on devine à quel avenir ils nous projettent. Ils maintiendront leur Algérie nouvelle dans la zone clair-obscur.

Seul le peuple pouvait intervenir pour sauver l’Etat

La presse rapportait que lors d’une seule année dans la décennie 2000, on a compté presque 13 000 émeutes, toutes dénonçaient parfois le manque, d’eau, d’électricité, de routes, de transports, d’emplois, etc. Si, aujourd’hui, ces privations n’ont pas comme raison le manque d’argent comme l’affirment les officiels, ne serait-il pas plus simple de répondre sans attendre aux doléances des citoyens de ces zones abandonnées par l’octroi d’une enveloppe financière et un protocole qui permettent à l’élu local de puiser un puits en attendant de relier ses zones aux réseaux d’alimentation en eau, d’acheter un groupe électrogène ou l’installation de panneaux en attendant de les connecter aux réseaux d’électricité et du gaz, d’ouvrir une cantine, de construire un dispensaire, une classe d’école, de préserver l’environnement ? Rappelez à l’élu et à tous les responsables locaux leurs hautes responsabilités et les risques qu’ils encourent quand le minimum vital n’est pas fourni au citoyen !

Le changement du système n’est pas dans le changement des hommes mais dans les méthodes de gestion et de communication. La gouvernance n’est pas de charger les responsables mais d’énumérer et répéter inlassablement les tâches qu’ils doivent accomplir jusqu’à faire parvenir le message aux oreilles des commis chargés de ce travail et légitimer de cette façon la demande du citoyen y compris par la manifestation. L’émeute annonce l’incompétence des services publics et dans de tels cas, ce n’est pas les manifestants qui doivent être blâmés mais les partis politiques, les associations, l’élu et les responsables des services administratifs et techniques.

Dans son discourt aux walis, le Président commente le documentaire «Zone d’ombre» en affirmant que les intervenants dans ce film «n’ont aucune appartenance politique». Dans ce cas, le Président sous-entend que la misère est un choix. Dans la «zone d’ombre» ne plane que le dénuement. Quant au reste, c’est-à-dire dans les zones moins «sombres», c’est la violence de l’Etat et de ses acolytes qui ont dissuadé le citoyen d’approcher les partis politiques avant de transformer certaines de ces organisations en coquilles vides et d’autres en des gangs de corrompus, des clans sans vergogne. C’est la raison qui a fait que seul le peuple pouvait intervenir pour sauver l’Etat de l’effondrement. Il faut juste rappeler au Président que le Hirak non plus n’a pas d’appartenance politique à cause des sévices menée pendant des décennies par le pouvoir sous différentes formes, qui vont de la corruption des décideurs à l’islamisation de la société, contre toute représentation démocratique du peuple et qui a mené à la situation catastrophique que nous connaissons.

La leçon qui se répète et qui ne trouve toujours pas d’échos, porte un préjudice au pays, est que la gestion de l’Etat ne peut être efficace que par la présence de partis politiques démocratique qui permettent l’alternance au pouvoir. Seules les organisations démocratiques et les libertés sont à même d’éviter les dérives des institutions de l’Etat et les préserver de l’injustice, de l’abandon des plus démunis, de l’émigration clandestine des jeunes. Faut-il souligner que le racisme, l’appel au meurtre, à l’inégalité envers les femmes, aux violences particulièrement envers les enfants ne sont pas des opinions et leurs condamnations doivent s’exercer tout le temps et en tout lieu, y compris par le simple citoyen ?

Rappelons juste que la souffrance n’a pas été la cause du Hirak comme le font croire certains sur l’autre rive. La cause de ce mouvement a été le ridicule du pouvoir, celui de présenter le cadre d’un vieil impotent pour une 5e candidature à la présidence de la République. Le Hirak ne présente pas de revendication sociale mais exige le changement du système politique qui a mené le pays à la dérive. Ce système politique dit libéral avait l’adhésion de dirigeants occidentaux, des islamistes, des partis politiques, de l’UGTA qui, aujourd’hui, veulent se déculpabiliser en employant un nouveau terme, celui de ‘issâba pour faire oublier leur forfait. D’autres «essuient le couteau» sur les généraux pour apparaître comme innocents, eux qui les côtoyaient et qui ont accompagné le régime pendant plusieurs mandats

De jeunes adolescents interviewés dans le documentaire «Zone d’ombre» projeté lors de la rencontre gouvernement-walis, montre qu’un an a suffi pour que jusqu’aux zones oubliées par l’Etat depuis des lustres, des adolescents clament leurs revendications à la manière de leurs frères aînés du Hirak. Ce documentaire fait par la télévision gouvernementale sur une commande du Président témoigne qu’il y a plus d’une zone abandonnée par l’Etat. Il approuve donc, des années après, les milliers d’émeutiers et les centaines de citoyens qui ont été emprisonnés, violentés et parfois torturés pour l’avoir dénoncé. Quelle honte que d’entendre au même moment de hauts responsables déblatérer sur la fidélité au serment de Novembre lorsqu’ils entendent juste un point de vue qui diffère du leur sur la lutte de libération.

L’expérience des échecs successifs des partis politiques démocratiques ont appris au peuple que les services de l’Etat étaient là pour brimer toute association qui tentait de le mobiliser en l’informant des injustices commises en son nom. Le peuple s’en est éloigné et apparaissaient pour beaucoup démobilisé. On s’aperçoit aujourd’hui que le peuple avait jugé que le rapport de force n’était toujours pas en sa faveur. C’est une nouvelle génération connectée qui surgit non pas du néant mais des stades et des campus nourris des épopées de leurs aînés. Elle entraîne la majorité du peuple et fait la force du Hirak, par son caractère pacifique. La jeunesse est un point commun entre la Révolution du 1e Novembre 1954 et celle du 22 Février 2019. L’autre point commun est la fréquentation du milieu non pollué par le système politique colonial de l’un et des clans de l’autre car si la première jeunesse était formée de hors-la-loi anticolonialistes, la seconde était à l’écoute des émeutes et avait le stade comme terreau. Les deux jeunesses, à 65 ans d’écart, partageaient la même spiritualité, la protection des démunis et la dénonciation de l’injustice par la consolidation des libertés. La politique dans ce cas ne serait-elle pas la spiritualité de l’Homme moderne ?

Notre jeunesse actuelle s’est servie à bon escient de l’Internet. Cela n’a pas toujours été le cas et risque de ne pas le demeurer comme sous d’autres cieux.

Le paradoxe est que la politique du pouvoir en Occident a de plus en plus d’impact sur les jeunes en rupture avec la société. Si, dans les années 1950, ils sympathisaient avec les luttes de libération et particulièrement celle que menaient le peuple vietnamien, ils ont viré leur cuti aux côtés des moudjahidine afghans dans les années 1970 et des salafo-djihasites en Syrie des années 2000. Ils rejoignent la politique du pouvoir dominant tout en s’éloignant géographiquement de leur pays et non de sa politique. Un deuxième paradoxe est l’attitude de ces islamistes qui combattent la culture et le mode de vie occidental chez eux, qu’ils qualifient d’impie, tout en rêvant de s’établir dans les pays chrétiens.

Ces contradictions semblent tenir du revers de la médaille de la Toile qui fait que «la richesse de connexions d’un espace militant est un indice de risque potentiel en termes de rupture avec la société globale. Plus l’espace en question est connecté à d’autres espaces ou foyers idéologiques, à l’intérieur ou à l’extérieur du territoire national, sous les formes les plus variées, plus il a de chance de devenir un espace stratégique dans l’expression» de l’extrémisme et de l’obscurantisme.

Dans son discourt aux walis, le Président a mentionné la création éventuelle d’une Cour constitutionnelle indépendante qui se prononcera sur les litiges opposant les différents pouvoirs. Les discours qui ne sont pas suivis par des actes nous rappellent le proverbe qui affirme que «le chemin de l’enfer est pavé de bonnes intentions». Quand on apprend qu’au moment du discours des actes d’injustices, révoltants, se multiplient, à l’instar de cette femme qui se fait expulser de la ville parce qu’elle refuse de porter le voile , parler dans ce cas d’une Cour constitutionnelle qui se prononcerait sur les litiges opposant les différents pouvoirs semble surréaliste, quand on sait que l’Etat dispose de centaines de milliers d’agents incapables de protéger une citoyenne à cause de ces institutions qui demeurent en «zone obscure».

Le plus urgent n’est-il pas d’éclairer ces zones pour que le citoyen puisse entrevoir la République démocratique, sociale et laïque et faire du Hirak son institution d’alerte.

S. K.

 


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