Ali Haddad au procès en appel d’anciens responsables et hommes d’affaires

«C’est Saïd Bouteflika qui m’a demandé de cacher l’argent…»



...

Dans le cadre de l’affaire du financement occulte de la campagne électorale du 5e mandat du Président déchu et des indus avantages accordés dans le cadre de l’industrie du montage automobile, le procès des deux anciens Premiers ministres, Ahmed Ouyahia et Abdelmalek Sellal, et des ex-ministres, Abdessalem Bouchouareb (en fuite), Abdelghani Zaalane, Mahdjoub Bedda, Youcef Yousfi, ainsi que des hommes d’affaires, à savoir Ahmed Mazouz, patron du groupe éponyme, Hacen Arbaoui, patron du groupe KIA Motors Algérie, Mohamed Bairi, patron du groupe Ival, et Ali Haddad, patron du groupe ETRHB, ainsi que de nombreux cadres du ministère de l’Industrie et de sociétés en tant que personnes morales, a repris hier à la cour d’Alger.

Lors de son audition, l’ancien président du FCE (Forum des chefs d’entreprise), Ali Haddad, en a surpris plus d’un. Il commence par rejeter tous les griefs qui lui sont reprochés et faire l’éloge des réalisations de son groupe, avant que le juge ne le ramène aux faits.

«Qui vous a chargé de collecter les fonds pour la campagne électorale ?» demande le président. Ali Haddad repond : «Je n’ai jamais collecté de fonds.» Le juge insiste en lui rappelant qu’il avait cité «quelqu’un» et le prévenu persiste à nier. «Vous aviez dit, à Mohamed Bairi, avoir déposé la somme de 180 milliards de centimes et que Metidji avait remis un chèque de 39 milliards de centimes», rappelle le président, mais Ali Haddad dément : «Je n’ai jamais dit cela !» Le juge l’interroge sur la désignation de Ourhane, son beau-frère, chargé des opérations financières de la campagne. Un peu irrité, Ali Haddad explique : «Saïd Bouteflika m’a demandé de ramener un trésorier sérieux et de confiance pour aider Saïd Chaïd, j’ai pensé à Ourhane. C’est un homme honnête, de confiance, que je connais depuis plus de 30 ans. Je le lui ai proposé. Il l’a désigné.»

Le juge : «Quelle est votre relation avec les 19 milliards de centimes retirés de la permanence de Hydra ?» Ali Haddad ne répond pas et le juge revient à la charge en l’interrogeant sur le montant de 75 milliards de centimes déposé à Hydra. Le prévenu affirme n’être au courant de rien. Il s’énerve et lance : «Monsieur le juge, maintenant à chaque fois que quelqu’un a mal à la tête, il me désigne comme source de sa douleur.» Le juge : «Avez-vous pris les 19 milliards de centimes ou non ?» Haddad finit par dire «oui» et explique : «Avec le début des manifestations, Saïd Bouteflika m’a joint par téléphone, me demandant de récupérer l’argent déposé à la permanence de Hydra, et de le cacher, pour des raisons de sécurité, pendant quelques jours. Cet argent est sorti avec une décharge. Il y a une traçabilité. L’Etrhb n’en a pas besoin.» Le juge lui demande si les 19 milliards de centimes ont été transférés en espèce et Haddad confirme.

Le juge : «Est-ce légal ?» Haddad : «Je ne suis pas responsable. J’ai juste pris cette somme pour la mettre dans un lieu sûr. Je ne connais pas Saïd Chaïd, et je ne suis responsable ni de la collecte ni de l’argent.» Le juge lui rappelle son statut de président du FCE, sa relation avec Ahmed Mazouz, l’oncle de Mohamed Bairi, qui avait remis un chèque de 39 milliards de centimes, sur sa demande en contrepartie de la résolution des problèmes qu’il a rencontrés dans la réalisation de son usine de sucre.

«C’est Saïd Bouteflika qui m’a demandé de cacher l’argent de la campagne»

Ali Haddad lance : «je défie quiconque de venir me dire qu’il m’a donné un sou ou des cadeaux. J’ai travaillé pour l’Algérie et le FCE a travaillé pour bâtir le pays.» Le procureur général lui rappelle que Ourhane et Saïd Chaid l’ont cité comme étant la personne qui a aidé à leur recrutement. «Saïd Cahid a fait la Révolution avec Abdelaziz Bouteflika. J’ai lu ses procès-verbaux d’auditon devant la Cour suprême. C’est le Président qui l’a désigné en 2004, 2009, 2014 et 2019. Comment pourrais-je mettre en doute la confiance du Président devant un sénateur du tiers présidentiel, durant 20 ans, âgé de 90 ans ? Pour ce qui est de Ourhane, j’ai dit que Saïd Bouteflika m’a demandé un homme de confiance, je lui ai présenté mon beau-frère, il l’a accepté.» Un des avocats de Haddad intervient et le procureur général s’irrite, mais poursuit son interrogatoire. «Vous aviez promis à Mazouz de régler le blocage de son usine de sucre à Larbaâtach, que Kouninef voulait racheter, en contrepartie d’une participation financière à la campagne électorale. Est-ce vrai ?»

Un des avocats du prévenu réagit : «Il n’a pas dit cela à l’audience. C’est le contenu des procès-verbaux d’audition.» Le procureur général sort de ses gonds et le président fait remarquer aux parties : «C’est moi qui dirige l’audience !» Il donne la parole à Haddad qui lâche : «Le FCE, c’est plus de 4000 opérateurs et 7000 entreprises, avec un chiffre d’affaires annuel de 45 milliards de dollars. Si quelqu’un vient dire que Ali Haddad a pris un dinar, coupez-moi la tête.»

Le président prend le relais : «Parlez-nous du chèque de 39 milliards de centimes remis par Mazouz pour la campagne.» Ali Haddad : «C’est un concours de circonstances. J’étais avec Bairi en séance de travail au bureau. Mazouz a appelé Bairi, lequel m’a demandé s’il pouvait passer nous voir. J’ai dit oui. Une fois sur place, il m’a dit qu’il voulait remettre de l’argent, sans aller à la permanence. Je lui ai proposé de me le laisser. Le chèque était dans une enveloppe.» 

Le juge l’interroge sur le montant de 6,5 milliards de centimes et Ali Haddad explique : «Le groupe Médias Temps avait deux locaux qu’il venait de louer. Saïd Bouteflika m’a demandé de les mettre à la disposition des permanences et de prendre en charge le bail.

C’est ce qui a été fait et Medias Temps a remboursé.» Haddad en profite pour se plaindre. «Monsieur le juge, je suis poursuivi pour le même dossier par la chambre 5 et récemment par la chambre 3, qui m’a mis sous mandat de dépôt dans le cadre du chèque de 39 milliards de centimes remis par Metidji, que je ne connais même pas», dit-il avant que le juge ne l’interrompe en lui précisant : «Nous avons la liste qui contient les noms de Metidji, Bellat, Mazouz et d’autres, mais cela ne vous concerne pas.» Haddad poursuit : «Lorsque j’ai été incarcéré pour l’affaire de mon passeport, j’ai parlé à mes avocats de l’argent laissé à Dar El Beïda. Mais les gendarmes l’avaient déjà pris.» Il cède sa place à Hadj Saïd Malek, un des chauffeurs qui avait transféré l’argent de Hydra à Dar El Beïda. Il confirme que les 19 milliards de centimes avaient été remis à Ali Haddad, au siège de l’ETRHB, à Dar El Beïda, en trois parties, avant qu’Ourhane, le beau-frère de Haddad, ne passe à la barre. Comptable principal, qui avait pris un congé sans solde d’une banque, pour la somme de 200 000 DA, il atteste lui aussi le transfert des 19 milliards, l’existence de deux comptes, les versements des chèques et des sommes en espèce, sans qu’il ne se rappelle, souligne-t-il, les montants exacts.

75 milliards de centimes collectés pour la campagne du 5e mandat

Au début de l’audience, c’est Hamoud Chaid, le directeur financier de la campagne électorale, un ex-sénateur du tiers présidentiel, âgé de 93 ans, qui est appelé à la barre. Il déclare : «En 2004 et 2009, c’est Abdelaziz Bouteflika qui m’avait désigné en tant que trésorier de la campagne. En 2019, c’est son frère Saïd, qui a parlé à Ali Haddad, lequel m’en a fait part.» Des propos qui contredisent la déclaration de Haddad. D’une voix inaudible, parfois entrecoupée d’un long silence, Chaid affirme que le montant collecté et versé sur le compte, était de 75 milliards de centimes. Il affirme qu’une grande partie a été retirée «pour prendre en charge les dépenses de campagne», en citant la somme de 18,275 milliards de centimes. Il montre de grandes difficultés à parler. Par moment, il tente de lire des documents et se perd dans les chiffres.

Le président l’interroge sur les sommes en espèce, mais il était incapable de donner des réponses. «Vous étiez responsable de ces comptes. Vous saviez que le code électoral fait obligation de l’ouverture d’un seul compte et une somme ne dépassant pas 6,5 milliards de centimes ?» Chaid ne répond pas. A propos des 19 milliards transférés à Dar El Beïda, il révèle que c’est Saïd Bouteflika qui lui a dit que Ali Haddad allait passer récupérer l’argent. Au procureur général, il déclare que c’est Saïd Bouteflika qui l’a désigné et qu’il ne se rappelle pas des chèques qu’il a reçus. Directeur des études à la direction générale du développement industriel, au ministère de l’Industrie, Mohamed Alouane nie tous les faits qui lui sont reprochés et affirme qu’il ne reçoit aucun dossier, lesquels sont déposés au secrétariat général. Le juge lui demande pourquoi ne pas avoir respecté les conditions dictées par le cahier des charges en ce qui concerne le groupe Ival appartenant à Mohamed Bairi. «Il était déjà en activité. En 2018, il y a eu un nouveau décret qui a donné aux concessionnaires une année pour se conformer à la réglementation», ne cesse-t-il de répéter. Selon lui, une vingtaine de dossiers non traités étaient bloqués au niveau du bureau de Abdessalem Bouchouareb. «Ce qui a poussé les opérateurs à exercer d’énormes pressions sur nous», dit-il, avant que Mohamed Bairi, patron du groupe Ival, ne soit appelé à la barre.

Lui aussi rejette tous les faits reprochés en lançant : «Comment peut-on m’accuser d’indus avantages alors que j’avais déposé mon dossier en 2011 et ce n’est qu’en 2017 que j’ai eu une réponse ? Je n’ai même pas obtenu un permis de construire sur cette parcelle, que j’ai eu comme concession et pour laquelle je paye un loyer annuel de 2 millions de dinars. Je ne fais pas partie des ‘‘allô‘‘ (en référence à ceux qui règlent leur problème par un coup de téléphone).» Le juge : «Vous aviez bénéficié d’un terrain pour la production de céramique, puis utilisé pour l’automobile alors qu’il s’agit d’une assiette agricole. Qu’en dites-vous ?» Bairi : «Lorsque j’ai déposé ma demande au Calpiref, elle ne comportait ni l’endroit recherché ni sa nature. Lorsque j’ai eu une réponse, on me dit qu’il s’agit d’une terre agricole. Est-ce que j’ai choisi cette parcelle ? J’ai demandé une zone industrielle, ils m’ont affecté une assiette dans une zone d’activité au milieu d’habitations. Elle ne répondait nullement à l’activité céramique. J’ai demandé le changement d’activité pour aller vers la sous-traitance de carrosserie automobile. J’ai acheté la licence chez le constructeur. J’importais 200 camions annuellement avec mon projet, je n’en produisais que 90 par an. J’ai perdu financièrement, mais je voulais continuer parce que je croyais en mon projet.»

Le juge l’interroge sur la société Jamal, dans laquelle Fares Sellal a pris des actions. «Il avait acheté 923 actions au prix de 9 millions de dinars et au bout de trois ans, il a pris les dividendes de ces années, d’un montant de 11,5 millions de dinars.» Pour lui, il n’a jamais été question d’utiliser Fares Sellal, pour profiter du statut de son père, l’ex-Premier ministre. «Lorsqu’il est venu, la société était déficitaire. Jamais la monnaie japonaise n’a atteint un niveau aussi bas. Nous en avons profité pour acheter à cette période qui était une aubaine. Nous avons réussi à redresser la situation.» A propos des réserves émises par le comité d’évaluation, Bairi est formel. «Elles ont toutes été levées», déclare-t-il. Il explique à propos du préjudice évalué par l’IGF, qu’il y a eu erreur. «Après le 1er procès, je me suis rendu compte  qu’ils ont fait ce calcul en comptant les 15% de droits et taxes douaniers. Or, moi, je suis exonéré, de par ma zone d’importation qui est l’Europe. Même si j’étais soumis à ces droits et taxes, j’aurais payé 5% seulement.»

Membre de la direction de développement de l’investissement, Amar Agadir est catégorique. «Il y a eu confusion entre un membre du comité d’évaluation technique, qui s’appelle Abdelkrim Agadir, et ma personne. Je n’ai aucune prérogative de signature. On nous a demandé d’élaborer un projet de cahier des charges pour introduire de nouvelles conditions aux opérateurs. Nous l’avons fait et remis au ministre qui pouvait l’accepter ou le refuser», affirme Agadir, avant de céder sa place à Hassiba Mekraoui, directrice du développement industriel au ministère de l’Industrie. Elle aussi récuse les chefs d’inculpation car, dit-elle, elle n’a aucun pouvoir de signature ou de décision.

Sa mission, ajoute-t-elle, est définie par la loi et qui est le développement des filières industrielles. «Mon travail est théorique. Je donne des avis. Lorsque la liste des 40 opérateurs est passée par le CNI (Conseil national d’investissement), le ministre, Youcef Yousfi, m’a demandé d’informer les concernés de déposer leurs dossiers à l’Andi. Pour le dossier de Bairi, il a obtenu sa première décision auprès du Calpiref, et la seconde au mois de mai 2018, alors que je n’étais plus à la direction», affirme la prévenue. Interrogée sur le cas de Abderrahmane Achaibou, propriétaire de la marque KIA, elle répond : «Lorsqu’il est venu me voir, je lui ai dit que son problème dépassait mes prérogatives. Je ne signe jamais. Je ne suis pas présidente du comité et je n’ai pas le droit d’interférer dans ses décisions.» Le juge appelle Amine Tira, chargé des études et membre du comité d’évaluation technique.

D’emblée, il nie les faits et affirme : «Il est regrettable que tout le monde ici se renvoie la balle. Les membres du comité donnent un avis et c’est au ministre de l’accepter ou de le rejeter. Il a toutes les prérogatives.» Il précise que la secrétaire générale du ministre, qui avait un grand volume de travail, lui a confié la signature des dossiers, mais sans valider cette décision par un écrit. «Elle m’a chargé de la coordination et de la signature pour son compte des décisions. Je n’ai pas les prorogatives de régler les problèmes de ceux qui viennent se plaindre, mais je transmets leurs préoccupations aux concernés. Mais il y a eu d’énormes difficultés, raison pour laquelle j’ai fini par quitter mon poste. J’ai laissé 26 dossiers étudiés, dont 19 avaient eu un accord.» Le juge lui demande pourquoi certains opérateurs ont obtenu des avantages sans respect du cahier des charges, de 2016 notamment, en ce qui concerne la présence du partenaire étranger. Tira répond : «Il y a confusion entre présence du partenaire et participation financière du partenaire. Au début, c’était juste pour transférer le savoir-faire sans apport financier.»

Le juge : «Pourquoi ce cahier des charges n’a pas été rendu public ?» Tira : «En fait, il n’a pas été publié au Journal officiel, mais il était sur le site du ministère de l’Industrie. J’avais attiré l’attention des responsables, notamment la cheffe de cabinet, décédée. Il n’y avait pas urgence de le faire.» Le juge : «Les gens attendaient des mois pour acheter un véhicule et vous me dites qu’il n’y a pas urgence. Comment expliquer cela ?» Tira tente d’apporter quelques détails techniques, qui ne semblent pas intéresser le magistrat qui lâche : «Par la non-publication, vous avez fait des concessionnaires des gens importants. Il était plus facile de voir un ministre qu’un concessionnaire à cette époque.» Il lui demande qui signe les décisions, citant comme exemple le cas de Gloviz, appartenant à Arbaoui, et Tira déclare : «J’ai signé les décisions pour la secrétaire générale…»

Le juge : «On parle beaucoup de votre relation avec le ministre Bouchouareb…» Tira : «Tout dépend de l’interprétation que vous faites de cette proximité. Mais, je vous dis que je le connais, parce ce que son fils était étudiant à l’école de commerce où j’enseignais.» Un des avocats intervient : «Vous avez donné de nombreux avantages à Gloviz et vous dites aujourd’hui que vous avez émis des réserves ?» Tira semble déstabilisé. Il revient sur son audition en tant que témoin à la Cour suprême sur le sujet. Il dément avoir rencontré Achaibou, alors que ce dernier affirme lui avoir remis le dossier, mais il a refusé de lui signer un accusé de réception. Emu, il laisse couler des larmes et le juge suspend l’audience. L’avocat revient à la charge en lui demandant pourquoi être revenu sur ses propos.

Tira est irrité. Il parle doucement. «J’ai découvert qu’il avait un problème avec Bouchouareb, mais pas avec Tira. J’ai démissionné est-ce que son problème a été résolu ? Non», dit-il. Le procureur général lui rappelle les propos de deux témoins selon lesquels, lui et Mustapha Abdelkader étaient «les maîtres» des décisions au comité et Tira répond : «Je regrette ces propos. Je découvrais les dossiers comme tous les autres membres du comité.» Il affirme aussi avoir été impressionné par les connaissances du magistrat instructeur de la Cour suprême, qui lui a fait état des points illégaux qu’il contenait, au point où il a fini par reconnaître  que «tout ce qui est basé sur l’illégalité, est illégal».

Le procureur général : «Comment pouvez-vous, en tant que conseiller d’étude et de synthèse, être membre d’un comité d’évaluation, signer les décisions à la place de la secrétaire générale et prendre part aux travaux de l’assemblée en remplacement du ministre ?» Tira : «La secrétaire générale avait beaucoup de travail. Elle m’a désigné pour la soulager un peu. Pas plus…»L’audience reprendra aujourd’hui, avec l’audition des représentants des personnes morales. 


Lire la suite sur El Watan.

Publier des annonces gratuites

Petites annonces Babalweb Annonces

Publier une annonce gratuite

Autres sites

Sciencedz.net : le site des sciences
Le site des sciences en Algérie


Vous cherchez un emploi? Essayer la recherche d'emploi en Algérie
Babalweb Annonces Babalweb Annonces
Petites annonces gratuites