Tunisie

Fakhfakh obtient des prérogatives exceptionnelles pour contrer le coronavirus



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Un compromis entre les blocs parlementaires a permis de réunir les 131 voix nécessaires à l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) pour accorder des prérogatives exceptionnelles au chef du gouvernement, Elyes Fakhfakh.

Ce dernier ne s’est même pas déplacé, une deuxième fois, à l’Assemblée, après la plénière du 1er avril, insinuant qu’il avait plus important à faire. «Normalement, c’est l’ARP qui décrète, d’elle-même, ces mesures exceptionnelles, vu la crise traversée par le pays», avait dit Fakhfakh la veille, dans une interview à la télévision nationale, où il a expliqué le plan gouvernemental face au corona.

Lors de son interview, le chef du gouvernement tunisien n’a pas manqué d’évoquer de manière très diplomatique que «des divergences peuvent surgir entre les trois présidences, que l’on résout dans le respect de la Constitution».

Fakhfakh a précisé que «les membres du gouvernement ne se déplacent à l’Assemblée que pour des plénières nécessitant leur présence, ou pour répondre aux questions des commissions parlementaires, discutant des projets de lois», comme le stipule la Constitution. Le chef du gouvernement justifie, ainsi, son refus d’assister à une réunion du bureau de l’ARP, à laquelle l’a invité Rached Ghannouchi, pour discuter du projet de loi sur les prérogatives exceptionnelles. Elyes Fakhfakh trouve que l’ARP a trop mâché ce projet de loi, «automatique» à ses yeux, vu la situation exceptionnellement difficile traversée par le pays.

Répartition de rôles

Dans son interview de 90 minutes, Fakhfakh a répondu à toutes les interrogations de la rue politique, en cette période de tiraillements, accompagnant l’installation du nouveau gouvernement, le 29 février dernier, il y a cinq semaines. Il est clair que certains groupes parlementaires, notamment les islamistes d’Ennahdha et Qalb Tounes de Nabil Karoui, n’ont pas encore digéré que l’initiative leur soit retirée de nominer le chef du gouvernement et de marquer la politique de la Tunisie, alors qu’ils sont les premiers à la sortie des urnes. Ennahdha ne manque aucune occasion pour exprimer son mécontentement et essayer de tirer la décision vers le palais du Bardo, siège de l’Assemblée, présidée par Rached Ghannouchi. Or, la Constitution tunisienne place le chef du gouvernement, comme le premier responsable de l’Exécutif, sous le contrôle de l’ARP, qui lui a accordé la confiance. Fakhfakh accepte le contrôle de l’ARP, mais veut que ce soit à distance, comme le stipule la Constitution. Ennahdha et Ghannouchi ne semblent pas digérer cette situation.

Enjeux politiques de la crise

Les partis politiques ont peur des retombées de la crise du coronavirus, que traverse la Tunisie, comme les autres pays du monde. La crise touche tout le monde et les mesures prises par le gouvernement intéressent tout le monde. Le gouvernement Fakhfakh a accordé des aides exceptionnelles à toutes les familles pauvres, qu’elles disposent ou non de la couverture sociale. Le plan d’urgence a introduit des mécanismes pour permettre aux employés des petites entreprises d’obtenir des aides similaires, afin que «personne ne reste sans revenus en cette fin de mois», assure le chef du gouvernement. «La réussite d’un tel plan a un impact évident la popularité de l’indépendant Fakhfakh et cela fait peur à Ghannouchi», remarque le député Mustapha Ben Ahmed, président du bloc parlementaire de Tahya Tounes. Ghannouchi veut être associé à la sortie de la crise, ajoute le député.

De même pour le ministre nahdhaoui de la Santé, Abdellatif Mekki, chef de file de l’aile opposée à Ghannouchi au sein d’Ennahdha, que le cheikh a placé au gouvernement pour l’écarter de sa route, au sein du mouvement. Mais voilà que les événements ont placé Mekki au-devant de la scène. Et côté coronavirus, la Tunisie s’en sort relativement bien, avec 455 cas de Covid-19 sur près de 6000 tests, après un mois du 1er cas. Le pays a enregistré 14 décès et le nombre des tests par jour avoisine les 700, dans cinq centres à travers la République.

Le confinement général, qui a été décidé depuis le 22 mars, a été reconduit jusqu’au 18 avril ; le couvre-feu s’étend de 18h à 6h. L’application rapide des mesures sociales peut aider à la réussite de l’objectif du confinement à contenir la propagation de la pandémie. Laquelle réussite pourrait servir la popularité des membres du gouvernement. Cela ne plaît, semble-t-il, pas à certains politiques comme Ghannouchi et Nabil Karoui.

 

Tunis
De correspondant  Mourad Sellami


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