Covid-19 

Les structures de santé débordées à Sétif



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«Saturées, les structures du vétuste CHU sont non seulement bondées, mais manquent
de tout»,  révèle non sans dépit, un praticien.

Le relâchement de la population faisant fi du danger encouru, l’indiscipline des citoyens vaquant à leurs occupations quotidiennes sans bavette, l’absence d’un centre de dépistage, le déficit en équipements et en lits de réanimation sont les principales causes de la propagation du virus dans la wilaya de Sétif, nouveau foyer de la pandémie.

La rétention de l’information déroute d’une part le citoyen pour lequel la Covid-19 est une vue de l’esprit, n’arrange pas de l’autre les affaires des soignants soumis à une pression terrible. Pour de nombreux professionnels de la santé, les chiffres communiqués par la commission nationale du suivi ne reflètent pas la réalité du terrain.

Selon des sources médicales ne pouvant parler à El Watan que sous couvert de l’anonymat, jeudi la wilaya de Sétif a enregistré 8 décès (1 au CHU, 3 à El Eulma, 3 à Aïn Oulmene et 1 à Aïn El Kebira). A propos des nouveaux cas admis en fin de semaine dernière, nos interlocuteurs parlent de 124 cas.

Soit plus du double des chiffres officiels. Freinées par une bureaucratie à la peau dure, la collecte et la circulation de l’information sont, disent-ils, à l’origine du décalage ne permettant pas aux responsables concernés d’avoir une idée plus ou moins précise sur la situation.

Ayant gros sur le cœur, le Pr Abdelhak Moumeni, médecin chef du service de pneumologie au CHU de Sétif, pointe du doigt l’absence du dépistage et le déficit en structures d’accueil : «Il est inconcevable qu’une wilaya comme Sétif ne dispose toujours pas d’un centre de dépistage. Sans prospection précoce, point de prise en charge médicale efficiente.

Au lieu de recevoir les résultats des tests au bout d’une heure ou deux, nous sommes contraints d’attendre des jours. A cause de ce problème, nous avons perdu de nombreux patients. Saturées, les structures du vétuste CHU sont non seulement bondées mais manquent de tout»,  révèle non sans dépit, le praticien.

Et de poursuivre : «La manière de faire de certaines gens trouvant le moyens de célébrer les mariages comme si de rien n’était, dénote du degré de l’inconscience et de l’irresponsabilité de nos concitoyens.

On ne doit pas passer sous silence ces gravissimes actes s’apparentant à des homicides involontaires. Pour freiner la propagation du virus, il serait judicieux de renforcer les mesures d’hygiène et de distanciation.

Le port de la bavette dans l’espace public doit faire l’objet d’un contrôle rigoureux», conclut le Pr Moumeni. Ne cachant pas sa détresse, le Pr Kamel Bouchenak, chef de service des urgences médicales et chirurgicales (UMC) du CHU, crie sa douleur : «La situation est intenable.

Avec uniquement trois lits de réanimation, les UMC accueillant en moyenne 25 patients Covid-19/jour, sont débordées. Par manque de lits et d’équipements médicaux, nos malades dorment à même le sol. Nos patients ne reçoivent pas de l’oxygène en quantité suffisante. Le problème traîne depuis plus de dix jours.

L’incommensurable charge de travail et le manque de moyens de protection (bavettes, casques, visières, charlottes, blouses et surblouses) impactent le rendement du personnel dont 6 paramédicaux, 2 médecins généralistes sont contaminés.

2 autres praticiens demeurent pour l’heure suspects. Sans moyens humains et matériels, on ne va pas tenir le coup. D’autant que le service enregistre quotidiennement entre 2 et 3 décès. On ne doit plus cacher le soleil avec un tamis.

La saturation des autres espaces de confinement nous oblige à garder des malades lourds aux UMC se muant en unité d’infectiologie», fulmine le chirurgien qui ne comprend pas le silence des décideurs ne jugeant pas utile de répondre aux cris de détresse des combattants en blouses blanches.

Des citoyens de la ville d’El Eulma, l’autre important foyer de la pandémie, fustigent les autorités locales : «Face à la gravité de la situation, les autorités locales continuent à tâtonner.

Les mesures de confinement sont ignorées. L’horaire du couvre-feu n’est pas respectée car les gens circulent, jouent au foot ball, se rassemblent et célèbrent les mariages, sans le moindre problème», soulignent nos interlocuteurs.

Dénonçant le comportement d’une catégorie de citoyens trouvant le moyen d’agresser le personnel faisant de son mieux pour contrer la pandémie, des soignants de l’Etablissement public hospitalier (EPH) d’ El Eulma crient leur ras-le bol : «Les remarques désobligeantes, les agressions verbales et physiques fusent, incommodent aussi bien la direction que les personnels.

Un tel climat influe négativement sur le moral des équipes de l’EPH prenant en charge plus de 271 malades Covid-19 dont 43 ont été admis hier (vendredi). Pour les deux derniers jours de la semaine, nous déplorons 6 décès. Comme vous le constatez, la situation est difficile.

Afin de réduire au maximum les mouvements des sujets suspects dont le nombre est en perpétuelle augmentation, on compte utiliser l’institut de formation professionnelle qui devrait venir en appoint aux deux centres psychopédagogiques où sont confinés des patients», nous confie sous le sceau de l’anonymat un soignant de l’EPH ne disposant que de 9 lits de réanimation.

L’association Zinedine Zidane et des bienfaiteurs au secours du CHU

Ne restant pas insensibles face aux cris de détresse des soignants luttant de toutes leurs forces pour vaincre un ennemi invisible, des Algériens au cœur gros comme ça se mobilisent.

Ainsi, l’association Zinedine Zidane, dirigée par son père Smaïl Zidane, vient de doter le service de réanimation du CHU de Sétif de 2 respirateurs artificiels, de 2 scopes et de 2 stations de pousse-seringue d’origine allemande.

Pour en finir définitivement avec le sempiternel problème de dépistage, des donateurs de Aïn Fouara ont remis jeudi à la direction du CHU un kit complet de PCR (un automate, deux hottes, un extracteur) et un important lot de réactifs. Dirigé par la professeure Farida Sahli, le laboratoire de microbiologie de l’hôpital sera, nous dit-on, opérationnel en début de semaine.

L’Institut Pasteur d’Alger a dépêché l’un de ses spécialistes pour la mise en service et l’homologation de la structure.

Les mêmes donateurs vont, nous dit-on, livrer aujourd’hui (samedi) aux UMC 5 lits de réanimation dotés de tous les équipements de réanimation.

«Je ne trouve pas les mots pour remercier l’association Zinedine Zidane ainsi que les nombreux bienfaiteurs de Sétif ne ménageant aucun effort pour nous aider, accompagner et fournir en ces moments difficiles un équipement médical de dernière génération», dira, non sans émotion, le Pr Nabil Mosbah, chef de service de réanimation du CHU tenant débout grâce au dévouement de ses équipes et à la générosité de ses donateurs tenant jalousement à garder l’anonymat…


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