Saïd Bouteflika, le grand oublié du procès



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Le procès du patron du groupe ETRHB, Ali Haddad, s’est poursuivi jeudi dernier avec les plaidoiries de la défense. Aussi bien les avocats des deux ex-Premiers ministres Ahmed Ouyahia et Abdelmalek Sellal que ceux des anciens ministres ont dénoncé le caractère politique de l’affaire, tout en mettant en avant le fait que les décisions ont été prises en Conseil des ministres présidé par Bouteflika. La défense de Ali Haddad a rejeté les griefs, en s’interrogeant sur l’absence de confrontation entre son mandant et Saïd Bouteflika.

Les avocats étaient unanimes jeudi dernier, au procès de l’homme d’affaires Ali Haddad, au tribunal d’Alger, à clamer la relaxe tout en dénonçant «le caractère politique» du procès en «raison d’absence de toute preuve de violation de la loi» et ont réclamé la relaxe pour les prévenus.

Pour eux, les deux ex-Premiers ministres et ministres n’ont fait qu’«exécuter les instructions du président Bouteflika» et «n’avaient pas les prérogatives de s’y opposer».

La défense de l’ex-chef de l’Exécutif, Ahmed Ouyahia, Mes Fetnasi et Benkraouda, n’y ont pas été avec le dos de la cuillère. «Le tribunal aurait dû se rendre compte que des choses insensées se trouvent dans ce dossier. Les marchés dont il est question remontent aux années 2005 et 2006, alors que nous sommes en 2020.

Pourquoi ne sont-ils pas remontés jusqu’aux années 1990 ? L’enquête a été confiée à l’IGF (Inspection générale des finances, qui dépend du ministre des Finances, celui-là même qui fait partie du CPE (Conseil de participation de l’Etat), qui a décidé d’accorder les avantages, objet de cette poursuite. Où était le ministre des Finances ? Où était l’IGF qui, aujourd’hui, présente une expertise accusatrice», déclare Me Amine Benkraouda.

Il revient sur l’enterrement de Me Laifa, frère et avocat d’Ahmed Ouyahia et les circonstances choquantes dans lesquelles ce dernier y a assisté.

«Nous avons été terrassés une première fois par la mort de notre confrère Laifa et une seconde fois par l’image transmise sur les chaînes de télévision de notre mandant, les mains menottées. Cette image est très douloureuse. Elle nous a fait mal. Elle a fait mal à l’image de la justice et de l’Algérie.

Comme nous aurions aimé qu’il ne se soit jamais rendu au cimetière….)», s’insurge l’avocat, avant d’entrer dans le vif du sujet et de s’interroger : «Est-il possible de réduire tout le travail du gouvernement à la personne du Premier ministre ?» L’avocat regrette que sa demande (sur l’inconstitutionnalité du procès dans un tribunal ordinaire) n’ait pas été acceptée lors du premier procès et que Conseil constitutionnel n’a pu réagir.

«Est-ce qu’Ahmed Ouyahia a signé un quelconque marché pour le poursuivre pour abus de fonction ? Non, il n’a aucun lien avec les marchés octroyés à Haddad. Il n’est qu’un coordinateur et exécute les orientations du Président. Dans aucun pays au monde, deux Premiers ministres et autant de ministres n’ont été mis en prison.

Ahmed Ouyahia est un homme d’Etat et son procès est politique. Les inculpations ne reposent sur rien. Dans la lettre qu’il a envoyée au ministre de l’Industrie et au CNI (Conseil national de l’investissement), il demandait conseil et ne donnait pas d’ordre.

Aucun des responsables n’a dit qu’Ouyahia a fait pression sur lui», relève l’avocat. Puis il dresse le profil de son mandant  : «Cet homme a sacrifié une grande partie de sa vie à l’Etat, travaillant de 7h du matin jusqu’à minuit, très assidu, compétent et nationaliste», avant de lâcher : «La bourde du 5e mandat est venue dans un contexte politique très particulier.

Il est innocent. Assez, assez de cette justice inhumaine. Lorsqu’il a été convoqué par le tribunal, je lui ai conseillé de ne pas y aller. Il a refusé en me disant qu’il a la conscience tranquille.»

«Assez, assez de cette justice inhumaine»

Me Fetnassi estime pour sa part que «les mêmes faits reprochés à Ouyahia ont été qualifiés par le parquet de différentes manières pour aller vers plusieurs procès», précisant que son mandant rendait compte quotidiennement par écrit et verbalement de tous ses actes au président Bouteflika.

«Dans toutes les affaires pour lesquelles il est poursuivi, il est fait état d’indus avantages, alors que ces derniers ont été prévus par la loi de finances et si les bénéficiaires en ont fait mauvais usage, Ouyahia peut être tenu responsable.

Le plus grave dans cette affaire, c’est que les faits remontent à 2009-2012-2015 et 2016. Ils tombent tous sous le coup de la prescription.» Il conteste les faits de corruption qui pèsent sur son mandant, en affirmant qu’aucun des «hommes d’affaires inculpés n’est poursuivi pour un tel délit», avant de clamer la relaxe.

La même demande est faite par Me Mourad Khader, avocat de Abdelmalek Sellal, ex-Premier ministre, qui déclare : «Jamais dans le monde autant de ministres et de Premiers ministres n’ont été mis en prison pour de supposés faits de corruption.

Ces responsables ne faisaient qu’exécuter le programme de l’ex-Président. Ils l’ont dit et leurs déclarations n’ont jamais été démenties à ce jour. En consultant tous les dossiers, on se rend compte que le juge confond souvent entre les actes de gestion des hauts responsables de l’Etat et ceux de l’ordonnateur.

Le Premier ministre est un coordinateur. Il n’a aucun lien avec les deniers publics. Pourquoi cet acharnement judiciaire et médiatique contre Sellal et les membres de sa famille à ce jour ? Lors de l’audition du 23 juin dernier, il n’a jamais été question de celle-ci.»

Pour l’avocat, «cette cabale judiciaire a été orchestrée par des clans qui sont aujourd’hui inculpés et incarcérés pour de vraies affaires d’ordre judiciaire. Sellal est un homme d’Etat et non pas de pouvoir. Le parquet n’a apporté aucune preuve sur les inculpations retenues contre lui.

Il a protégé l’économie nationale en encourageant le partenariat public-privé et le règlement à l’amiable des contentieux avec les sociétés étrangères, qui auraient pu opter pour l’arbitrage international et faire perdre à l’Algérie des sommes colossales en devises».

Me Khader s’insurge contre le fait que son mandant soit jugé pour «financement occulte de la campagne électorale», alors qu’il a été «condamné pour le même fait, dans un précédent procès», dit-il.

Composée de sept avocats, la défense du patron de l’ETRHB, Ali Haddad, a rejeté toutes les accusations et clamé son innocence en reprochant au parquet de ne pas avoir présenté de preuves pour justifier les 18 ans de prison ferme qu’il a requis.

«Avez-vous réglé les problèmes du pays en mettant en prison Ali Haddad et tous ces ministres qui représentent l’Etat algérien et ses institutions ? Est-il censé de transformer des décisions politiques en matières pénales ?»

«Sellal est un homme d’état pas de pouvoir»

La défense rejette toutes les requêtes de la partie civile qu’elle qualifie «d’insensées». «Comment peut -elle demander 78 milliards de dinars pour les marchés obtenus par l’ERTHB dans le cadre de la loi, 21 milliards de dinars pour les crédits obtenus auprès des banques alors qu’aucune d’elles n’a déposé plainte ? L’ETRHB a certes bénéficié de 124 marchés, mais il y a eu des centaines de milliers de marchés accordés dans les mêmes conditions à d’autres.»

La défense rejette le délit de financement occulte de parti politique et explique que dans la lettre de candidature de l’ex-Président au 5e mandat au mois d’avril 2019, Bouteflika s’est présenté en candidat libre. La loi interdit certes le financement des partis, ajoute la défense, mais pas d’un candidat.

«Le juge a monté son accusation sur la base de la relation qui lie Ali Haddad à Saïd Bouteflika, sans qu’il ne ramène ce dernier pour l’entendre. Lorsqu’il est arrivé à la chaîne de télévision Istimrariya, il n’a pas convoqué Saïd Bouteflika pour l’auditionner.

Aucun responsable n’a affirmé que Saïd Bouteflika a fait pression sur lui pour donner des marchés à Ali Haddad, parce qu’il le connaît. Le juge a construit ses accusations sur les 62 SMS et les 255 appels échangés entre Ali Haddad et Saïd Bouteflika.

Es-ce que Saïd est Pablo Escobar ? Pourquoi n’avoir pas confronté Haddad avec Said sur cette question de relation ? Qu’y a-t-il dans ces messages ? On ne sait pas. Par contre, on en retrouve un seul, le dernier où Haddad écrit à Saïd qu’il est bloqué à Oum Tboul. Est-ce une preuve pour l’incriminer ?»

Les avocats affirment que les avenants du marché de réalisation du stade de Tizi Ouzou ont été faits, parce qu’il y a eu des rajouts et des changements dans le projet afin qu’il soit aux normes de la FIFA.

«Il n’est donc pas responsable des surcoûts. Il n’a pas dilapidé les 7 milliards de dinars», lance la défense avant de réclamer la restitution des biens de Ali Haddad, saisis dans le cadre de l’affaire en accusant l’administrateur judiciaire d’avoir «causé en quelques mois, ce qui a été construit en 32 ans».

Les avocats de Boudjemaa Talai, ex-ministre des Travaux publics, clament l’innocence de ce dernier et affirment qu’il «n’a aucune responsabilité dans l’octroi d’avantages».

Ils se sont interrogés sur l’absence, tout au long de l’instruction et au procès, du secrétaire général du ministère des Travaux publics, alors qu’il est considéré comme étant «la boîte noire» de ce département pour avoir travaillé avec tous les ministres qui se sont succédé. «Talai n’est pas habilité à signer pour l’octroi des concessions portuaires.

Leur délivrance relève des prérogatives du secrétaire général et des directeurs des ports. Comment Talai a-t-il été mis en prison sans aucune preuve. Le projet de chemin de fer reliant Tiaret à Tissemsilt a été signé en 2010 alors qu’il n’était pas en poste.»

Pour sa part, la défense de Youcef Yousfi, ex-ministre de l’Industrie, a fait savoir que ce dernier est poursuivi pour les mêmes faits dans quatre affaires, alors qu’il a passé une grande partie de sa vie à servir l’Etat, en tant que diplomate, ministre de l’Energie puis de l’Industrie. «La mission d’un ministre est l’exécution de la politique générale du gouvernement.

On le poursuit parce qu’il n’a pas rendu visite au site d’un projet de montage de véhicules. Nous sommes devant la criminalisation de la gestion politique des ministres», explique la défense.

Sur les avantages accordés à la société Safem de montage de camions de Ali Haddad, la défense précise qu’ils ont été accordés en vertu de la loi de finances de 2014. «Lorsqu’il est venu à ce ministère, il a trouvé une situation d’anarchie héritée de son prédécesseur, Abdesselam Bouchouareb.

Il a entamé un assainissement», clame la défense. Les avocats d’Abderrahmane Ilèche, ex-directeur de la jeunesse et des sports de Tizi Ouzou, ont eux aussi plaidé la relaxe, arguant du fait qu’il n’y a aucune preuve sur la dilapidation des deniers publics, parce que, selon eux, les avenants ont été signés en raison des travaux ajoutés.

Les avocats de Mahdjoub Bedda, ex-ministre de l’Industrie, se sont attelés à démontrer qu’il y a eu confusion entre les avantages octroyés dans le cadre de l’Andi et ceux liés au CKD-SKD tout en s’interrogeant sur l’annulation du témoignage du directeur du développement industriel par intérim, alors qu’il est le signataire de la décision technique délivrée en 2018, après le départ de Bedda, à la société Safem de montage de camions d’Ali Haddad.

Sur les 1015 pages de l’ordonnance de renvoi et les 700 pages de l’expertise, il n’est cité que dans deux lignes. «Il est au box, parce qu’il a tenté de nettoyer son département, en mettant le pied dans une guêpière».

La défense de Abdelkader Kadi, ex-ministre des Travaux publics, plaide la relaxe et explique que ce dernier n’est resté à la tête de ce département qu’une année de 2014 à 2015. «Il ne peut être poursuivi pour un avenant d’un marché octroyé à l’ETRHB et réalisé quatre ans avant.

Il a tout fait pour éviter l’arbitrage international en allant vers un accord à l’amiable avec les sociétés étrangères.» Les dernières plaidoiries reprendront demain, avant que l’affaire ne soit mise en délibéré.


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