Encore des centaines de crânes algériens conservés au Muséum de Paris



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La collection macabre du musée de l’Homme à Paris contient certes des crânes de grands résistants au joug colonial, mais aussi ceux de voleurs, bandits (ou prétendus tels), caïds et hommes préhistoriques (très peu nombreux, cependant).

Combien de crânes de résistants algériens à l’occupation coloniale demeurent dans les sous-sols du Muséum de Paris ? Le fait est que, selon un recensement effectué en avril 2018, le nombre de crânes d’Algériens conservés dans ce musée s’élève à 536, provenant de toutes les régions d’Algérie, mais il est souvent difficile de savoir à qui ils appartenaient tant les restes mortuaires ont été mal conservés et les fiches d’identification tronquées. Souvent, l’état-civil officiel, l’origine, l’appartenance tribale et lieu du décès de ces hommes ne figurent pas dans les données du Muséum de Paris.

La collection macabre du musée de l’Homme àParis contient certes des crânes de grands résistants au joug colonial mais aussi ceux de voleurs, bandits (ou prétendus tels), caïds et hommes préhistoriques (très peu nombreux, cependant).

Une commission technique, composée d’experts algériens, a été mise en place pour procéder à l’identification des crânes. Il est à souligner, à ce propos, qu’aucun inventaire détaillé n’a jamais été établi de manière satisfaisante au Musée national d’histoire naturelle (MNHN) de Paris.

A cela s’ajoute le fait que des crânes ont disparu, tel celui d’Al Hassen Bouziane, qui fut décapité le mardi 27 novembre 1849, en même temps que son père, le cheikh Bouziane, chef de la révolte des Zaatcha, et Moussa Al Darkaoui, son compagnon. On raconte qu’un instant avant qu’on le fusille, un soldat l’ayant bousculé un peu rudement avec la crosse de son fusil, Al Hassan, le fils de Bouziane, dit : «Je suis le fils de Bouziane, on tue le fils de Bouziane, on ne le frappe pas.»

Dans son ouvrage Boubaghla le sultan à la mule grise, paru aux éditions Thala, Farid Belkadi, historien et anthropologue ayant découvert et révélé ce scandale, a tenté un premier recensement basé sur les informations fragmentaires contenues dans le musée. Il explique que «la chasse aux crânes» algériens débuta au milieu du XIXe siècle, lorsque Georges Cuvier, l’un des principaux naturalistes de cette époque, donna le coup d’envoi à la collecte de vestiges humains pour le Muséum, au nom de la science – ils ne seront finalement d’aucune utilité reconnue par les savants eux-mêmes.

Parmi les collectionneurs les plus zélés figure, notamment, Edmond Vital, directeur de l’hôpital de Constantine, qui affectionnait tout particulièrement les têtes coupées de prestigieux chefs de différentes insurrections algériennes. Lorsqu’il mourut à Constantine, à l’âge de 64 ans, en septembre 1874, il légua sa collection à son frère, René-Honorin Vital. Celui-ci fournit au Muséum de Paris les crânes des résistants algériens. Les correspondances montrent tout le mépris, le cynisme, voire le déni, de la nature humaine des «indigènes».

Par exemple, le Dr Reboud, qui s’affairait à clouer la caisse contenant les têtes de résistants algériens, avant leur envoi au Muséum de Paris, demanda à René-Honorin Vital s’il pouvait «enrichir l’envoi de quelques crânes intéressants»… Plus tard, Reboud dira à ce propos avoir réuni «une série de têtes de choix et d’une bonne conservation», provenant en grande partie du Coudiat-Aty, autrement dit le musée de Constantine, à ses débuts.

«Ce terme ‘‘têtes de choix’’ évoque l’assortiment d’un étal de boucherie», commente l’anthropologue Farid Belkadi. Il souligne que tous ces restes ont souffert d’un manque d’entretien patent, du fait de leur rétention antérieure dans des lieux inappropriés en Algérie, tel le cagibi du domicile de la famille Vidal à Constantine. «Mus par la haine de ces ‘‘gueux’’, selon les propos de René-Honorin Vital, le frère du collectionneur Auguste-Edmond Vital, ils avaient autre chose à faire que de s’intéresser à leurs ‘‘sujets’’. Ce terme ‘‘sujet’’ est employé par les spécialistes du MNHN pour désigner les restes mortuaires de leurs innombrables collections», précise Farid Belkadi dans son ouvrage.

D’autres éléments attestent des pratiques racistes de l’époque, à l’exemple de ces lettres qui accompagnaient les crânes dans lesquelles l’on peut lire : «Souvenir d’un voyage d’Afrique», ou dans une lettre adressée d’Alger au MNHN le 4 septembre 1850 : «Tête de Kabyle offerte par M. le Dr Lacronique, au nom des officiers de santé militaire d’Alger, à M. le professeur Roux». Dans la collection du MNHN, Farid Belkadi a dénombré une quarantaine de restes humains, appartenant à de grands noms de la résistance algérienne à la colonisation.

Certains de ces restes sont incomplets, il manque le maxillaire inférieur à la plupart des têtes. Il note ainsi la présence du crâne de Moril Cherfa, «marabout des montagnes du Djurdjura, Algérie, mort à Alger le 16 décembre 1843». La note de Guyon dit : «Moril Cherfa, Kabyle de 25 à 28 ans, des montagnes du Djurdjura, fait prisonnier comme il parcourait le pays pour exciter la population à la guerre.»

Il y trouve le crâne de Mohamed ben Siar, Kabyle de la tribu des Issers, mort prisonnier de guerre à l’hôpital du Dey, le 13 juin 1837. Mais aussi le crâne de Chaâmba Monadhi, Arabe d’El Goléa, département d’Alger, provenant de la collection de Frédéric Weisgerber, qui pillait des tombes isolées avant de faire parvenir leur contenu au Muséum, inscrivant la mention suivante à propos de Chaâmba : «Cette tombe est située auprès d’un ancien cimetière dont j’ai rapporté deux squelettes complets, un vieillard et une jeune femme, et un crâne de femme avec ses cheveux, une clavicule et un humérus, et dont je fais hommage à la Société. Ces squelettes me paraissent appartenir aux Chaâmbas.»

Farid Belkadi relève également la présence d’une tête d’une petite Algérienne, âgée de 7 ans, de même que celles de deux autres indigènes qui ont fait le voyage à Paris dans un baril usagé, où avaient été placés une tête de poule et le cadavre d’une tortue morte.

Il note, par ailleurs, la présence d’une tête anonyme d’un Algérien conservée par le mercure et la dessiccation solaire, don de M. Périer à la Société d’anthropologie de Paris, portant la mention suivante : «Voici maintenant une tête arabe, celle d’un jeune guerrier de la tribu des Hadjout, coupée aux environs d’Alger le 7 mars 1839. J’étais alors chirurgien du bureau arabe d’Alger et je dois dire comment cette tête vint en ma possession. Les Hadjout, tribu révoltée, faisaient des incursions jusque dans la Mitidja, et terrifiaient toute la contrée.

Nos gendarmes maures (cavalerie du bureau arabe) étaient sans cesse en campagne dans le but de surprendre ces redoutables maraudeurs, et quand il y avait des rencontres, malheur aux vaincus. Un jour, ils coupèrent trois têtes, qu’ils rapportèrent dans un sac. J’en demandai une au directeur des affaires arabes, le commandant Pélissier, et, voulant la conserver, je résolus de la dessécher en la momifiant.»

D’autres crânes conservent encore leur mystère, tels que cette tête d’une femme portant l’inscription : «Sorcière de Blida. Donnée par le Dr Caffe (1854), Algérie.»

Vendredi dernier, l’Etat algérien a rapatrié les restes mortuaires de 24 résistants algériens, dont six chefs à la résistance populaire contre l’occupation française. Il s’agit notamment de la tête momifiée de Aissa Al Hamadi, compagnon de Cherif Boubaghla, le crâne de Cherif Boubaghla, dit le borgne, celui de Bouziane, chef de la révolte de l’oasis des Zaâtchas, le crâne de Si Moussa, compagnon de Bouziane, celui de Cherif Boukdida, dit Bouamar Ben Kdida, le crâne de Mokhtar Ben Kouider Al Titraoui ainsi que 11 autres crânes de résistants algériens, dont le crâne de Saïd, un marabout décapité en 1841 à Bab Elloum, Alger-Centre, le crâne non identifié d’une personne décapitée en 1841, celui de Amar Bensliman, Alger-Centre, le crâne de Mohamed Ben El Hadj, âgé entre 17 et 18 ans, de la grande tribu de Beni Menacer, celui de Belkacem Ben Mohamed El Djenadi, le crâne de Ali Khelifa Ben Mohamed, 26 ans, décédé à Alger le 31 décembre 1838.

Le communiqué officiel mentionne le fait que neuf autres crânes de résistants n’ont pas pu être identifiés, à l’heure actuelle, par le comité scientifique qui poursuit, néanmoins, son travail en vue de leur identification. Il est à noter que le musée de l’Homme à Paris conserve approximativement 30 000 restes humains, dont des crânes originaires de plusieurs parties du monde, groupés par milliers, par nationalité, dans des armoires métalliques, dont les sûretés sont cryptées.


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