Des entreprises plongent et d’autres résistent à la pandémie

L’activité économique toujours au ralenti



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Quatre semaines sont passées depuis le lancement de la première phase de déconfinement, mais les activités économiques et commerciales tardent à redémarrer. La reprise est en effet timide dans de nombreux secteurs et les entreprises sont loin de fonctionner à pleines capacités avec des trésoreries mises à rude épreuve. La recrudescence du nombre des contaminations par le coronavirus au cours de cette dernière semaine ne fait que compliquer la situation pour une économie déjà à plat.

Alors que l’activité économique a fortement rebondi en Europe depuis fin mai dans plusieurs secteurs et que la Tunisie a rouvert ses frontières dans l’attente de ses touristes, en Algérie, tout semble rouler au ralenti, à l’image des transports dont la reprise est lente. La situation risque de perdurer au cours de ce troisième trimestre. Tout dépend de l’évolution de la pandémie. En attendant, l’heure est à l’adaptation aux mesures arrêtées par le gouvernement, à la réduction des dépenses et à l’évaluation des pertes enregistrées lors des trois premiers mois de confinement.

L’heure est également aux interrogations sur les plans à adopter pour l’après-Covid mais aussi pour ceux à appliquer au cas où la propagation du virus se poursuit de la même vitesse. C’est dire que les incertitudes et les inquiétudes subsistent que ce soit du côté des employés ou des employeurs. «Je travaille dans une entreprise chargée d’organiser les événements culturels et artistiques. Depuis mars, tout est à l’arrêt. Nous n’avons aucune visibilité alors que d’habitudes, l’été rime avec travail intense», nous confie Chanez, assistante commerciale.

Dans une autre entreprise également spécialisée dans l’événementiel, c’est également l’appréhension chez les employés qui alternant entre télétravail et travail au bureau. «Nous nous rendons à l’entreprise deux fois par semaine», nous dit Faïza. «La charge du travail a sensiblement baissé. C’est juste une manière de maintenir un certain rythme, sinon, il n’y pas grand-chose à faire. Les campagnes publicitaires de nos clients et les sorties médiatiques que nous leur organisons périodiquement pour annoncer de nouveaux produits, notamment comme c’est le cas dans TIC, l’industrie pharmaceutique ne sont plus à l’ordre du jour», poursuit notre interlocutrice pour qui l’avenir s’annonce incertain. La paralysie touche également l’hôtellerie avec des établissements fermés aux clients. Certes, certains ont repris depuis juin dernier (comme c’est le cas de l’hôtel Sheraton) mais juste pour tenir des réunions en interne et préparer une éventuelle reprise en attendant que le protocole sanitaire proposé soit validé ou remodelé. Ce qui engendrera sans nul des dépenses supplémentaires pour les entreprises dans le cadre justement de l’application des mesures sanitaires prévues.

Reprise, mais…

Dans d’autres secteurs, à l’image du bâtiment, l’activité qui était à l’arrêt semble reprendre. Les orientations du gouvernement pour l’accélération de la réalisation des logements de différentes formules ont un peu bousculé la relance dans ce secteur. Lequel a été lourdement impacté par la crise sanitaire. L’Association générale des entrepreneurs algériens (AGEA), dans le BTPH (bâtiment, travaux publics et hydraulique), a indiqué à ce sujet que plus de 80% des entreprises ont été à l’arrêt avec une perte de plus de 275 000 emplois.

D’ailleurs, la Caisse nationale des congés payés et du chômage-intempéries des secteurs du bâtiment, des travaux publics et de l’hydraulique (Cacobatph) a remboursé plus de 1000 entreprises dans le cadre des congés exceptionnels générés par la pandémie du coronavirus, pour un montant global de plus 2,74 milliards dinars. «Au total, 1049 entreprises publiques et privées des secteurs du bâtiment, des travaux publics et de l`hydraulique, ont été remboursées par la Cacobatph, au titre des congés exceptionnels au profit de 113 458 travailleurs, soit 2% du total des entreprises du BTPH affiliées à la caisse, et ce pour un montant global de 2,74 milliards de dinars», a indiqué le directeur général de la Cacobatph, Abdelmadjid Chekakri, cité par l’APS.

Enchaînement des difficultés et des pertes

Dans l’agroalimentaire, le problème de l’arrêt de l’activité ne se pose pas puisque les entreprises du secteur, notamment les minoteries et les laiteries continuent à rouler à plein régime. Mais là aussi, la réorganisation du travail et les mesures sanitaires ont poussé les dépenses vers le haut. Cependant, certaines filières traversent des difficultés. Les glaciers font partie de ceux qui risquent de payer lourdement la facture de cette crise. Et pour cause, le début de la saison des glaces a coïncidé avec le début du confinement et toutes les mesures qui s’en sont suivies. «Nous sommes vraiment dans une situation délicate. Habituellement, nous commençons à préparer la saison estivale dès le mois de mars. Mais la Covid-19 a tout chamboulé. Les mesures prises face à cette situation ont fait baisser drastiquement nos ventes puisque la demande n’a pas été au rendez-vous durant trois mois.

Le couvre-feu ne nous a pas aidés pour distribuer nos produits à travers le territoire national. Nos camions sortent chargés et reviennent parfois avec la même charge faut de temps pour livrer avant la fermeture des points de vente», regrette un glacier basé à Tizi Ouzou, avant de poursuivre : «La fermeture des plages, des complexes touristiques et l’arrêt des sorties familiales, surtout le soir, ont fortement impacté notre activité qui est en chute libre par rapport à celle de l’année dernière. Difficile de rattraper le coup en quelques semaines.» Pour cet industriel, la saison s’annonce ratée. Et ce d’autant, les mesures du gouvernement notamment à travers la prorogation du délai de souscription des déclarations annuelles de résultats et de revenus jusqu’au 30 juillet sont jugées insuffisantes face à la gravité de la situation. Pour bon nombre de chefs d’entreprise, en permettant le report des déclarations fiscales et parafiscale, l’Etat n’a pris en charge qu’une petite partie des difficultés.

Les allégements fiscaux ou parafiscaux, le soutien de trésorerie, les aides à la prise en charge des salaires et des charges n’ont pas suivi le dispositif mis en œuvre. Les petits commerçants et les artisans n’ont pas été épargné par le plongeon. C’est le cas à titre illustratif des boulangers puisque la consommation du pain a reculé de 30% depuis le début de la propagation de la Covid-19, selon le président de la Fédération nationale des boulangers (FNB), Youcef Calafat. La production a de son côté baissé, passant de 50 millions de baguettes/jour avant le début du confinement sanitaire, à 33 millions de baguettes/jour actuellement, soit une baisse de 30%. Ce taux s’est établi à 70% depuis mars jusqu’à fin Ramadhan, avant de rebondir récemment. La fermeture des restaurants privés et des cantines des sociétés, établissements publics, privés, écoles et des universités continue à impacter le niveau de la demande sur le pain, en dépit d’un retour à la normale de la demande chez les familles, selon la fédération.

Recettes en baisse et dépenses en hausse

Cette baisse a également marqué la demande en médicaments. Dans cette situation sanitaire inédite, les visites et les contrôles médicaux ont diminué de manière palpable même de la part des malades chroniques. La crainte d’être contaminé par le virus et l’interruption de l’activité chez les médecins installés en cabinet a engendré une chute de la consommation des médications. Ce qui a d’ailleurs eu comme conséquence, une réduction des recettes chez les industriels du secteur. Ce que nous dira Abdelouahed Kerrar, premier responsable de Biopharm. Ce groupe à l’instar des autres entreprises s’est retrouvée dans l’obligation de revoir toute son organisation en mettant en congé une partie des travailleurs tout en assurant la continuité de la production.

Ce qui n’a pas été sans impact notamment sur les dépenses revues à la hausse. «Nous avons ouvert un registre spécial dédié aux dépenses liées à la pandémie. Nous avons constaté justement une hausse dans ce volet alors que nos recettes ont baissé», nous dira à ce sujet Dr Kerrar. Et de relever par ailleurs le gel de tous les nouveaux projets.

«Nous sommes en phase de réalisation de quatre unités de production mais les travaux sont à l’arrêt et tout cela a un coup difficile à supporter. Heureusement que la filière de l’industrie pharmaceutique est en bonne santé. Ce qui nous permet de continuer à payer nos salariés», nous dira encore le PDG du groupe Biopharm. Et de plaider pour des mesures d’appui à l’exemple du non-paiement des cotisations patronales. «Il faut aussi permettre d’enregistrer de nouveaux produits.

Ce qui serait très intéressant. Actuellement, 650 médicaments sont en souffrance d’enregistrement», révélera-t-il, soulignant qu’une telle décision pourrait contribuer largement à la baisse de la facture des importations. De même qu’elle donnera un nouveau souffle aux entreprises du secteur. Il y a lieu aussi toujours selon Abdelaouhab Kerrar de lever l’interdiction de l’exportation de certains médicaments (décidée par le chef de l’Etat en mars dernier). «Il faut arrêter et préciser une liste à cet effet pour reprendre l’exportation», préconise notre interlocuteur, annonçant dans ce sillage que le ministère du Commerce a été sollicité à cet effet. «Nous mettons plusieurs années pour placer nos produits dans certains pays. Avec cette mesure, nous perdons des adhérents.»

Une situation que vivent plusieurs autres entreprises qui risquent de voir leur place acquise difficilement sur certains marchés sauter. Ces entreprises continuent toutefois à résister dans ce contexte incertain. A chacune son plan et son organisation en fonction de ses moyens, de sa taille et de sa place sur l’échiquier économique. Dans tous les cas, le cap est mis sur la continuité de l’activité. Surtout quand il s’agit de sécurités alimentaire et énergétique. Justement, l’agriculture fait partie de ces secteurs ou la cadence n’a pas baissé ces derniers. Cette cadence s’accélère d’ailleurs en cette campagne de moissons-battage entamée début juin.

Sonatrach revoit son plan

Dans l’énergie, c’est également la continuité en dépit de l’interruption du trafic aérien. Sonatrach a d’ailleurs revu toute son organisation pour le transport de son personnel vers les bases pétrolières et gazières. Elle a en parallèle révisé son plan d’investissement et réduit ses dépenses de 50%. «Nous avons différé certains projets, nous avons réétudié leur réalisation durant cette période, mais nous avons maintenu les projets d’exploration et de production qui sont importants pour nous», a expliqué la semaine dernière à ce sujet le PDG de Sonatrach, Toufik Hakkar. Il s’agit aussi pour toutes ces entités économiques de préserver l’emploi.

C’est l’un des défis à relever avec les moyens financiers disponibles puisque le gouvernement écarte pour l’heure toute solution d’endettement extérieur ou le recours à la planche à billets. Conjuguée à la baisse des cours du pétrole, cette crise sanitaire vient aggraver la situation du tissu économique et peser avec toutes ses menaces sur un marché du travail déjà fragilisé en 2019. La reprise s’annonce des plus difficiles.

Dossier réalisé par  Samira Imadalou


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