Les critères morphologiques et les performances de production sont les plus retenus dans l’élaboration des normes



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-Quels sont les principales normes permettant de définir telle ou telle race comme étant locale ou autochtone ?

Le concept de race au sein d’une espèce bien déterminée obéit à des critères spécifiques qui permettent de distinguer les individus de cette race. Ce concept a connu plusieurs évolutions tout au long de la domestication de diverses espèces animales. Il a été souvent le résultat d’une sélection d’individus correspondant le plus aux besoins de l’homme. Il est aussi essentiel de retenir l’effet de l’environnement propre à chaque race, avec des impacts et des mécanismes d’adaptation et d’évolution qui se sont installés au cours du temps. L’homme reste néanmoins le facteur essentiel, qui a conditionné le paysage génétique de plusieurs espèces animales, y compris le mouton. Ceci est rendu possible avec l’évolution des connaissances, notamment celles relatives à la biologie et à la reproduction animales. Ainsi, les races sont le résultat de la convergence de plusieurs facteurs qui peuvent être conditionnés par des critères objectifs, mais aussi par tous ceux relatifs à la sociologie et la culture de chaque communauté humaine. Pour le mouton, mais également pour toutes les espèces à intérêt économique, les critères morphologiques et les performances de production sont le plus retenus dans l’élaboration de normes. Pour ce qui est du statut local ou autochtone, il est lié à un territoire géographique, bien circonscrit et reconnu comme étant le berceau de la race qui a vu le développement historique des individus.

-Pourquoi les races les plus connues en Algérie telles que Ouled Djellal ne sont toujours pas classées comme étant autochtones  ?

Le mouton en Algérie occupe une place prépondérante dans le système des productions animales. Ceci est la conséquence d’une adaptation des races aux diverses conditions climatiques qu’a connues le pays étalées sur des millénaires. Le mouton est un des animaux qui peut, sans ambiguïté aucune, être associé à l’histoire même de l’Algérie. La dynamique de développement de l’espèce ovine connaît des aléas conjoncturels variés, mais elle reste celle qui épouse la dynamique de la démographie du pays. Ceci est en soi un indicateur que le mouton est une force économique malgré toutes les conjonctures que rencontre cette spéculation. Et justement, la race Ouled Djellal est le premier potentiel dont dispense l’Algérie et ceci en raison du nombre important d’individus de race et des performances de production réelles, associé à des caractéristiques organoleptiques fort appréciables. Cependant, il est à déplorer une carence de vision globale dans la prise en charge des différentes races, y compris la race Ouled Djellal.

Ces stratégies restent universelles et reposent sur une démarche commune, où l’éleveur représente la pierre angulaire, notamment en ce qui concerne les critères d’identification considérés comme traits caractéristiques d’une race. L’identification de la morphologie, des performances de production et les cycles biologiques, notamment de reproduction, sont les principaux indicateurs à prendre en considération pour la race Ouled Djellal, mais aussi pour toutes les autres races. Cette étape franchie, restera alors l’attribution de ces caractéristiques à un territoire spécifique pour être déclarée race locale ou autochtone.

Spécifiquement pour la race Ouled Djellal, mais probablement aussi pour les autres races, il est à signaler des différences morphologiques, mais avec des physiologies quasi similaires, ce qui pourrait porter à confusion dans l’élaboration du statut de race. D’ailleurs dans ce sens, les quelques résultats de recherche scientifique semblent indiquer que malgré des différences morphologiques, les races ovines algériennes partagent largement un même patrimoine génétique. Dans ce cas de figure, l’approche qui serait indiquée est celle de raisonner en termes de race avec des sous-types qui seraient liés à la morphologie de l’animal où à un territoire bien spécifique dans le pays.

-Quel est l’intérêt de la standardisation des races ovines  ?

La standardisation est un critère qui servira en premier lieu à l’éleveur, il est d’ailleurs comme signalé plus haut, l’acteur principal dans la démarche d’identification d’une race. Cette standardisation est le garant d’une production ciblée par les acteurs de la filière. Elle reste aussi un argument marketing pour le marché local et international comme un gage de qualité dans le contexte d’une concurrence de produits. De même, les critères d’une standardisation fonctionnent comme un tableau de bord pour le suivi d’une race dans ses différents volets, notamment sanitaire, performances de production, vulnérabilité aux risques de réduction des effectifs et d’extinction et risques de pollution génétique. Cette standardisation permet également une sélection génétique orientée avec des retombées pour la population globale, mais aussi pour les reproducteurs d’élite qui représentent à eux seuls un marché considérable. Enfin, toute standardisation de potentiel animal permet de l’associer au patrimoine d’un pays avec l’image de marque qui s’en suit.

-Du point de vue pratique (génétique), y a-t-il possibilité de récupérer ces races menacées (race berbère) ?

Souvent, si ce n’est pas toujours, les problématiques auxquelles nous sommes confrontés sont présentes dans d’autres régions du monde avec quelques différences mineures. Dans notre démarche, parfois, nous nous focalisons sur les résultats et nous occultons toute la démarche méthodologique qui en est le fer de lance. Aujourd’hui, il existe toute une panoplie d’approches stratégiques et d’outils techniques au service de plusieurs espèces animales, dont le mouton. L’analyse des races ovines algériennes fait ressortir l’existence de deux grandes catégories, une première est celle à grands effectifs, où la race Ouled Djellal occupe largement la première place, et une deuxième catégorie représentée par les races à faible effectif présentes dans différentes régions du pays. A ce jour, la science a apporté des preuves de réalisation jamais imaginées par l’homme, à l’image de ressusciter une espèce de chèvres éteinte en Espagne, même si les nouveaux-né n’ont pas survécu longtemps après leur naissance.

Raisonnablement, pour notre pays, deux approches complémentaires pourraient être mises en application avec cependant des différences de priorisation entre les races à fort et à faible effectif. Dans ce contexte, trois notions méritent d’être retenues : caractérisation, conservation et développement. Si la caractérisation est indiquée quel que soit le statut d’une race, la conservation sera la priorité des races à faible effectif et le développement celle des races à fort effectif. Comme l’alimentation et la reproduction sont les facteurs déterminants de la pérennité de toute espèce animale, agir concomitamment sur ces deux éléments est une grande réussite de toute action retenue. L’évaluation de la santé des pâturages et l’élaboration de rations alimentaires adéquates, notamment à base de matières premières des terroirs, sont à même d’assurer les conditions de durabilité des productions et d’extériorisation du potentiel génétique.

La reproduction, quant à elle, pourrait être abordée sous deux volets complémentaires, le premier volet étant la connaissance de la physiologie de reproduction pour une meilleure maîtrise des moments de mises-bas où l’éleveur n’aura plus à subir les aléas climatiques et les péripéties du marché. Le deuxième volet est l’usage des biotechnologies de la reproduction où la création de banques de sperme et l’insémination artificielle sont les actions prioritaires à privilégier, surtout que la logistique et le potentiel humain existe en Algérie.

Justement, pour l’insémination artificielle, l’utilisation du sperme frais sera le plus indiqué, avec la possibilité que l’éleveur puisse utiliser ces propres béliers, fruit parfois de plusieurs générations de sélection. Les biotechnologies embryonnaires pourraient elles aussi être mises à disposition de la filière ovine, même si elles sont plus indiquées pour la filière bovine, au service de la conservation et du développement du patrimoine génétique local.

 

 

Bio-expresse

Pr Mokrane Iguer-Ouada est enseignant chercheur à l’université Abderrahmane Mira Béjaïa, spécialiste dans le domaine de la reproduction animale en Algérie, notamment les possibilités de son développement en prenant compte de l’environnement dans lesquelles ces animaux évoluent. Certaines de ces recherches sont axées particulièrement sur l’étude de l’impact de l’environnement à travers l’alimentation sur les performances de reproduction chez les animaux. Il obtient son doctorat en sciences vétérinaires, en 2001, de l’université de Liège, en Belgique. Il a intégré l’université de Béjaïa depuis 2002. Son premier diplôme en médecine vétérinaire, il l’a obtenu 1993 à l’École nationale vétérinaire d’Alger.


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