Les avocats de Tahkout rejettent les faits et plaident la relaxe



...

Alors que l’ex-Premier ministre Ahmed Ouyahia est évacué de la prison d’El Harrach au CHU Mustapha, à Alger, et que Abdelmalek Sellal ne s’est pas présenté pour des raisons de santé, le procès de Mahieddine Tahkout s’est poursuivi hier, avec les plaidoiries de plus d’une vingtaine d’avocats de l’homme d’affaires et des membres de sa famille. Tous ont plaidé la relaxe de leurs mandants présentés tantôt comme victimes, tantôt comme «un règlement de comptes», tantôt une «lutte politique de clans au sommet de l’Etat» et tantôt de «leur réussite».

Plus d’une vingtaine d’avocats se sont relayés hier devant la barre du tribunal de Sidi M’hamed, à Alger, pour défendre l’homme d’affaires MahieddineTahkout, son fils et ses deux frères, jugés pour plusieurs chefs d’inculpation liés, entre autres, au «blanchiment d’argent», «indus avantages», «trafic d’influence», «incitation d’agents publics pour l’obtention d’indus avantages» et «fraude fiscale». Tous ont plaidé l’innocence de leurs mandants en rejetant les faits qui leur sont reprochés.

Dès l’ouverture de l’audience, Me Benkraouda, avocat de l’ex-Premier ministre Ahmed Ouyahia, prend la parole pour demander au procureur de l’aider à rendre visite à son mandant hospitalisé au pavillon carcéral de l’hôpital Mustapha Pacha à Alger. «Mon client n’est pas à la prison. Son état de santé s’est détérioré et on m’a informé qu’il a été transféré au CHU Mustapha. Je n’ai pas pu le voir. Je vous sollicite pour me faciliter la tâche», dit-il.

Il faut dire que les deux ex-Premiers ministres, Ahmed Ouyahia et Abdelmalek Sellal, sont absents de l’audience depuis mercredi dernier. Me Benkraouda poursuit sa plaidoirie en disant : «D’abord, ce procès est anticonstitutionnel. Il viole le principe de l’article 177 qui renvoie le Premier ministre devant la Haute Cour.

De plus, il viole la même loi en le poursuivant deux fois pour les mêmes faits. Le juge a utilisé les mêmes faits, la même argumentation et la même instruction (555), pour l’inculper et le renvoyer devant le tribunal pour les mêmes inculpations qui lui ont valu une condamnation confirmée par la cour».

Puis, c’est au tour de la défense de Hamid Tahkout, frère de l’homme d’affaires, propriétaire de l’Eurl Transport, de plaider la relaxe pour ce dernier, en précisant qu’il n’est pas le gérant de l’entreprise et qu’à ce titre «il n’a aucune responsabilité. Quel pouvoir peut-il avoir pour inciter les agents publics à lui octroyer d’indus avantages ? Il ne connaît aucun ‘‘employé de l’Etusa, de l’Onou ou des résidences universitaires.»

Les avocats se sont offusqués contre «le carnage dont la famille Tahkout a fait l’objet», évoquant les «lourdes violations» de la procédure, notamment en «ne respectant pas le principe de la faute personnelle» avant de se demander pourquoi le parquet a requis la confiscation des biens du prévenu, «alors que ces derniers sont le produit de ses années de labeur bien avant les faits».

Composée de 15 avocats, la défense de Mahieddine Tahkout a, durant des heures, tenté de démonter les griefs retenus contre l’homme présenté comme «le meilleur des industriels algériens», qui «n’a pas recouru aux banques publiques et qui a monté sa première usine de montage automobile avec ses fonds propres, participant ainsi à réduire la facture de l’importation qui avait atteint les 30 milliards de dollars».

«Nous n’avons jamais vu à travers le monde des ministres jugés pour la politique de l’Etat et des hommes d’affaires ainsi que des fonctionnaires mis en prison. Pourquoi ce pays dévore ses enfants ? M. le président, ne faites pas de la condamnation de ces personnes un simple exemple.

Ceux qui ont dilapidé les richesses de ce pays par la fraude et l’escroquerie ne sont pas dans le box. Sachez que Tahkout ne mérite pas les 16 ans de prison réclamés par le parquet. Il mérite d’être relaxé», déclarent les avocats du patron de Cima-Motors.

«L’instrumentalisation de la justice pour des règlements de comptes»

Pour eux, ce dossier rappelle ces affaires des cadres de l’Etat victimes de règlements de comptes et de jeux d’intérêts, en paraphrasant au passage la déclaration d’un ancien bâtonnier qui, interpellé par un passant qui cherchait le parlais de justice, lui a répondu : «Le palais est là, mais la justice je ne sais pas».

La défense présente la famille Tahkout tantôt comme «le bouc émissaire», tantôt comme «le mouton du sacrifice à la veille de la fête de l’Aïd El Adha». L’un des avocats se dit «très peiné» de la situation en disant que «l’une des raisons qui l’a poussé à quitter la justice, c’est justement cette instrumentalisation pour des règlements de comptes. Nous pensions que ces comportements relevaient du passée, mais…

Si nous voulons prononcer les décisions au nom du peuple algérien et même du hirak pour garantir l’équité et une indépendance de la justice, ces pratiques ne doivent plus continuer.

Donnez-nous les preuves sur les faits commis qui peuvent nous convaincre et convaincre le peuple algérien pour croire à une justice équitable.

Depuis quand le juge de première instance statue sur une enquête ouverte par le magistrat de la plus haute juridiction ? Des personnes morales sont poursuivies alors qu’elles n’ont jamais été entendues lors de ce procès. Nous sommes en train de détruire au lieu de construire».

Il revient au dossier du transport des étudiants en rappelant les circonstances dans lesquelles les contrats ont été obtenus, notamment après les mouvements de contestation estudiantins.

«Si demain les bus de Tahkout s’arrêtent, est-on capable de transporter 1,4 million d’étudiants par jour, ou allons-nous voir tous ces étudiants sortir brûler des pneus dans la rue ? L’intérêt de l’Etat et de la société est dans le transport des étudiants. Tahkout paie annuellement 13,84 milliards de dinars aux impôts.

Y a-t-il une société qui en paye autant ? Pourquoi veut-on détruire cette famille ?» lancent les avocats. Ils reviennent sur les concessions en disant qu’elles ont toutes été obtenues dans le cadre de la loi, et les redevances indues ont été payées intégralement.

Ils nient totalement le fait que l’homme d’affaires a remis personnellement son dossier de concession au port de Skikda pour la réalisation d’une usine de ciment au ministre des Transports Amar Ghoul, précisant qu’il a été remis au bureau d’ordre.

Pour ce qui est des avantages obtenus dans le cadre de l’industrie automobile, la défense revient sur la campagne de «dénigrement» contre son mandant, dont elle dit connaître les auteurs et qui, selon elle, «se sont constitués partie civile dans le procès et réclament des dommages».

Pour les avocats, Tahkout «est le seul à avoir créé de la richesse dans les régions des Hauts-Plateaux, alors que d’autres, comme par exemple l’usine Renault, ont bénéficié des mêmes avantages accordés par le CNI (Conseil national de l’investissement), de terrains agricoles déclassifiés, de crédits des banques publiques, et surtout d’une clause qui oblige l’Etat à leur racheter les véhicules non vendus.

Il est bien facile pour la partie civile de parler de la récupération des crânes de nos martyrs de la France, mais il serait mieux qu’elle défende la souveraineté de l’Etat, piétinée par le dossier Renault».

Pour sa part, la défense de Bilel Tahkout, fils de Mahieddine, quant à elle, se déclare «étonnée» du fait que le juge d’instruction «n’a pas prononcé le non-lieu pour le prévenu surtout que l’ordonnance de renvoi le cite uniquement» et regrette que le parquet requiert contre lui une  peine de 1 an de prison ferme.

«Comment peut-on le poursuivre pour blanchiment d’argent alors qu’il n’a même pas de maison et même pas une voiture alors que son père est un concessionnaire automobiles ? Comment se fait-il que le wali qui lui a accordé des avantages et celui qui les lui a enlevés bénéficient du non-lieu et lui, le jeune de 26 ans, se voit poursuivi et mis en prison parce qu’il porte le nom de Tahkout ?

On vous défie, M. le président, de trouver une seule preuve sur un éventuel dividende qu’il aurait pu prendre durant les trois mois où il détenait 40% de Cima Motors qu’il a cédés à son père», déclare la défense avant de réclamer la relaxe. Le juge lève l’audience subitement pour, nous dit-on, «faire stériliser la salle».

Des rumeurs sur des cas de contamination à la Covid-19 inquiètent les présents, mais aussi les services de sécurité. Plus d’une heure après, l’audience reprend, mais avec obligation de port du masque pour l’assistance. D’emblée, les avocats de Rachid Tahkout, deuxième frère de Mahieddine, s’attaquent à l’inculpation de blanchiment d’argent qui pèse sur le prévenu et «que le juge n’a pas su argumenter et n’a pu prouver». Selon eux, ce dernier «a fait fausse route.

Pourquoi serait-il comptable des revenus de l’entreprise alors qu’il n’est pas gérant mais un simple actionnaire ? Nous ne voulons pas nous engager sur le terrain commercial, administratif et du code des marchés, mais il faut savoir que plus d’une dizaine de commissions ministérielles ont conclu que la société n’a violé aucune loi ou procédure.

Nous sommes devant des inculpations fictives. Les impôts dont s’acquittent les Tahkout sont le prix de la réussite. Rachid Tahkout est un investisseur qui a mis son argent, au moment où d’autres fuyaient vers l’étranger, au service de son pays. Il n’a rien fait. Il mérite la relaxe».

La même demande est faite par la défense de Nacer Tahkout, après avoir expliqué durant près d’une heure comment le prévenu «s’est désisté de ses actions en faveur deMahieddine» en raison de «sa lourde maladie  après 47 ans de dur labeur.

Pourquoi se retrouve-t-il dans ce dossier ? Qu’a-t-il fait ? Pourquoi demander la confiscation de ses biens alors qu’il les a eu des années avant, sous l’ère des présidents Boumediene, Chadli et Zeroual. Est-il normal d’appliquer la loi avec effet rétroactif ? C’est insensé. La loi ne prévoit pas cela». Les plaidoiries se sont poursuivies tard dans la soirée avant que l’affaire ne soit mise en délibéré.


Lire la suite sur El Watan.

Publier des annonces gratuites

Petites annonces Babalweb Annonces

Publier une annonce gratuite

Autres sites

Sciencedz.net : le site des sciences
Le site des sciences en Algérie


Vous cherchez un emploi? Essayer la recherche d'emploi en Algérie
Babalweb Annonces Babalweb Annonces
Petites annonces gratuites