Lyes Merabet. Président du SNPSP

«Il faudra sensibiliser les citoyens»



...

– Plusieurs actes de violence ciblant le personnel soignant sont signalés ces derniers jours. Les services Covid sont particulièrement touchés. Comment expliquez-vous la recrudescence de ces actes ?

Je parlerai plus exactement de résurgence d’un phénomène qui aura connu une période d’accalmie relative et temporaire au début de l’épidémie, du fait de la peur de la maladie conjuguée à l’impact du confinement qui a réduit significativement le flux des malades dans les structures de santé, y compris aux urgences.

En fait, les actes de violence contre les professionnels de la santé n’ont jamais cessé et il serait maladroit, à mon humble avis, de considérer que c’est un problème lié à la Covid-19. Le Syndicat national des praticiens de la santé publique (SNSPS) avec d’autres organisations représentatives des travailleurs du secteur posent cette problématique de manière récurrente depuis une dizaine d’années, mais sans succès.

Ces dernières semaines, nous relevons, à la faveur de l’évolution défavorable des indicateurs de santé de l’épidémie de Covid-19, une augmentation quotidienne des cas. Les structures de santé (de proximité ou hospitalières) sont déjà dépassées par un flux continu de patients.

A cela s’ajoutent les autres activités que le secteur doit assurer ou dispenser aux citoyens. Cette situation crée des tensions multiples sur le personnel soignant, sur les moyens de protection, de diagnostic et de prise en charge, qui sont limités.

– Justement, l’absence de moyens est-elle une explication satisfaisante ?

C’est en effet un axe essentiel, mais il y a d’autres explications. La question doit être posée sur un plan psychosociologique, sociétal pour comprendre les raisons d’un tel comportement.

La situation sociale, le chômage, le problème de la couverture des frais inhérents aux soins, les difficultés d’accès aux soins et la qualité des prestations offertes sont autant d’éléments qui peuvent structurer notre compréhension de cette question très complexe.

– La problématique de la violence dans les établissements de santé (médecins agressés, infirmiers et agents de sécurité malmenés, équipements saccagés) se pose, comme vous l’assurez, depuis longtemps dans le secteur. Pourquoi les mesures proposées par votre syndicat et d’autres organisations n’ont pas pu être mises en place ?

Tout simplement parce que les responsables qui étaient censés le faire n’ont jamais tenu leurs engagements. Parce que le politique n’a jamais retenu dans ses priorités le secteur de la santé publique, parce que certaines mesures nécessaires au traitement de ce phénomène relèvent d’un investissement financier conséquent alors que l’orientation stratégique va dans le sens de favoriser davantage la privatisation, parce que les Assemblées élues au niveau local ne semblent en aucun cas préoccupées par cette situation et, enfin, du fait de la désolidarisation aussi de ces mêmes personnels soignants (tous secteurs et corps confondus) lorsqu’il s’agissait de dénoncer la violence à travers des journées de protestation.

– Un comité interministériel devait être mis en place pour s’occuper de cette problématique, mais le projet n’a pas été concrétisé. La volonté a-t-elle manqué aux décideurs ?

Effectivement, des «comités ad hoc», il y en avait après chaque mouvement de protestation, mais l’objectif était plus pour apaiser le climat social que pour générer des solutions pérennes à un phénomène qui continue à faire des victimes quotidiennement.

– Justement, quelles sont les mesures urgentes que vous proposez pour endiguer ce phénomène ?

En amont et dans l’urgence, nous proposons la sécurisation formelle du personnel à travers une présence physique des éléments des services de sécurité sur les lieux de travail (pavillons des urgences, hôpitaux, maternités, etc.) et un renforcement conséquent en agents d’accueil et d’orientation formés.

Nous proposons également la mise en place d’un cadre réglementaire et un financement pour permettre aux structures de santé de signer des conventions avec les services privés de gardiennage et de sécurité du personnel, la mise en place urgente de moyens de vidéosurveillance dans les points sensibles (suscités), une loi qui criminalise clairement tout acte d’agression contre un professionnel de santé lors de l’exercice de ses fonctions sur le lieu du travail et sur le trajet qui relie le lieu de travail au domicile du professionnel.

Enfin, un travail de pédagogie est aussi nécessaire pour sensibiliser et mobiliser les citoyens sur la gravité de tels comportement et leurs répercussions sur le moral des professionnels des soins qui sont déjà pénalisés par des conditions socioprofessionnelles défavorables.


Lire la suite sur El Watan.