6e mois en prison pour Drareni et 6e sit-in de solidarité

«Il faut continuer à militer pour affronter cette répression»



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Khaled Drareni boucle son sixième mois de détention aujourd’hui, et hier, c’était le 6e sit-in de solidarité avec le journaliste incarcéré et l’ensemble des détenus d’opinion à la maison de la presse Tahar Djaout.

Le rassemblement hebdomadaire a désormais ses piliers et ses habitués : journalistes, militants, citoyens, activistes, hirakistes, artistes, étudiants… Sans oublier les avocats. Hier, il y avait Mes Aouicha Bekhti, Zoubida Assoul et Abdelghani Badi.

Les trois ont pris part à cette éclatante action de contestation, qui s’est tenue dimanche à la cour d’Alger, pour dénoncer les nombreuses atteintes aux droits de la défense, comme cela s’est produit jeudi dernier avec Me Sellini, et exiger un procès équitable pour tous les prévenus.

Les avocats ont toujours été présents à ces sit-in de soutien à Khaled et aux prisonniers politiques, mais hier, cette présence se parait d’une connotation particulière.

On ne pouvait s’empêcher d’y voir, en effet, une jonction physique et symbolique entre le combat des journalistes et celui des avocats. Le combat pour une presse libre et la lutte pour une justice affranchie de toute tutelle…

Comme à chaque rassemblement, les manifestants ont brandi les portraits de Drareni ainsi que ceux de nombreux autres détenus : Abdallah Benaoum, Abdelkrim Zeghilèche, Noureddine Khimoud, Zakariya Boussaha, Issam Sayeh, Khalil Khayi, Abdelkader Djaballah…

On pouvait apercevoir également des affiches à l’effigie de notre confrère Mustapha Bendjama, rédacteur en chef du journal annabi Le Provincial, qui subit un véritable acharnement judiciaire. On voyait hissées aussi quelques pancartes aux messages caustiques.

Sur l’une d’elles, brandie par une étudiante, ces mots pleins de bons sens : «Journalisme, poésie, mèmes, militantisme, ne sont pas des crimes mais des droits garantis par la loi». Les manifestants, aiguillonnés comme chaque lundi par le groupe d’étudiants exaltés, ont répété pendant une heure des slogans rageurs aux cris de : «Sahafa horra, adala moustaquilla !» (Presse libre, justice indépendante) ; «Libérez les otages», «Khaled Drareni sahafi horr !» (Khaled Drareni est un journaliste libre), «Khaled sahafi, machi khabardji !» (Khaled est un journaliste, pas un informateur)…

Petite nouveauté au sit-in d’hier : El Kadi Ihsane, figure de proue du comité de soutien à Khaled Drareni, a annoncé qu’à partir de ce sixième rassemblement, il y aura des temps de parole. Un mégaphone a été préparé à cet effet. Et c’est à Saâd Bouokba, l’ex-trublion d’El Khabar, 50 ans de métier au compteur, qu’est revenu l’honneur d’inaugurer cette nouvelle «rubrique».

Saisissant le mégaphone, il déclare : «Mon fils, Khaled Drareni, oui, je l’appelle mon fils, il a hérité des mêmes charges pour lesquelles j’ai été jugé il y a 28 ans. J’ai une relation particulière avec Khaled, puisque mon épouse a été sa prof au Sacré-Cœur, et il a étudié avec mes enfants. C’est un garçon droit, et je souhaite que tous les jeunes Algériens soient comme lui. Il est honteux de la part des autorités d’emprisonner quelqu’un comme Khaled !»

Prenant le relais, Me Zoubida Assoul a commencé par donner des nouvelles de notre confrère. «Il ne fait que maigrir, et c’est quelque chose de tout à fait naturel sachant que cela fait six mois qu’il est en détention», dit-elle. L’avocate insiste sur le fait que psychologiquement, «Khaled affiche un bon moral parce qu’il sait qu’il est innocent».

«Toutes les fois où on va le voir, confie-t-elle, on se dit qu’on va lui remonter le moral, mais on constate à chaque fois qu’il a un moral d’acier.» Me Assoul poursuit : «Toujours est-il que pour quelqu’un qui se trouve en détention, ce n’est pas facile. Demain (aujourd’hui, mardi 29 septembre, ndlr), cela fera six mois qu’il est en prison. Ce qu’on souhaite, c’est que cette mobilisation continue pour qu’on puisse faire pression sur les autorités.

Celles-ci affirment qu’il y a une liberté de la presse et qu’elles œuvrent pour la libération de la presse. Si elle est vraiment sincère, cette intention doit se traduire par des faits sur le terrain. La place de Khaled Drareni n’est pas en prison. Les autorités peuvent avoir recours aux voies juridiques et le libérer à l’occasion du 1er novembre.»

L’avocate a indiqué que le collectif de défense va faire une demande de remise en liberté, qui pourrait être accordée au bout du 45e jour depuis le prononcé du verdict (rendu le 15 septembre), en attendant l’issue du pourvoi en cassation. «Et on va renouveler cette demande tous les 45 jours», a-t-elle assuré.

Me Assoul note avec effroi la multiplication des poursuites contre les militants et les activistes, avec, à la clé, des verdicts sévères, en citant le cas de l’ex-député Khaled Tazaghart, qui vient d’être condamné à un an de prison ferme par le tribunal d’Akbou, et Brahim Laâlami, condamné à Bordj Bou Arréridj à 18 mois ferme.

Pour Zoubida Assoul, «la liberté de la presse, la liberté d’opinion et toutes les libertés sont l’affaire de tout le monde. Chaque citoyen doit se sentir concerné chaque fois qu’une personne est jetée en prison pour avoir exprimé son opinion, et chaque fois qu’un journaliste est jeté en prison pour avoir exercé son métier en toute liberté».

Et de conclure son intervention par cet appel du cœur : «Nous devons tous comme citoyens nous sentir concernés et continuer à militer pour affronter cette répression.» 


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