Nacer Djabi. Sociologue

«Dans son fonctionnement, le régime ne reconnaît pas les partis politiques»



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Dans cet entretien, le sociologue Nacer Djabi revient sur la situation des partis politiques dans le pays. D’après lui, le régime, dans son fonctionnement, ne reconnaît pas les partis politiques. Un fonctionnement qui fait que les Algériens ne s’y intéressent pas. Pour M. Djabi, la «société civile» à laquelle le régime accorde de l’importance, notamment dans le projet de révision constitutionnelle, au point de l’«impliquer» dans la gestion des affaires publiques, est «l’ennemi de l’exercice politique».

– Quel constat faites-vous de l’état de la classe politique, de l’opposition bien sûr, aujourd’hui, au vu des récents développements ?

Il y a des partis politiques, mais l’exercice politique n’est pas reconnu. Ils le sont sur le plan des textes et de la Constitution, mais concrètement ce n’est pas le cas. Et pour preuve, même en voulant changer la Constitution, le régime a incorporé l’article 103 qui évoque une majorité parlementaire et une majorité présidentielle.

Donc, c’est toujours le Président qui va décider du nom du chef du gouvernement et de sa composition. Où en sont les partis politiques et les élections ? Finalement, la compétitivité des élections n’est pas reconnue. On a l’impression que le régime ne peut pas imaginer le fait qu’une opposition puisse exister.

Donc, il est en train de refaire la carte politique partisane, en mettant en avant l’histoire de la société civile, de rappeler les personnes qui étaient plus en moins écartées et de renouveler les façades des anciens partis qui lui sont acquis, en donnant plus de chances aux éléments de la deuxième rangée, ceux de la première étant en prison. Le nœud du problème c’est que le système dans son fonctionnement ne reconnaît pas le parti politique, ne reconnaît pas les élections comme moyen de régler les conflits politiques.

Ce qui veut dire finalement que la classe politique ne va pas se renouveler, que le parti restera fragile et isolé par rapport à la population. Ceci, parce que quand les Algériens constatent que le parti n’arrive pas au pouvoir, ne compose pas un gouvernement, ne met pas en application son programme, beaucoup diront à quoi bon entrer dans un parti.

– Donc, pour vous, il n’est pas possible d’arriver à un renouvellement de la classe politique ?

Ce n’est pas possible avec le fonctionnement actuel. Pour renouveler la classe politique, il faut des élections crédibles, des partis politiques autonomes et qui arrivent au pouvoir. Il faut qu’il y ait une alternance.

Comment renouveler la classe politique alors que depuis 1962 ce sont les mêmes partis qui gouvernent l’Algérie, et ce, après une dizaine d’élections et dix présidents de la République ? La classe politique dirigeante est restée la même. Donc, on ne peut pas renouveler, ni d’ailleurs faire intéresser les Algériens à la chose politique.

Les Algériens diront pourquoi soutenir un parti, ou l’intégrer, si lorsqu’il arrive au Parlement et prend la majorité, il ne dirigera pas le gouvernement. Au moment où des ministres, qui n’ont rien à voir avec les partis politiques, créent après leurs prises de fonctions, ou alors après les avoir quittées, des partis.

C’est un jeu politique biaisé qui n’intéresse qu’une petite partie de la société laquelle, dans la réalité, est motivée par le gain financier. Ce n’est pas avec cette méthode qu’on va réhabiliter la chose politique. Donc, globalement, ceux qui vont vers la politique, ce sont ceux qui s’intéressent uniquement aux intérêts et non aux problèmes du citoyen.

– Dans le projet de la révision constitutionnelle, les promoteurs du texte ont mis l’accent sur l’implication de la société civile dans la gestion des affaires publiques. N’y a-t-il pas une volonté de marginaliser davantage les partis politiques ?

Bien sûr. Ceux qui se revendiquent de la société civile sont, si j’ose le terme, la base du système qui se renouvelle chaque deux ou trois ans. Ce sont les mêmes personnes qui soutiennent le régime. Elles n’ont pas de couleur politique. Chaque six mois, elles changent de bord.

Elles sont malléables et soutiennent le plus fort du moment. Ces associations sont connues. Souvent, elles sont même dépourvues de siège, de programme.

Ces associations, celles sur lesquelles compte le régime, sont celles qui changent de programme chaque six mois. A chaque fois, elles ont un centre d’intérêt différent, l’élection quand il y a un rendez-vous, sinon c’est autre chose. Elles ne font pas un travail pour la société mais pour celui qui gouverne.

Elles expriment leur allégeance à ce dernier, et celui-ci sait leur offrir un certain nombre de privilèges, sachant qu’avec la situation économique du pays, ces privilèges ne peuvent pas s’élargir au-delà d’un certain seuil.

Ce mouvement associatif est un ennemi de l’exercice politique et il sera utilisé contre celui-ci et contre l’amélioration du fonctionnement du système politique. Ceci, parce qu’il va brouiller la vie politique.


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