La sécurité routière, parent pauvre des décrets 20-226 et 20-227 sur l’activité des constructeurs et concessionnaires automobiles



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Par maître Mohamed Bouzidi, avocat
INTRODUCTION :
Les accidents de  la circulation dus aux véhicules automobiles ont pour origine leur conception et leur entretien. La conception est en rapport avec la construction ayant lieu dans l’usine de fabrication ou de montage. Elle concerne les véhicules neufs pouvant présenter des défauts dus à la puissance (vitesse de conception supérieure à la vitesse autorisée), à la visibilité (de nuit et de jour en cas de brouillard) à la carrosserie (l’avant de la voiture ne protégeant pas les piétons et les cyclistes), à l’habitacle (ne protégeant pas les occupants), aux équipements de sécurité (n’empêchant pas l’éjection).
«Si toutes les voitures étaient conçues de manière à protéger autant que les meilleures voitures de la même catégorie, la moitié des décès et des traumatismes pourraient être évités.»  (Rapport  mondial de l’OMS sur la prévention des traumatismes dus aux accidents de la circulation - OMS - 2004 -  P.129).
Le véhicule qui «tue» dans une proportion de 32% en France (Droit des assurances -  Y. Lambert Faivre -2005 - p. 545) est forcément supérieur à 32% en Algérie, le parc automobile algérien étant plus âgé et plus accidentogène que son équivalent français.
L’enjeu de sécurité routière est énorme dans le choix du véhicule à importer, fabriquer ou  monter localement. Il a toute sa place dans le débat. Il est en Algérie dominé par des considérations d’ordre commercial, économique et politique : «Si nous allons la vendre à un prix inférieur, les gens vont croire qu’elle (la renault Symbol) est de mauvaise qualité», a estimé  M. B. Sonilhac, P-DG de Renault Algérie (El Watan du 26.09.2013).
 Les experts algériens contestent ce choix. «On a politisé à outrance la relation d’affaire État-Renault au lieu de la solliciter sur des bases techniques et commerciales» (R. Amrani - El Watan - Economie du 15 au 21.10.2012). «Dans le choix de Renault, les règles de la concurrence  édictées par le code des marchés publics ont été ignorées. La procédure qui préserve les intérêts du pays aurait dû être un appel d’offres ouvert à la concurrence entre les constructeurs  (A. Iddir - Le Quotidien d’Oran du  26.09.2013).
Ainsi, les exigences de sécurité routière sont carrément occultées. Le principal objectif de la législation automobile est de garantir que les véhicules mis sur le marché présentent un degré élevé de sécurité. Aussi fondés soient-ils, les arguments commerciaux, financiers et de tout autre nature ne sauraient prévaloir sur le risque de mourir ou d’être handicapé à vie.
Les conditions strictes de sécurité routière sont-elles réunies dans l’importation et l’assemblage local des véhicules neufs ? Les nombreuses réclamations d’acquéreurs adressées aux associations de protection du consommateur confirment les appréhensions (El Watan du 25.2.2014 – le Quotidien d’Oran du 1-4.2015).
Quant à la Renault Symbol, il suffit de rappeler qu’elle n’est pas commercialisée en Europe pour semer le doute.
La vigilance était de mise : ne pas accepter l’importation des véhicules ou d’éléments de véhicules ou l’assemblage compromettant gravement la vie et l’intégrité corporelle de nos usagers de la route. C’est le rôle d’un État soucieux de la sécurité de ses citoyens. Les décideurs politiques algériens ont,  au contraire,  aggravé l’insécurité par des textes de lois anti-sécurité routière.
• Le tout premier d’entre eux passe inaperçu : il a pourtant un impact défavorable sur la qualité du contrôle du véhicule neuf : c’est le décret 99-132 du 29.06.1999 (Jora n°43 du 04.07.1999) qui a abrogé les missions d’homologation des véhicules et de réception technique confiées à l’Enacta puis supprimées. Elles seront confiées en 2015 à l’ingénieur des mines et conservées en 2020 (voir supra III).
• Le décret exécutif 15-58 du 08.02.2015 fixant les conditions et modalités d’exercice de l’activité de concessionnaires de véhicules neufs.
• L’arrêté du 23.03.2015 fixant le cahier des charges des concessionnaires.
• Le décret exécutif 17-344 du 28.11.2017 fixant les conditions et modalités d’exercice de l’activité des constructeurs.
• Le décret exécutif 18-05 du 15.01.2018 fixant l’organisation du contrôle de conformité du véhicule.
Ces textes de lois signés par  des décideurs politiques ont offert aux constructeurs et concessionnaires des cadeaux inespérés. Qu’en est-il de ceux qui viennent d’être promulgués ?
Le décret 20-226 du 19.08.2020 a abrogé le décret 17-344 relatif aux constructeurs…………………….. I
Le décret 20-227 du 19.08.2020 a abrogé le décret 15-58 relatif aux concessionnaires…………… II
Le décret 18-05 du 15.01.2018 relatif au contrôle de conformité n’a pas été abrogé……………. III
C’est sous le strict angle prioritaire de la sécurité routière que les trois décrets seront « interrogés » pour savoir s’ils ont vraiment atteint un degré satisfaisant de sécurité automobile.
I. Décret 20-226 (constructeurs) :
Des trois décrets, il est celui qui enregistre le plus de mesures allant dans le sens de la sécurité routière : 
➢ Huit d’entre elles sont favorables…….. A
➢ Une est défavorable ……….B
A. Mesures favorables :
• Quatre d’entre elles existaient dans le décret abrogé 17.344….1
• Quatre autres sont nouvelles…… ……2
1. Mesures confirmées :
• Le rappel des véhicules : 
Il est tant redouté des constructeurs. On ne joue pas avec la sécurité routière.  Même contrôlé, même immatriculé,  même vendu, tout véhicule ou composant de véhicule risquant de compromettre gravement la sécurité des usagers de la route  doit être retiré immédiatement de la circulation.
 Nissan, constructeur japonais, a rappelé plus de 4 millions de véhicules à cause du risque de désactivation des airbags. Dans les véhicules affectés, le logiciel d’activation peut incorrectement juger que le siège passager est vide alors qu’il est occupé par un adulte. Si le logiciel ne détecte pas la présence de celui-ci, l’airbag risque de ne pas se déployer en cas d’accident.
Le constructeur américain General Motors a fait l’objet d’une triple enquête pour défaut de clé de contact lié à une trentaine  d’accidents ayant causé 12 morts (El Watan du 8.4.2014).
L’autre constructeur japonais Honda a rappelé 24,5 millions véhicules dans le monde à cause des airbags défectueux, responsables de la mort d’au moins 8 personnes. 
Toyota a fait revenir 12 millions de voitures (El Watan du 13.7.2015).  
Parmi tous ces véhicules défectueux, ceux achetés par des Algériens ont-ils été réellement rappelés ? Leurs propriétaires voudront bien témoigner.
Le constructeur et le concessionnaire sont concernés par cette mesure. Au titre de la garantie, le concessionnaire la prend en charge (article 4 avant-dernier alinéa du cahier des charges du concessionnaire 2020).
Au titre d’engagement, le constructeur est tenu de lancer des campagnes de rappel. En Europe, l’obligation de rappel pèse  indistinctement   sur les deux, le concessionnaire étant assimilé au constructeur.
• La disponibilité des pièces de rechange :
La condition  que les pièces de rechange doivent être d’origine ou de qualité équivalente n’est exigée qu’en cas de cessation  d’activité. Est-ce à dire que pendant l’activité, le constructeur peut s’approvisionner  de pièces de rechange même si elles ne sont pas d’origine ? Pour lutter efficacement contre la contrefaçon, il est important que les pièces d’origine soient largement disponibles sur le marché. Leur rareté encourage la contrefaçon, encore plus leur indisponibilité.
• Le respect des dispositifs de sécurité :
Les normes de sécurité que les constructeurs doivent respecter pour produire des véhicules sont  prévues par l’article 23 du cahier des charges  des concessionnaires annexé au décret 20-226. Ce décret aurait dû figurer dans le préambule du décret 20-227.
• Le respect du cahier des charges et la soumission au contrôle :
L’article 23 du nouveau cahier des charges insiste sur le contrôle  pouvant être effectué  par le ministère de l’Industrie. Sur les 24 articles qui composent le cahier des charges, seuls les articles 7.8.12.13.14.15 intéressent  la sécurité routière. Il est à  espérer que le ministère ne limite pas son contrôle au seul domaine administratif visé par les autres articles et qui n’ont rien de technique contrairement  à l’intitulé du chapitre 1er.
2. Mesures nouvelles :
• Pour obtenir l’autorisation provisoire, le postulant à la construction automobile doit fournir la liste  des principaux composants, pièces et parties à importer et la liste des principaux composants, pièces et parties à fabriquer localement. Cette disposition vise à mettre fin au scandale de l’importation de la plupart des composants dont ceux de Renault Symbol prétendus être fabriqués en Algérie et n’étant soumis à aucun contrôle de sécurité  (décret 20-226, article 5, alinéa 12).
• Pour obtenir la décision d’évaluation technique, le demandeur doit fournir la liste des composants de véhicules produits localement (décret 20-226, article 12, alinéa 6). La présentation d’une liste ne suffit pas. Encore faut-il assurer un contrôle  technique efficace sur les composants, pièces et parties importés ou fabriqués localement. Les articles 7 et 8 du  cahier des charges 2020 prévoient l’obligation de normes (article 7) et de dispositifs (article 8) de sécurité pour le véhicule dans son entier. «Véhicules à produire» mais pas les composants ou pièces. 
• L’investisseur ne peut importer que les composants, pièces et parties non encore fabriqués en Algérie et fabriqués auprès du constructeur ou ses fournisseurs habituels homologués  (article 22, cahier des charges 20-226).
• Concernant l’extension de l’étendue de la garantie, l’ancien cahier des charges de 2017 (article 13) se contentait de garantir le «véhicule produit» dans son ensemble. Le nouveau cahier des charges de 2020 (article 12) étend la garantie à tous les «produits issus des activités  prévues  par le décret 20-226 contre les défauts de construction et les vices apparents et/ou cachés. De même, l’article 13 du cahier des charges 2020 étend la garantie aux «pièces de première  monte» (montées avant la livraison du véhicule).
B. Mesure défavorable :
1) Absence ou insuffisance de sanctions de constructeurs :
•  L’ancien cahier des charges 2017 prévoyait à l’article 20 des sanctions encourues  par le constructeur en cas de manquement aux dispositions du décret 17-344 et du cahier des charges. Le nouveau cahier des charges de 2020 (article 23 alinéa 2) circonscrit  l’inobservation des obligations des constructeurs aux seules dispositions du cahier des charges. Le décret 20-226 prévoit en son article 5 alinéa 2 l’obligation faite au postulant de communiquer la liste des principaux composants  à importer et celle à fabriquer localement. L’inobservation de cette disposition peut se produire après obtention de l’autorisation provisoire, voire après obtention de l’agrément définitif. Quelle  serait alors la sanction ?  Et le texte applicable ?
• L’ancien cahier des charges 2017 prévoyait des sanctions à «tout manquement» (article 20). Le nouveau cahier des charges (article 24) limite la panoplie des sanctions à un seul cas : «les détournements de l’avantage consenti». Il peut y en avoir d’autres plus graves en lien avec la sécurité routière, tels le non-rappel de véhicules mettant en danger de mort les usagers de la route, l’indisponibilité  des pièces de rechange d’origine, etc.
• Le nouveau cahier des charges 2020 prévoit une seule sanction en cas d’inobservation de l’exclusion du bénéfice du dispositif fiscal préférentiel. L’ancien cahier des charges 2017 permettait d’autres sanctions (article 21) «combinées partiellement ou totalement selon la gravité du manquement».
• Enfin, l’ancien cahier des charges (article 20) prévoyait une mise en demeure adressée au contrevenant en vue d’y remédier dans un délai fixé. Le nouveau cahier des charges ne prévoit pas de mise en demeure. 
Au total et exceptionnellement, les sanctions encourues par le constructeur sont plus complètes dans le cahier des charges 2017 que dans celui de 2020  annexé au décret 20-226.
II. Décret 20-227 (concessionnaire) :
Hormis 5 mesures favorables à la sécurité routière (A), le décret 20-227 a reconduit 6 défavorables  inscrites dans le décret 15-58 abrogé (B).
A. Mesures favorables : 
1) Un agrément définitif pour 2 marques maximum :
Le décret abrogé 15-58 (article 27) permettait au concessionnaire d’importer des véhicules «dont les marques (au pluriel) sont portées dans le cahier des charges. Le nouveau décret 20-227 met fin au système multimarques : un seul agrément pour 2 marques maximum (article 4 alinéa 2). L’article 5 ajoute que «l’associé ou l’actionnaire ne peut prétendre à  plusieurs agréments de concessionnaire». Le recours aux multimarques dénature le concept même de la concession. Il est anti-sécurité routière dans la mesure où la sécurité des véhicules vendus n’est plus assurée et la qualité de la prestation du concessionnaire est au détriment des acquéreurs.
De même, l’article 25 alinéa 3 du même décret interdit aux concessionnaires d’importer des véhicules au nom d’autres concessionnaires.
2) Suppression des revendeurs : 
Leur activité était admise sous l’empire du  décret  15-58 abrogé  et du cahier des charges 2015 abrogé. Ils n’ont plus le droit d’exister après cette réforme de 2020 et c’est tant mieux, les conditions de vente n’étant pas assurées encore plus auprès des revendeurs que des concessionnaires.
3) Régularisation des quotas : (article 3 – dernier alinéa du décret 20-227) 
Elle ne peut qu’emporter l’approbation des défenseurs de la sécurité routière : moins de véhicules sur les routes, c’est moins d’accidents  (Rapport mondial de l’OMS sur les accidents de la circulation -2004 - p.76).
4) Retrait de l’agrément définitif en cas de refus de livrer un véhicule de remplacement :
L’article 47 du décret 20-227 renvoie à l’article 39 qui oblige le concessionnaire «à mettre à la disposition du client un véhicule de remplacement en cas d’immobilisation pour réparation entrant dans le cadre de la garantie».
En cas de refus, le concessionnaire encourt la sanction la plus élevée prévue par le décret : le retrait de l’agrément définitif.
5) Rétablissement de l’ESP :
A peine promulgué, le cahier des charges du 20.3.2015 a subi une modification le 12.5.2015 par la suppression de deux dispositifs de sécurité : l’ESP et les deux airbags latéraux. Si ces derniers ne font pas l’unanimité, en revanche, l’ESP est devenu obligatoire, du moins en Europe d’où nous importons le plus de véhicules neufs. Il sauve de la mort 6 000 Européens par an. Il a fait la preuve de son efficacité. Il aide le conducteur en cas de perte de maîtrise de véhicule. Il empêche le dérapage lors d’une manœuvre d’évitement. Il fonctionne en permanence en régulant le freinage et l’accélération pour optimiser la stabilité. Voici ce que pense l’expert français Yves Pages de Renault : «Le risque pour les accidents avec la perte de contrôle baisse de plus de 40% par rapport à ceux qui ne l’ont pas.» 
Comme le risque algérien de dérapage dépasse le risque européen, la baisse de mortalité à raison de l’ESP serait supérieure si les véhicules importés étaient obligatoirement équipés. Cette baisse peut au minimum être estimée à 4 500 tués x 40 % = 1 800 tués/an (4 500 étant le nombre officiel de tués dans les accidents par an). Autrement dit, depuis la suppression de l’ESP en 2015 jusqu’à 2020 : 1 800x5=
9 000 Algériens sont morts dans les accidents pour  cause de perte de contrôle sans ESP. La volte- face des décideurs sous la pression des concessionnaires est criminelle. Ceux-ci prétendaient que l’obligation de l’ESP allait entraîner une révision substantielle du prix du véhicule  et le rendre moins accessible aux bourses moyennes. Avant d’être obligatoire au concessionnaire, il l’est d’abord au constructeur. Il n’a pas à être proposé en option comme le souhaitent les concessionnaires pour justifier la hausse des prix.
La cause est ailleurs : l’intérêt bassement  matériel  au mépris de la vie humaine. Les concessionnaires ont domicilié massivement des opérations d’importation de véhicules sans ESP du 20.3.2015 (ESP obligatoire) au 23.5.2015 (suppression ESP). 
6) Expérience professionnelle du personnel du concessionnaire et actions de formation de recyclage et de perfectionnement relevant de son réseau de distribution. 
Le décret 20-227 renforce cette mesure (article 18) :
➢ L’expérience professionnelle doit être de cinq ans minimum.
➢ Le domaine de l’expérience doit être la commercialisation et la mécanique.
➢ La formation, le recyclage et le perfectionnement doivent être annuels.
➢ Un plan de formation doit être prévu dans le contrat de concession.
B. Mesures défavorables :
«L’élaboration du cahier des charges  de 2015  s’est faite en concertation avec la coopération des concessionnaires», a avoué le ministre de l’Industrie de l’époque (Le Soir d’Algérie du 14.1.2015). Ainsi, les concessionnaires ont été associés à la confection du cahier des charges, mais pas les acquéreurs de véhicules, eux aussi regroupés dans deux mouvements associatifs : l’Apoce (Association de protection et d’orientation du consommateur) et la FAC (Fédération algérienne des consommateurs). Il y a conflit d’intérêt entre les deux. Les règles du jeu doivent être arrêtées contradictoirement. 
L’État régulateur a l’obligation de défendre l’intérêt général, de protéger les acheteurs et les usagers de la route.
Le nouveau décret 20-227 a abrogé en bloc le décret 15-58 et le cahier des charges qui l’accompagne. Mais de nombreuses dispositions ont été reconduites, notamment celles en lien avec la sécurité des acquéreurs et des tiers, bien que défavorables. La victime d’un défaut de fabrication ou de conformité, d’un retard de livraison est l’acheteur. Le responsable est le constructeur automobile et en cas d’importation le concessionnaire. La loi est censée protéger la partie lésée pour la rétablir dans ses droits.
Même sous l’empire du nouveau décret 20-227, les conditions de vente de véhicules neufs continuent d’être à l’avantage des concessionnaires :
➢ Les clauses abusives au contrat de vente ne sont pas interdites.
➢ Le paiement du véhicule précède le contrôle  de conformité.
➢  Le paiement du véhicule précède la vérification.
➢ Le retard de livraison peut durer des années.
➢ La disponibilité des pièces de rechange limitée par le cahier des charges aux seules références.
➢ La solution amiable n’est pas dans l’intérêt des acquéreurs.
➢ Clauses abusives :
Il existe un déséquilibre dans les connaissances techniques et juridiques entre le concessionnaire vendeur et le particulier acheteur. Le constructeur et le concessionnaire ont des connaissances de ce qu’ils fabriquent et de ce qu’ils vendent que les acquéreurs ne peuvent atteindre. La loi doit être conçue de façon à empêcher le contractant le plus fort de profiter de l’incompétence du plus faible.
Les firmes automobiles rédigent de façon unilatérale les modèles de contrat de vente. Les acquéreurs ne participent pas à leur rédaction. Ce sont plus des contrats d’adhésion que des contrats synallagmatiques. La méfiance est de rigueur. Des clauses défavorables aux acheteurs peuvent être dissimulées et incluses insidieusement dans le contrat pour limiter les garanties et la responsabilité du vendeur. Ce sont les clauses abusives que l’article 13 de la loi n°09.03 du 25.2.2009 relative à la protection du consommateur (Jora n°15 du 8.3.2009) considère comme «nulles et de nul effet».
Le décret 20-227 n’a pas tenu compte de la loi 09.03. Il a repris presque intégralement les dispositions du décret 15-58 à quelques modifications minimes près. Le chapitre 4 du décret 20-227 relatif aux conditions de vente est la copie conforme du chapitre 4 du décret 15-58 pourtant abrogé, de sorte que le concessionnaire n’ait pas besoin de recourir aux subterfuges des clauses abusives. Elles sont toujours dans le décret 20-227.
• L’article 30 permet au concessionnaire d’exiger un acompte de 10% du prix de vente. Selon le témoignage du président de l’Association des consommateurs «l’acompte exigé excède les 10%» (Le Soir d’Algérie du 24.6.2012).
• L’article 31 alinéa 1er permet la prorogation du délai de livraison mais sans fixation de nouveau délai, de sorte que le retard pourra durer indéfiniment, sans inquiéter le concessionnaire. L’acquéreur devient une victime d’un retard illimité. 
En Europe, la prorogation de délai n’existe pas. Si à la date limite, le véhicule n’est pas livré, l’acheteur peut annuler sa commande et exiger le remboursement des versements effectués majorés  des intérêts calculés au taux légal.
• L’article 31 alinéa 2 permet le paiement de la «totalité» du montant du véhicule. C’est une faculté mais certains concessionnaires s’arrangent pour l’exiger. «Ils révisent à la hausse et à leur guise le prix du véhicule durant la période d’attente», témoigne le président de l’Association des consommateurs (Le Soir d’Algérie du 24.6.2012).
➢ Paiement du véhicule avant contrôle de conformité :
Tout véhicule même neuf présente un risque de défaut de fabrication. Il est important pour l’acheteur de ne verser le prix de vente qu’après contrôle de conformité, et plus exactement à la livraison conformément à l’article 388 du Code civil. Ce n’est pas ce que prévoit l’article 23 du décret 20-227 lequel soumet non pas la vente mais la livraison au contrôle de conformité. En d’autres termes, les étapes de l’opération du transfert de véhicule, selon le décret 20-227 se présentent comme suit : 1. Paiement 2. Contrôle 3. Livraison au lieu de 1. Contrôle 2. Paiement 3. Livraison.
 ➢ Paiement du véhicule avant la vérification :
De même, la vente du véhicule a lieu avant la vérification puisque l’article 33 du décret 20-227 soumet celle-ci avant la livraison et non avant le paiement, soit : 1. Paiement, 2. Vérification, 3. Livraison au lieu de : 1. Vérification, 2. Paiement, 3. Livraison.
Le président de l’Association des consommateurs atteste que les véhicules livrés par les concessionnaires sont souvent non conformes à la fiche technique exposée ou publiée (Le Soir d’Algérie du 24.06.2012).
➢ Retard de livraison : 
L’article 31 du décret 20-227 accorde aux concessionnaires un délai de livraison de 45 jours pour l’automobile et 90 jours pour l’engin roulant, sans préciser le point de départ (à compter de la date de la commande ?). Le véhicule n’étant pas disponible, l’acheteur a le droit de se rétracter et d’annuler la commande, conformément à l’article 19 modifié de la loi 09-03 du 25.2.2009 relative à la protection du consommateur (modifié par la loi 18-09 du 106.2018). L’article 31 du décret 20-227 n’accorde pas le droit de rétractation à l’acheteur. Au contraire, il accorde un délai supplémentaire au concessionnaire sans limite de délai. Voilà qui explique les retards qui peuvent durer des années (Le Soir d’Algérie du 6.4.2012).
➢ Disponibilité des pièces de rechange :
L’article 29 du cahier des charges 2020 limite la disponibilité des pièces de rechange d’origine aux seules références et non aux pièces elles-mêmes.
L’obligation de disposer de pièces de rechange et d’accessoires d’origine s’étend au service après-vente, soit après l’expiration du délai de garantie (article 24 du décret 20-227). Mais l’article 29 du cahier des charges n’impose au concessionnaire que « la disponibilité des références » et non des pièces (et accessoires) elles-mêmes.
L’indisponibilité des pièces d’origine fait prospérer le commerce des pièces contrefaites. Elles sont de moins bonne qualité, voire dangereuses. Leur usure est rapide et la sécurité du véhicule sur lequel elles sont montées est amoindrie. Selon les statistiques mondiales de sécurité routière, 15% des décès par an dus aux accidents sont imputables aux fausses pièces  (www.mémoire online.com ).
➢ Limitations de garantie :
Les articles 36 et suivants du décret 20-227 ne précisent pas la date à partir de laquelle la garantie commence à courir. Elle n’est pas la même selon les cas de prise en charge. Si le défaut de construction ou le vice apparent  sont connus à l’avance, la garantie commence à courir à partir de la date de livraison du véhicule mais si le vice est caché, il ne peut courir qu’après la découverte du vice.
L’article 36 limite les garanties au défaut de construction, aux vices, au remplacement des pièces de rechange et accessoires défectueux. Il manque la garantie du service après-vente pourtant prévue à l’article 38. L’article 36 n’est pas conforme à l’article 13 aliéna 2 de la loi 09-03 relative à la protection du consommateur.
➢ Solution amiable :
L’acheteur peut se plaindre :
• Soit d’une livraison non conforme à la commande passée. Elle doit correpondre à celle présentée à l’acheteur sous forme de modèle, de déclarations publiques publicitaires. La conformité concerne non seulement les caractéristiques convenues mais aussi tout usage spécial recherché par l’acheteur, porté à la connaissance du vendeur (exemple : véhicule pour handicapé). Des acquéreurs ont dénoncé la non-conformité des véhicules livrés aux fiches techniques exposées au public (Le Soir d’Algérie du 24.6.2012).
• Soit d’un défaut de fabrication : il n’est pas rare que l’acquéreur, après avoir reçu livraison, tombe en panne ou qu’une pièce se rompt lui causant un accident. Il reprochera à son vendeur une défectuosité rendant le véhicule inapte à l’usage. Même le vice caché indécelable est englobé dans la garantie.
L’article 13 de la loi n°09-03 du 25.2.2009 relative à la protection du consommateur autorise l’acheteur d’un véhicule de choisir, en cas de livraison non satisfaite, une des quatre solutions :
«L’acquéreur d’un véhicule (…) bénéficie de plein droit d’une garantie (…) Lorsque le produit  (le véhicule) présente un défaut, l’intervenant (le concessionnaire ) doit, au cours de la période de garantie fixée, le remplacer ou rembourser son prix ou réparer le produit ou modifier la prestation à ses frais.»
Le décret 20-227 remet en cause ces choix en son article 32 qui dispose autrement :  
«En cas de non-respect des termes de la commande, les deux parties peuvent convenir d’une solution à l’amiable. En cas de refus du client de la solution proposée, le concessionnaire doit, sous huitaine, reverser au client l’acompte ou le montant intégral versé avec une pénalité représentant 10% du prix du véhicule.» 
Ce texte est défavorable au client acheteur pour au moins 3 raisons :
1- La loi doit protéger la partie lésée et la rétablir dans l’état où elle se trouvait avant la découverte du défaut. Elle doit être mise en situation de choisir la solution qui lui convient sans avoir à la justifier.
Le concessionnaire n’a pas à proposer de solution amiable. Les quatre options prévues à l’article 13 ne laissent pas de place à la solution amiable.
2- La pénalité de 10% va dans l’intérêt du concessionnaire. Elle lui permet d’échapper au procès. Le juge nanti de son pouvoir souverain d’évaluation de la réparation peut allouer  au demandeur une somme supérieure à 10%.
 Il aura toute latitude pour couvrir les pertes subies (réparer le véhicule) et les gains manqués  (immobilisation du véhicule acheté).  
3- L’acheteur privé du droit d’assigner en justice le concessionnaire : 
L’idée de plafonner le montant de la réparation à 10% en cas de défaut de conformité de la commande procède de l’intention malveillante d’éviter au concessionnaire toute poursuite judiciaire. La solution à l’amiable préconisée par l’article 32 n’a rien d’amiable  puisque elle n’émane que du concessionnaire selon sa convenance et son intérêt.
Une association de  consommateurs témoigne : «L’acquéreur quand il se fait arnaquer perd des dizaines, voire des centaines de millions de centimes.» (El Watan du 2.4.2019).
Au-delà des articles 30 et 31 cités en exemple, c’est tout le chapitre 4 du décret 20-227 qui doit être revu à la lumière de la loi 09-03 du 25.2.2009 relative à la protection du consommateur et la répression des fraudes. Vu  leur importance, les articles 13 et 14 de cette loi devraient être intégralement reproduits dans les contrats de vente de véhicules neufs ainsi que  dans les bons de commande. Compte tenu de leur fréquence, les clauses abusives devraient être systématiquement dénoncées et annulées.
III. Décret 18-05 (contrôle de conformité) : 
Le décret 18-05 du 15.1.2018, toujours en vigueur, réglemente le contrôle de conformité des véhicules importés (neufs et d’occasion), des véhicules neufs fabriqués ou montés localement, des véhicules ayant subi des transformations notables, des véhicules saisis, des véhicules vendus aux enchères publiques.
Le décret 07-390 du 12.12.2007 (Jora n°78 du 12.12.2007) réglemente lui aussi le contrôle de conformité des seuls véhicules neufs importés par les concessionnaires. N’étant pas abrogé à ce jour, il demeure applicable, sauf, implicitement, dans ses dispositions contraires à celles du décret 18-05.
Un véhicule automobile en circulation, neuf ou d’occasion, importé ou fabriqué localement, sans respect des normes de sécurité est un véhicule hors-la-loi et expose les utilisateurs de la route au danger de mort et de handicap à vie.
Il se trouve que le premier texte réglementaire à avoir soumis tous les véhicules automobiles au contrôle de conformité est le décret 18-05 (à l’exception des véhicules importés soumis au décret 07-390). Mais alors, avant 2018 et avant 2017, le contrôle de conformité dépendait de quel texte ? De 1962 à 2007 (puis 2018), les véhicules importés ou montés localement ou ayant subi des transformations notables ou saisis ou vendus aux enchères publiques étaient des véhicules accidentogènes. A coup sûr, ils ont dû causer des accidents, des morts et des blessés graves.
Selon l’ONS (Office national des statistiques), le parc national automobile était, tous genres confondus, de 3.406.294 véhicules en 2006 sans avoir été contrôlés. 
Au début des années 90, les concessionnaires ont été autorisés à s’installer, à importer, à vendre des véhicules neufs. Mais le texte réglementaire régissant leur activité n’a été publié qu’en 2007 (décret 07-390, article 4). Mais alors, les véhicules importés de 1990 à 2007, à quelles conditions de sécurité étaient-ils soumis ? C’est, précisément, durant cette période que les importations via les concessionnaires ont connu un accroissement sans précédent. De 2000 à 2006, les importations ont plus que quadruplé. Elles sont passées de 43 119 en 2000 à 188 006 en 2006 (source : ONS).
Bref, le décret 18-05 a été promulgué en retard. Depuis, les véhicules en circulation en Algérie sont-ils sécurisés pour autant ? Pas si sûr, pour au moins 5 raisons :
A. les références de prescriptions techniques réglementaires ne sont pas précisées ;
B. contrôle de conformité par type : le contrôle des composants du véhicule n’est pas assuré ;
C. contrôle de conformité par lots : précipité pour les véhicules importés, tardif pour les véhicules fabriqués localement, facultatif pour les deux ;
D. le contrôleur – technicien supérieur après un an de stage – manque d’expérience professionnelle ;
E. le contrôle à l’œil nu ne garantit pas la sécurité du véhicule.
A. Prescriptions techniques réglementaires :
L’article 24 alinéa 2 du décret 18-05 précité soumet la délivrance d’une attestation d’approbation du dossier technique à la conformité aux « prescriptions techniques réglementaires en vigueur ». Lesquelles ? Si elles sont réglementaires et si elles sont en vigueur :
- c’est qu’il doit y avoir un décret ou un arrêté qui les réglemente ;
- c’est qu’il doit être publié au Journal officiel ;
- c’est qu’il doit être visé au préambule du décret 18-05.
Dans la négative, les prescriptions en question demeurent inconnues. L’approbation du dossier technique et l’autorisation d’importer ou de fabriquer sont accordées en leur absence.
La directive européenne 2007/46 dresse la liste détaillée des 66 exigences techniques. 
Chacune d’elles est régie par un acte réglementaire, le tout publié au Journal officiel de l’Union européenne.
Le visa de prescriptions ou d’exigences techniques sans texte de loi contraignant est inquiétant car c’est la sécurité des usagers de la route qui est en jeu.
B. Contrôle de conformité par type :
Celui des composants des véhicules n’est pas assuré. 
1- L’article 23 du décret 18-05 n’exige pas la présentation par le constructeur ou le concessionnaire d’une demande écrite d’approbation du dossier technique. Elle n’est pas superflue dans la mesure où elle permet de les responsabiliser.  
2- L’article 23 ne précise pas non plus le contenu du dossier technique à verser. Il est ainsi laissé à l’appréciation du demandeur. C’est à l’autorité qui accorde l’approbation d’estimer les renseignements nécessaires pour statuer sur la demande (masses et dimensions - moteur - transmission – essieux - suspension - direction - freinage - carrosserie …). Pour la protection des piétons, par exemple, le demandeur devra détailler la description de la structure de la partie frontale du véhicule (intérieur et extérieur) et les matériaux utilisés. Rien n’empêche le demandeur de compléter les renseignements demandés par d’autres qu’il estime utiles.
3- Un seul véhicule est exigé pour permettre des essais nécessitant autant de véhicules que nécessaire (article 25).
4- Enfin, et surtout, l’article 23 soumet la condition de l’approbation préalable au véhicule entier, à l’exclusion des composants de véhicules, des pièces à haut risque. Chaque type de composant, chaque type de pièces à haut risque importées et fabriquées localement doit faire l’objet d’une demande, d’un dossier technique, d’une approbation préalable avant toute importation, avant tout montage, avant toute fabrication locale pour s’assurer que les composants et les pièces à haut risque sont conformes aux exigences techniques de sécurité. Sinon, les assembleurs d’éléments, comme Renault à Oran, ont toute latitude pour les importer et les monter en Algérie sans être réceptionnés. Pourtant, M.  Sekfali a dénoncé le scandale des assembleurs (le Soir d’Algérie du 02.02.2018). Dans leur rapport   adressé  au président de la République en 2007, les séminaristes de Timimoun sur les accidents de la circulation ont alerté : «L’Algérie serait devenue une poubelle» (rapport sur l’accidentalité routière du 15.06.2008). Le mot est fort. Il fait mal mais il est juste. Le décret 18-05 ne règle pas le problème.  
C. contrôle de conformité par lots : 
Il est expéditif pour les véhicules importés. Il est tardif pour les véhicules fabriqués localement. Ils sont tous les deux facultatifs.
Le contrôle de conformité de véhicule par type ne suffit pas. Le concessionnaire ou le fabricant local peuvent importer ou monter des véhicules qui ne correspondent pas au type approuvé, d’où la nécessité de les contrôler de nouveau par lots. Selon l’article 28 du décret 18-05, les véhicules importés sont contrôlés avant dédouanement et les véhicules fabriqués avant leur sortie d’usine. Est-ce les meilleurs moments de les contrôler ?  Pas sûr.
Pour les véhicules importés, avant dédouanement, cela suppose que le contrôle a lieu dans l’enceinte portuaire (de Jijel, de Mostaganem ou d’ailleurs). L’expérience montre qu’il se déroule dans la précipitation avec des moyens limités. Même par échantillon, la qualité du contrôle n’est pas assurée. Dans ces conditions, il est difficile de croire au contrôle serein, approfondi.
Pour les véhicules montés et fabriqués localement, le contrôle s’effectue avant sortie d’usine. Puisque les opérations de montage et d’assemblage ont lieu en Algérie, pourquoi ne pas les contrôler au moment même de leur réalisation, d’autant que les composants et pièces importés ne sont pas soumis au contrôle par type, d’autant que l’arnaque des assembleurs a été dénoncée.
Pour pallier les insuffisances du contrôle rapide des véhicules importés et tardif des véhicules fabriqués localement, l’article 29 renforce ces contrôles par des essais d’efficacité et de sécurité. Ils sont, cependant, facultatifs. Le contrôle par lots n’est pas effectif.
En Europe, l’évaluation étatique est doublée d’une évaluation indépendante menée par EuroNCAP (European New Car Assessment Program). Fondée en 1997, elle bénéficie du soutien de l’Union européenne, des clubs automobiles et des associations de consommateurs. Elle est indépendante des industriels automobiles et de tout contrôle politique. Elle réalise des crash-tests pour évaluer les performances de sécurité des véhicules testés. 
Elle est à l’origine d’améliorations significatives au niveau de la sécurité dans la conception des nouvelles voitures. Elle décerne une note globale de sécurité à chaque catégorie de véhicule testée avec un maximum de 5 étoiles. Cette note globale repose sur les résultats obtenus dans 4 domaines : protection des occupants adultes ; protection des occupants enfants ; protection des piétons-aide à la sécurité. Les étoiles  attribuées sont affichées par les constructeurs quand elles sont bonnes.   
D. Expérience professionnelle :
 L’article 10 du décret 18.05 requiert pour devenir expert des mines 2 conditions : qu’il soit fonctionnaire de l’administration des mines, qu’il possède le diplôme de technicien supérieur en mines ou équivalent suivi d’un stage dans le domaine du contrôle de conformité pendant 1 an au sein de l’administration des mines.
La qualité de fonctionnaire d’administration ne rime pas avec celle de l’expert. Le premier est en état de subordination vis-à-vis de ses supérieurs hiérarchiques. Le second est indépendant.
 Il n’a de comptes à rendre qu’à sa science et sa conscience. L’indépendance est le fondement même de l’impartialité et de l’objectivité des conclusions de l’expert. De plus, celui-ci doit disposer d’aptitudes réelles et une expérience avérée. 
Le diplôme et le stage sont nécessaires mais insuffisants. L’enjeu du contrôle du véhicule, c’est la sécurité des usagers de la route. Elle ne doit pas être négligée et mise entre les mains d’un débutant. L’expert de l’automobile doit non seulement posséder des connaissances dans le domaine technique qui est le sien mais aussi maîtriser les critères objectifs d’évaluation. En termes de sécurité routière, la vérification du véhicule prévue par l’article 13 du décret 18-05 plutôt administrative ne suffit pas. 
Les exigences de sécurité sont certes prévues en dernier par l’article 14. Cela suppose que l’expert maîtrise les normes de sécurité routière, telles les normes ISO. 
Elles sont au nombre de 900 environ. De plus, elles évoluent dans le temps en fonction des conceptions nouvelles dans la fabrication des véhicules, dans l’espace en fonction des spécificités de chaque pays. Exemple : en Europe, les véhicules émettant 150 grammes de CO2 par kilomètre sont interdits de fabrication. Selon le journal El Watan du 02.04.2014, ils ont été importés en Algérie. Ils ont dû échapper à la vigilance de l’ingénieur des mines.
E. Contrôle à l’œil nu :
L’article 4 du décret 18-05 dispose : «Le contrôle de conformité et l’expertise de conformité peuvent être effectués à l’œil nu… » 
Le contrôle de tout véhicule est double. Il est à la fois administratif et technique. Pour la sécurité routière, le volet technique est important. C’est lui qui permet de s’assurer que le véhicule contrôlé ne met pas en danger la vie des usagers de la route. Le contrôle administratif consistant à vérifier le numéro du châssis, la présence de la plaque du constructeur sur laquelle est indiqué le numéro d’identification (VIN) peut être effectué à l’œil nu mais certainement pas l’aspect technique qui a besoin d’équipements et d’outils spécifiques pour le faire. Peut-on contrôler à l’œil nu le système de freinage, les dispositifs de direction ?

CONCLUSION :
Sans prétendre avoir épuisé le sujet, 12 mesures au moins subsistent  dans les nouveaux textes de loi de 2020, défavorables à la sécurité routière dans 3 domaines différents :
1- L’une d’elles constitue même une régression par rapport à celui de 2017 abrogé : l’absence ou l’insuffisance des sanctions du constructeur automobile. Celles prévues dans le cahier des charges de 2017 (articles 20 et 21) sont plus complètes que celles du cahier des charges de 2020 (articles 23 et 24). Quelle serait la sanction encourue par un constructeur local qui fabriquerait des véhicules non sécurisés ou qui importerait des composants de véhicules non sécurisés ? 
2- Les conditions de vente de véhicules neufs n’ont pratiquement pas changé. Le décret 20-227 a repris, mot à mot, à quelques exceptions près, les dispositions du décret 15-58, de sorte que l’abrogation de celui-ci est trompeuse. Les concessionnaires sont toujours avantagés dans les opérations de vente par rapport aux acheteurs victimes. Le chapitre 4 du décret 20-227 est en violation flagrante avec la loi 09-03 du 25.02.2009 relative à la protection du consommateur. 
3- Curieusement, le décret 18-05 qui régit le contrôle de conformité du véhicule automobile n’a pas été abrogé ou du moins modifié et complété. Il est pourtant loin de garantir leur sécurité.
Au total, la réforme de 2020 enregistre quelques progrès de sécurité routière notamment ceux en relation avec l’activité des constructeurs. Prise globalement, elle est loin d’atteindre le niveau optimal de sécurité que les acquéreurs et les usagers de la route sont en droit d’attendre. 
Force est de constater que la sécurité routière en Algérie demeure encore le parent pauvre des politiques non seulement de  l’industrie  automobile mais aussi des travaux publics, des transports, de la santé publique, de l’éducation nationale, de l’aménagement du territoire…
Enfin, est-il besoin de rappeler que tout texte de loi aussi parfait soit-il ne vaut que par son application. Ceux de 2015 et 2017, abrogés, contenaient aussi des dispositions favorables à la sécurité routière. Elles sont demeurées lettre morte. Gageons que celles  de 2020 ne subiront pas le même sort. 
M. B.
 

 


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