Les avocats de Ouyahia dénoncent la mesure d’éloignement



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Le procès en appel de Mahieddine Tahkout, patron du groupe Cima Motors, son fils, ses trois frères, des deux ex-Premiers ministres, Ahmed Ouyahia et Abdelmalek Sellal, ainsi que les anciens ministres des Travaux publics, Amar Ghoul et Abdelghani Zaalane, de l’Industrie, Youcef Yousfi et Abdessalem Bouchouareb (en fuite à l’étranger) s’est ouvert hier à la 1re chambre pénale près la cour d’Alger. Premier prévenu à être entendu, l’ex-DG de l’Office national des œuvres universitaires (ONOU) nie les faits avant qu’il ne soit confondu par ses subordonnés.

Incarcéré à la prison de Babar à Khenchela, l’homme d’affaires Mahieddine Tahkout, patron du groupe Cima Motors, son fils Billel et ses trois frères ont comparu hier, en appel, devant la 1re chambre pénale près la cour d’Alger, pour être jugés une seconde fois pour des faits liés aux indus avantages dont il a bénéficié dans le cadre de l’industrie de montage automobile.

Avec lui, comparaissent également les deux anciens Premiers ministres, Ahmed Ouyahia, détenu à la prison de Abafla, à Béchar. Abdelmalek Sellal, et les ex-ministres des Travaux publics, Amar Ghoul et Abdelghani Zaalane, et de l’Industrie, Youcef Yousfi et Abdessalem Bouchouareb (en fuite à l’étranger), ainsi que l’ex-wali de Skikda, Fawzi Benhassine.

En tout 17 prévenus, dont une dizaine en détention. Dès l’ouverture de l’audience, de nombreux avocats se sont succédé pour plaider l’«annulation des poursuites, en raison, argumentent-ils, des vices de procédure». La défense de Sellal est revenue sur l’article 177 de la Constitution qui prévoit une haute juridiction pour juger le Premier ministre.

«Je ne cesserai jamais de dire que les procès et les poursuites engagés contre Sellal sont inconstitutionnels. Il a agi dans le cadre de ses missions en tant que Premier ministre, en exécutant le programme politique du Président. Si ses actes posent problème, la sanction est politique et non pas pénale», déclare la défense de Sellal. D’un ton coléreux, elle rappelle : «Ils ont mis 48 heures pour supprimer dans la discrétion le privilège de juridiction du code de procédure pénale.

Pourquoi n’avoir pas installé le tribunal chargé des actes du chef de l’Exécutif ? Cela ne demande pas de temps. Aujourd’hui, nous sommes devant la violation caractérisée de la Constitution. Ces procès sont illégaux. On le poursuit et condamne pour avoir présidé un CNI (Conseil national de l’investissement) qui a octroyé les avantages.»

Les avocats s’offusquent contre le fait que Sellal «soit jugé pour les mêmes faits dans plusieurs dossiers». La défense d’Ahmed Ouyahia abonde dans le même sens et dénonce la violation du droit à la défense : «Comment pouvez-vous dire que ces droits sont consacrés alors que je suis obligé de faire plus d’un millier de kilomètres pour rendre visite au prévenu, et par route, parce qu’ il n’y a pas d’avion !», déclare un avocat de Ouyahia avant de demander l’annulation de la procédure.

La défense de Tahkout axe sa plaidoirie sur l’enquête judiciaire «entachée», selon elle, de «graves irrégularités». Les avocats citent 14 documents, dont des procès verbaux de la gendarmerie qui «comportent des vices de procédure et, de ce fait, suscitent l’annulation de la poursuite». Ils révisent l’expertise de l’IGF mais aussi les rapports de la CTRF (cellule de renseignement et du traitement financier) du ministère des Finances et exigent leur évacuation du dossier.

De même qu’ils contestent la demande de constitution en tant que partie civile du Trésor public et du ministère de l’Industrie. Une demande que l’AJT (agent judiciaire du Trésor) dénonce en disant : «Lorsqu’il s’agit de l’argent des Algériens, la loi me fait obligation d’agir.» Le représentant du ministère public rejette tous les vices de forme soulevés par la défense.

Selon lui, la prescription soulignée par les avocats, pour les faits de blanchiment d’argent, tombe «lorsqu’elle est accompagnée du délit de transfert illicite, comme c’est le cas dans ce dossier». Après délibéré, le président rejette la demande d’inconstitutionnalité du procès et joint les autres demandes à l’examen du fond.

«C’ est le directeur général qui nous a imposé le cahier des charges»

Il appelle Abdelhak Boudraa, directeur général de l’Onou, qui d’emblée rejette toutes les inculpations. Il explique que le cahier des charges unique a été élaboré par une commission installée à cet effet et présidée par Mohamed Cherif Yahia. Le juge : «Pourquoi l’aviez-vous imposé ?» Le prévenu nie catégoriquement avoir donné une «quelconque instruction».

Le juge insiste pour avoir une réponse mais le prévenu persiste à nier les faits. Le président lui rappelle les propos du directeur de la résidence universitaire de Sétif qui le met en cause. «Vous l’avez demis de ses fonctions parce qu il a émis des réserves», lui dit-il. Le prévenu : «Ce n’est pas vrai. C’est moi qui l’ai nommé à ce poste. Il n’a pas respecté l’obligation d’avoir le quitus avant le 31 décembre. Lui était caché à Sétif, et moi j’allais me retrouver avec 10 000 étudiants sans transport sur les bras.»

Le procureur général : «Mohamed Lemdani a déclaré que vous l’aviez obligé à appliquer le cahier des charges.» Et le prévenu continue à nier. Il lui fait savoir qu’avec le cahier des charges, la porte de la concurrence était fermée et le prévenu persiste à nier.

Le procureur général lui demande pourquoi de nombreux bus de Tahkout ont largement dépassé l’âge limite de 12 ans, mais encore une fois, le DG de l’ONOU dément. «Pourquoi les bus de Tahkout sont loués à raison de 20 000 DA l’unité, et ceux de l’Etusa à 10 500 da ?» Le prévenu explique que les bus de l’Etusa sont la propriété du ministère de l’Enseignement supérieur et ils desservent uniquement les zones urbaines, alors que ceux de Cima assurent la ligne suburbaine.

Il perd son calme, puis déclare : «Pourquoi sur les 65 directeurs, il n’y en a que trois qui sont ici ? Et sur trois cahiers des charges, un seul est mis en cause pour 12 marchés ?» Il cède sa place à Aicha Abderrazak, directrice de l’Onou pour la région Ouest.

Le juge lui demande : «Vous étiez trésorière, pourquoi avoir accepté d’appliquer le cahier des charges pour 777 bus ?» La prévenue : «Il me l’a imposé. Et le nombre des bus représente les besoins de la région Ouest, qui comprend aussi le Centre avec le transport de 100 000 étudiants.» 

Le procureur général : «Pourquoi avoir payé 16 millions de dinars pour une seule journée, le samedi, où les étudiants n’ont pas cours, au transporteur et pour une rotation ?» La prévenue n’explique pas les raisons qui ont justifié le rajout de 80 bus en plus de ceux qui faisaient partie du marché.

Elle dément avoir accepté de valider le marché avec Tahkout en contre partie de la promesse d’un poste au ministère du Tourisme faite par le patron de Cima Motors, tel que mentionné dans le dossier.

Le juge appelle Kheredine Remache, directeur de l’Onou pour la région Est. Il précise que les bus de Tahkout étaient loués à raison de 16 000 DA l’unité pour la journée et ceux de l’Etusa, 10 500 DA la journée.

Le magistrat : «Ceux de Tahkout font une rotation et ceux de l’Etusa quatre. Expliquez-nous un peu…» Le prévenu affirme que les bus de Tahkout assurent le transport sururbain et ceux de l’Etusa, l’urbain.

Il cède sa place à Mohamed Salah Djedi, directeur de l’Onou pour Tipasa, qui affirme avoir signé quatre marchés depuis 2014 mais «c’est le dernier qui m’a été imposé».

Il déclare ignorer le fait que les bus passaient par le contrôle technique assuré par la société de Tahkout. «Lorsqu’il y a eu soumission, le nom de la société n’apparaissait pas. Je ne pouvais pas le savoir. Je l’ai su chez les gendarmes.» Le juge lève l’audience en fin de journée pour reprendre les auditions lundi prochain. 


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