Covid-19

Le boom du business de la prévention



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Produits d’hygiène, masques et tenues de protection, test de dépistage de la Covid-19, oxygénothérapie connaissent, ces dernières semaines, avec la propagation de la pandémie et la saturation des structures sanitaires, une hausse de la demande.

Entre la nécessité de se protéger contre la Covid-19, le besoin de se faire dépister et l’urgence d’une prise en charge sanitaire de plus en plus difficile avec la saturation des structures sanitaires, ils sont de plus en plus nombreux à avoir recours aux services des laboratoires privés et à l’achat ou la location de concentrateurs d’oxygène. Des créneaux qui semblent profiter à de nombreux acteurs. Or, ces activités sont loin de répondre aux normes. C’est la grande anarchie dans une situation où la recherche du gain se fait de plus en plus ressentir.

L’absence de garde-fous et la gestion actuelle de la crise font que les malades et leurs familles sont les premiers à payer les frais. Exemple : le coût d’une location d’une bouteille d’oxygène pour une journée atteint les 4000 DA, soit le coût d’une semaine avant la crise.

Cela pour dire que la pénurie a laissé place à la dérive, comme le soulignent les professionnels de la santé, qui appellent à l’intervention de l’Etat. Alors que la pandémie Covid-19 continue de se propager de manière exponentielle à travers le monde, avec tout son impact sur les plans social et économique particulièrement, induit par le confinement, certains secteurs résistent et d’autres profitent à fond de cette crise avec des pratiques parfois douteuses.

Si jusque-là, ce sont les sociétés de commerce en ligne qui ont tiré leur épingle du jeu, comme le montre le boom des annonces de vente à distance sur les réseaux sociaux notamment, d’autres entreprises ont saisi cette crise sanitaire comme une «opportunité» pour monter en puissance ou pour se placer sur un marché qui était vierge avant l’avènement de la crise. Autrement dit, elles surfent sur la situation. C’est le cas des entités spécialisées de l’hygiène (vente et distribution).

En cette période de crise, ce sont bien évidemment les produits d’hygiène (détergents, désinfectants…) qui ont la cote. Ils sont, en effet, fortement demandés sur le marché. Certains acteurs ont vite saisi ce besoin grandissant pour tout ce qui a trait à l’hygiène en investissant dans ce segment. Les consommateurs l’ont sans doute remarqué : les rayons des grandes surfaces et les commerces de proximité pullulent de nouvelles marques.

Le choix y est, mais pour la qualité, ce n’est pas toujours le cas. Les spots publicitaires défilent d’ailleurs à longueur de journée sur les chaînes de télévision pour vanter l’efficacité de tel ou tel produit. C’est le cas également pour les compléments alimentaires (vitamine D, zinc, vitamine C…), les masques, les bavettes et les tenues de protection dédiées au corps médical, dont les ventes ont explosé après une période de pénurie durant les premiers mois de la pandémie.

Cela pour dire que cette crise sanitaire est aujourd’hui un vecteur d’affaires pour plusieurs secteurs. Il y a même des opérateurs qui ont «profité» de cette situation inédite pour se lancer dans des activités en lien direct avec la lutte contre la propagation de la Covid-19, que ce soit de manière formelle ou informelle. L’innovation n’est pas toujours au rendez-vous.

Une aubaine pour des chômeurs

Pour se faire connaître et promouvoir leurs produits, ils utilisent les réseaux sociaux. Wassim, Lyes et Omar, trois jeunes diplômés de l’enseignement supérieur, dont l’un d’entre eux gérait une agence de voyages avant la crise, se sont retrouvés sans emploi en l’espace de quelques semaines durant la période de confinement du printemps dernier. «Il fallait trouver un filon pour travailler.

Ce n’était plus possible pour nous de rester sans ressources», nous raconte Wassim. Pour en finir avec le chômage, l’idée leur est venue d’entamer leur entrée dans le petit business et de faire dans la distribution de bavettes à haute protection en l’occurrence les bavettes de norme K N 9 5 A, qui permet de filtrer les particules et de réduire les risques de contamination par la Covid-19. Pour cela, les trois amis ont contacté l’importateur (qui fait l’assemblage en Algérie).

A l’issue d’un accord avec ce dernier, ils ont commencé la distribution de ce produit, il y a à peine dix jours en assurant également la livraison (avec des frais supplémentaires de 300 DA sur Alger) pour des tarifs oscillants entre 1200 et 16 000 DA et des packs allant de 5 à 100 unités. «Pour le moment, ça marche, la demande y est», assure Wassim. C’est dire que la pandémie n’a pas uniquement causé des pertes au monde des affaires mais elle a ouvert la voie à l’entreprenariat dans certains cas. La concurrence est même rude.

Yacine qui, au début de la pandémie s’est spécialisé à Blida dans la production des masques, des blouses protectrices pour les distribuer gratuitement, a fini par investir dans un autre créneau «juste pour casser les prix», nous dit-il. «J’ai vu que les prix des tapis désinfectants sont trop élevés et loin d’être à la portée de tout le monde, alors j’ai tenté l’expérience en les proposant à 2000 DA l’unité, alors que d’autres le cèdent à 3700 DA.

Ça me permet de rendre le produit disponible et d’avoir ma marge bénéficiaire», nous dit-il. «Actuellement, nous avons des commandes de la part des entreprises, des écoles privées et des crèches notamment», nous ajoute-t-il. Et de souligner que ce créneau représente un marché juteux pour de nombreux distributeurs. Comment ? «Nous le cédons aux revendeurs à 1500 DA et ces derniers le distribuent au niveau des administrations, communes et wilayas avec qui ils concluent des marchés à 3000 DA. Ils trouvent bien leur compte. Fabriquant ces tapis dans deux ateliers familiaux basés à Médéa et Blida, Yacine assure également la livraison des gels et des distributeurs de gels aux entreprises. «Nous sommes de simples artisans qui tentent d’apporter leur contribution dans la lutte contre la Covid-19.

Au cours de ces neufs mois, nous avons constaté de grandes anomalies. Ils sont nombreux à chercher à profiter de cette crise sanitaire sans se soucier du consommateur. Que ce soit les associations ou les administrations, ils tirent toutes leur épingle du jeu. Ils concluent des marchés pour se partager des gains, alors que les dépenses peuvent être réduites si on accorde une place à la rigueur et au contrôle», résume Yacine.

Services de santé, grand boom et anarchie

A titre illustratif, il évoquera le non-respect des taux d’alcool dans les gels hydroalcooliques qui, dans de nombreux cas est au-dessous de la norme requis, c’est-à-dire entre 65 et 70%. Ce que relèvera également Mustapha Zebdi, président de l’Organisation algérienne de protection et d’orientation du consommateur et son environnement (Apoce). «Nous avons constaté de nombreux dépassements dans la production des gels qui sont hors normes et de surcroît vendus aux entreprises, aux consommateurs et mêmes aux hôpitaux et c’est cela la catastrophe de plus», regrette M. Zebdi.

Selon ce dernier, certains fournisseurs profitent même de la situation pour imposer leur diktat. «Des opérateurs nous ont interpellés pour évoquer ces dépassements. En effet, des fournisseurs se permettent de changer le règlement des transactions commerciales qu’ils ont l’habitude d’avoir avec leurs clients en les obligeant à acheter par exemple pour plus d’un million de dinars mais à facturer seulement la moitié», nous donnera-il comme exemple. Et de résumer avec regret : «Certains profitent énormément de la situation et pensent que c’est une occasion pour s’enrichir, alors que nous sommes dans une situation de guerre.»

Ces dysfonctionnements ne se limitent pas uniquement aux simples produits de protection, mais ils touchent aussi les services santé. Les tests de dépistage, PCR, radiologie et même l’oxygénothérapie font «les affaires» de nombreux acteurs. Et c’est d’ailleurs la grande anarchie dans les tarifs de radiologie et des tests, selon les spécialistes. A chacun ses prix. La PCR se fait entre 12 000 et 18 000 DA. La sérologie oscille entre 1500 et 3000 DA, soit du simple au double, pour ne citer que ces exemples.

Les services liés à la santé enregistrent ces dernières semaines une grande affluence. Les laboratoires, qui se sont lancés dans le dépistage, travaillent d’arrache-pied pour répondre à la demande. Il y en a même ceux qui ont en font une opportunité pour gagner de l’argent. Certains acteurs, dont ce n’est pas la spécialité, sous traitent avec d’autres laboratoires. «Des laboratoires proposent des tests rapides qui ne sont pas du tout d’une grande utilité pour le diagnostic.

Ces tests ne sont pas fiables, mais ils les font tout de même. L’essentiel est de gagner d l’argent», fera remarquer Lyes Merabet, président du Syndicat national des praticiens de la santé publique (SNPSP). C’est dire que le marché des tests et des diagnostics est en boom. Un boom qui s’explique par l’incapacité des hôpitaux et autres structures sanitaires publiques à faire face à l’ampleur des contaminations. Mais aussi des complications.

D’où un autre phénomène, celui de la vente ou de la location des concentrateurs d’oxygène. Une vingtaine d’opérateurs proposent leur service uniquement à Alger. Oxynursing, Respidom, Magh Assistance, Health care, Respad, Medicmat 2010 et bien d’autres acteurs proposent leurs services. Certains sont déjà dans le domaine, alors que d’autres arrivent fraîchement dans un segment où la demande a fortement augmenté.

Les propositions ne manquent pas à ce sujet au même titre que celles liées à la vente d’oxymètres, saturomètres et thermomètres. Après les spéculations et la pénurie des produits alimentaires de large consommation (semoule et farine) durant le confinement d’avril, les dépassements touchent aujourd’hui les services sanitaires.

Tout est bon à vendre ou à louer en cette période de crise qui appelle pourtant plus à un esprit de solidarité. Les tarifs sont loin d’être à la portée des malades et de leurs familles. Entre 1250 et 4000 DA la journée en plus d’une caution allant d 10 000 à 20 000 DA, alors qu’avant la crise, le concentrateur de 5 litres était loué à 800 da/jour, selon la responsable de Medicmat 2010. «Nous n’arrivons pas à faire face à la demande. Nous sommes dans le domaine depuis plusieurs années, mais cette situation est exceptionnelle», nous dira-t-elle pour montrer l’importance de la demande. Une importance qui a engendré une hausse fulgurante des prix. Sinon, comment expliquer qu’un concentrateur d’oxygène passe de 60 000 à 300 000 DA ?

Absence de réglementation

Une question qui revoie directement à l’absence de réglementation et les dysfonctionnements dans la prise en charge de cette pandémie. «La mauvaise gestion de la crise et la désorganisation ont ouvert la voie à l’affairisme et à l’opportunisme», regrette Lyes Merabet, selon lequel la situation risque de s’aggraver davantage si les pouvoirs publics n’interviennent pas pour remettre les choses en ordre.

«Nous avons un système de santé malade. Cette pandémie a mis à nu beaucoup d’anomalies en termes de gestion. Beaucoup de choses se font au jour le jour avec le manque de planification. Le coup est parti dés le début de la crise. Il n’y a pas eu d’encadrement», rappelle Dr Mohamed Yousfi, infectiologue et président du Syndicat des praticiens spécialistes de la santé publique (SNPSS). Et de revenir sur toutes les anomalies signalées depuis mars dernier. «Ça a commencé avec la pénurie des kit PCR, il a fallu que les Chinois nous dépannent début avril.

Il y a eu par la suite la tension sur les scanners et l’intervention du privé dans l’anarchie totale. Et aujourd’hui, on se retrouve face à une pression sur la demande d’oxygène qui a ouvert la voie à la dérive avec tous ces acteurs qui proposent des solutions sans aucun encadrement et avec des tarifs élevés», poursuivra le président du syndicat qui résumera la situation en ces termes : « de la pénurie est née la dérive ».

Et pour contenir cette dérive, faudrait-il mettre des gardes fous. «Nous interpellons les pouvoirs publics pour jouer leur rôle et encadrer les tarifs des appareils d’oxygène, des scanners et des sérologies. L’Etat est le garant constitutionnel de la santé des Algériens», appellera-t-il, avant de soulever un autre problème.

Celui de la révision des tarifs de remboursement des médicaments et des radiologies qui n’ont pas changé depuis 1987. Un dossier en attente de prise en charge au même titre que celui de la sécurité sociale dont la pandémie a révélé les lacunes.


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