Égypte

La pandémie attise la passion du oûd



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En attendant le début de son cours de ôud à Guizeh, dans l’ouest du Caire, Maïssara Mohamed, voûté sur son instrument, joue de mémoire un air de musique soudanaise qui le transporte loin des tracas de la pandémie de la Covid-19.

Passionné, cet ingénieur et musicien de 27 ans est venu de Khartoum en septembre pour perfectionner sa maîtrise du luth oriental à l’école de musique Kipa, qui a ouvert en pleine pandémie.

A l’origine, son «stage était prévu en février, mais avec le coronavirus, tout s’est arrêté», dit-il. Il a finalement pu venir au Caire plus tard mais plus longtemps que prévu pour se «consacrer entièrement au ôud». L’école dispense des cours de sept instruments, mais le ôud est sans conteste celui qui a le plus de succès, selon Romani Armis, son fondateur. «On a une quinzaine d’élèves pour chaque instrument (…) mais pour le ôud, on en a environ 25 avec les cours en ligne», assure le mélomane dont c’est l’instrument de prédilection.

La «plupart des élèves» sont des débutants, ajoute la professeure Hagar Aboul Kassem, se réjouissant qu’il y ait «quatre filles parmi eux», dans une discipline dominée par les hommes. Avec ses origines remontant à plusieurs millénaires, le ôud est une des pièces maîtresses de la musique arabe classique, basée sur de complexes échelles de sons nommées maqamât. Longtemps resté un instrument d’accompagnement, il est peu à peu sorti de l’ombre depuis la fin du XIXe siècle. Fort de ses 25 ans de carrière, le luthier Khaled Azzouz a constaté un engouement «inédit» pour le ôudpendant la pandémie, avec une «pression sans précédent sur la demande».

A la tête du plus grand atelier de fabrication d’Egypte avec ses 32 ouvriers dans le quartier d’al-Marg, dans le nord de la capitale, l’artisan fournit la branche cairote de «Beit al-ôud», une école dédiée et dotée de plusieurs antennes dans le monde arabe. Occasionnellement, des enfants du quartier viennent abattre de menues besognes aux côtés des artisans pour gagner un peu d’argent de poche, explique M. Azzouz en montrant des petits garçons enlevant des agrafes de la voûte d’instruments inachevés.

L’atelier produit 750 objets par mois et exporte vers 12 pays, de la Suède à la Tunisie en passant par les Etats-Unis et l’Arabie saoudite, son plus gros client depuis 2017. «Le problème du ôud, c’est qu’il faut le travailler trois ou quatre heures par jour et d’habitude, les gens n’ont pas le temps. Mais avec le coronavirus, tout le monde s’ennuie (…) et me contacte par internet pour des commandes», se réjouit-il.


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