Le regretté comédien Bachir Benmohamed

Un nom qui restera gravé dans les mémoires



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Disparu le lundi 10 août 2020 à l’âge de 85 ans à son domicile de la cité Filali à Constantine, le défunt Bachir Benmohamed a toujours été ce brave homme retiré, discret, modeste qui n’aimait guère les feux de la rampe.

D’ailleurs, bien qu’il soit très populaire et très estimé dans sa ville, et même en Algérie, peu de Constantinois connaissent vraiment son parcours qui remonte bien loin avec les plus anciennes associations de théâtre au Vieux Rocher. Né en 1935 dans un quartier de la vieille de Constantine, Bachir Benmohamed fera sa scolarité à l’ex-École Jules Ferry, dans le quartier de Sidi Djeliss. Il décidera de suivre plus tard une formation paramédicale. Il sera infirmier au CHU de Constantine, avant de terminer sa carrière professionnelle comme fonctionnaire à la polyclinique de la cité Filali d’où il partira à la retraite. Depuis son jeune âge, il était très attiré par le théâtre.

Il rejoint l’association El Amel El Masrahi, fondée en 1950 par El Hacen Bencheikh Lefgoun, l’un des pionniers du théâtre amateur à Constantine et en Algérie. L’association était une véritable école, dont le fondateur avait pour principal objectif de former des jeunes qui assureront la relève. El Amel El Masrahi était aussi l’une des rares troupes activant à l’époque coloniale dans la ville de Constantine avec El Hilel et Alf Leïla oua Leïla. Bachir Benmohamed fera ses premiers pas dans le théâtre amateur au sein de cette association qui sera d’ailleurs connue à travers des tournées dans plusieurs villes algériennes, récoltant un immense succès populaire. Benmohamed, connu pour son sérieux et sa discipline, sera même choisi comme assistant du fondateur de l’association El Hacen Bencheikh Lefgoun.

El Amel El Masrahi connaîtra un nouvel élan après l’indépendance. Elle comptait parmi ses adhérents une quarantaine de jeunes, dont des femmes. Il y avait des fonctionnaires, des ouvriers, mais aussi des étudiants et des lycéens. C’est ainsi que Bachir Benmohamed fera un long chemin avec des comédiens qui s’engageront plus tard dans une carrière au théâtre régional de Constantine (TRC), la télévision et même au cinéma.

On citera entre autres Hassan Benzerari, futur comédien professionnel au TRC, avec des apparitions au cinéma, dont la plus connue était son rôle dans Patrouille à l’Est  d’Amar Laskri. D’autres, comme Tayeb Noui, Abderrachid Zeghimi et Salah Segueni seront distribués dans des productions télévisées.

Les années du CRAC

Parmi ceux qui ont été très proches de Bachir Benmohamed durant des années, on citera Nouredine Bechkri, qui avait fait ses débuts en tant qu’amateur avant de devenir professionnel au TRC en 1975. «J’ai connu Bachir Benmohamed dans les années 1970, quand j’étais encore un jeune amateur au Théâtre du petit monde de l’Université populaire de Constantine, entre 1970 et 1974 ; c’était à l’occasion des spectacles donnés par El Amel El Masrahi dans son local dans le quartier de Djezzarine, et auxquels ont assistait souvent ; c’était lui qui veillait à l’organisation et ne cessait pas de nous rappeler à l’ordre, quand nous faisions du bruit pendant le spectacle ; je l’ai accompagné dans diverses productions ; on était inséparables durant de longues années ; c’était un père pour moi, et j’étais aussi son confident ; on partageait beaucoup de choses ensemble dans la vie.

C’est vrai qu’il était toujours connu par son caractère sérieux et sa rigueur, même lorsqu’il tournait les scènes les plus comiques ; beaucoup gardaient de lui l’image d’un homme difficile, mais il était très abordable pour ceux qui le fréquentaient bien ; au fond c’était un brave homme au bon cœur ; il était très respecté par tous ceux qui l’ont connu ; on l’a perdu, que Dieu ait son âme», témoigne-t-il avec émotion.

Après les années d’apprentissage à El Amel El Masrahi, Bachir Benmohamed, qui ne voulait pas quitter le théâtre amateur, connaîtra une nouvelle expérience en intégrant le Centre régional de l’action culturelle (CRAC). Ce dernier a été fondé en 1965 par Cherif Djilani, Abdelkader Melloul, Salim Merabia, Abdelhamid Habbati, Bachir et Allaoua Wahby.

Ainsi, Benmohamed fera partie d’un groupe de jeunes comédiens, dont on y trouve également ceux qui vont rejoindre le TRC après sa création en 1973, comme professionnels à l’instar d’Abdelhamid Ramdani, Djamel Dekkar, Aïssa Redaf et Antar Hellal. En quelques années, le CRAC s’est distingué par une activité théâtrale remarquable, avec douze pièces produites et des consécrations mémorables au festival national du théâtre amateur de Mostaganem, la plus ancienne manifestation culturelle en Afrique et dans le monde arabe, où il avait réussi à décrocher le 1er prix en 1968, 1969 et 1971, ainsi qu’une participation au festival arabe du théâtre en 1972.

Une expérience avec El Bahalil

C’est vers la fin des années 1960 que la troupe d’El Bahalil fut fondée par Acheuk Youcef Abderrahmene. Ce dernier, né en 1925 à Constantine, est peu connu de nos jours, bien qu’il soit l’une des figures du théâtre dans la ville dans les années 1940-1950 aux côtés d’El Hacen Bencheikh Lefgoun, avec qui il a produit certaines pièces de théâtre.

On relève cependant que peu d’écrits ont relaté l’histoire de la troupe d’El Bahalil, dont Bachir Benmohamed était membre, et qui avait pourtant marqué le paysage audiovisuel à Constantine à une époque où la station de la télévision de la ville qui émettait à partir des anciens studios situés en face de l’immeuble de la cité Bel Air, remplacés aujourd’hui par une école primaire, avait réellement une vocation régionale et diffusait ses programmes sur la région est, avant la centralisation des programmes de la télévision algérienne. Dans son livre Constantine, histoire d’un théâtre 1974-2014, Mohamed Ghernaout, chercheur qui s’intéresse depuis des années à l’histoire du théâtre à Constantine et en Algérie, a consacré une page entière à cette troupe qui avait réuni des comédiens ayant fait tous leurs débuts à El Amel El Masrahi, dont Bachir Benmohamed, Rachid Zeghimi, Abderrahmene Segueni et Hassan Kadoum.

La troupe se produisait tous les 21 jours en donnant des spectacles d’humour, dont on citera Les artistes, Mariage mariage, Indépendants et Jeuneurs. Sa meilleure prestation qui restera dans les annales a été sa participation dans une diffusion maghrébine en direct à partir de la salle Colisée avec l’orchestre tunisien Errachidia, la chanteuse constantinoise Thouraya et des chanteurs Sétifiens, dont Bekakchi El Khair. Le public la verra pour la dernière fois lors de la célèbre émission de variétés Rasd ou Maya de Leïla Berrabeh, consacrée au regretté maître du malouf, Mohamed-Tahar Fergani. C’était en 1975. Durant la même année, Bachir Benmohamed est distribué pour la première fois dans le téléfilm Douleur de Mohamed Hazourli, aux côtés d’Abdelhamid Habbati et Hassan Benzerari.

La belle époque d’Aâssab oua awtar

L’année 1979 avait connu le début de la série télévisée mythique Aassab oua awtar de Mohamed Hazourli, produite par la station de la télévision de Constantine, et qui marquera des générations de téléspectateurs sur une quinzaine d’années.

C’est l’émission qui fera propulser Bachir Benmohamed, à l’instar d’autres héros de cette série vers le sommet de la popularité. Il est vrai que le mérite revenait à son réalisateur Mohamed Hazourli, qui avait réussi avec intelligence et ingéniosité à trouver «la recette magique» en tirant le maximum des capacités de chaque acteur, auquel il confiait le rôle qui collait parfaitement avec son caractère et son profil, excellant en même temps à allier scénario et improvisation. Il avait su également réunir les comédiens professionnels du TRC et ceux qui avaient fait leur choix par conviction de rester dans le théâtre amateur, pour créer «une équipe» qui fera des merveilles.

Benmohamed trouvera un plaisir à jouer des rôles d’un homme «colérique», qu’il soit père de famille, voisin, fonctionnaire, vendeur, chef d’agence, mais son rôle le plus marquant demeure celui de  Ammi Bachir El Marca dans l’épisode d’Assab oua awtar consacré au football diffusé en 1990.

Le public gardera également en mémoire son rôle de convoyeur dans le fameux téléfilm  Rih Tour, réalisé en 1994 par Aziz Choulah, révélant la mésaventure d’un groupe de touristes désireux de passer des vacances, mais qui seront arnaqués par un gérant d’une agence de voyages. Après ce bref passage, Bachir Benmohamed fera un retour à la fin des années 1990 vers les feuilletons dans Bab Erraï, d’Amar Mahsene, sous la direction duquel il jouera le rôle d’El Khair dans Ya amer ya nassi (saison 1), puis avec le réalisateur Hocine Nacef dans la saison 2 du même feuilleton.

Une production qui a été totalement tournée à Sétif, et dont les Sétifiens qui l’ont vu à l’époque en gardent toujours de bons souvenirs. Bachir Benmohamed terminera sa carrière dans la fameuse série télévisée Nass M’lah City de Djaâfar Gassem, produite entre 2002 et 2004, dans laquelle il a tourné des épisodes mémorables avec Biyouna, mais aussi ses amis d’El Amel El Masrahi, Rachid Zeghimi et Hassan Benzerari. Après son retrait de la scène, Bachir Benmohamed restait très discret et apparaissait rarement en public.

Sa dernière apparition remonte à 2015 lors d’un hommage organisé au théâtre régional de Constantine en l’honneur des comédiens de la série Aassab oua awtar, à l’occasion de l’événement «Constantine, capitale de la culture arabe 2015». Ayant souffert, ces dernières années, de problèmes de santé, il ne quittera pas son domicile.

Il partira dans la matinée du 10 août 2020 laissant derrière lui un nom qui restera gravé dans la mémoire des Algériens.


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