Le procès en appel de l’assassinat de Ali Tounsi prévu le 22 février prochain

Une affaire et des zones d’ombre



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Reconnu coupable et condamné à mort pour «homicide volontaire avec préméditation» et «guet-apens» contre le défunt Ali Tounsi, ancien patron de la police, de «tentative d’assassinat avec préméditation» contre l’ex-chef de sûreté de wilaya d’Alger, Abdelmoumène Abdrabi, et «port d’arme à feu sans autorisation», l’ancien directeur de l’unité aérienne de la police, Chouaib Oultache, aura un nouveau procès. La Cour suprême a cassé le verdict du mois de mars 2017, et l’affaire sera rejugée le 22 février prochain. Va-t-on vers de nouvelles révélations ou vers la clôture de ce crime dont les mobiles restent inconnus ?

Le 22 février prochain, à 3 jours du 11e anniversaire de l’assassinat de l’ex-patron de la police, Ali Tounsi, dans son bureau, le 25 février 2010, Chouaib Oultache, l’auteur du crime, devra comparaître pour le seconde fois devant le tribunal criminel près la cour d’Alger. Les pourvois en cassation du parquet général, de l’accusé et des parties civiles, ont abouti à la cassation du premier verdict, au mois de juillet dernier, et le renvoi de l’affaire devant la même juridiction, autrement composée.

Pour certains avocats, cette affaire revient dans un contexte «particulier qui pourrait aider Oultache à bénéficier d’un procès équitable et serein». Il y a d’abord, expliquent-ils, le «départ» et le «décès» de certains responsables de l’époque, mais aussi les «changements opérés dans certaines structures de l’Etat». Pour d’autres avocats, «bien au contraire, ce procès n’apportera rien de nouveau».

L’ancien ministre de l’Intérieur, le défunt Yazid Zerhouni, qui avait émis, quatre heures après le crime, un avis sur l’état de la santé mentale de l’accusé, n’est plus de ce monde, le président Bouteflika n’est plus en poste, le procureur général près la cour d’Alger est devenu ministre de la Justice, alors que le chef de la police judiciaire de la Sûreté nationale est depuis longtemps à la retraite. Il ne faut pas s’attendre à de nouvelles révélations sur les circonstances de cet assassinat», nous dit-on.

Entre les avis des uns et des autres, l’assassinat du patron de la police par un de ses plus proche collaborateur, et au sein même de son bureau, a fait l’effet d’une bombe et, à ce jour, même si Oultache a été reconnu coupable de ce crime, il n’en demeure pas moins que les circonstances restent énigmatiques et entourées de beaucoup de zones d’ombre.

En effet, le procès de cette affaire importante a été expédié en deux jours et en l’absence de nombreux témoins cités dans le dossier ou ceux réclamés par la défense, avant que l’accusé ne soit condamné à la peine de mort pour «homicide volontaire avec préméditation» et «guet-apens» contre Ali Tounsi, «tentative d’assassinat avec préméditation» et «guet-apens» contre l’ancien chef de sûreté de wilaya d’Alger Abdelmoumène Abdrabi, et «port d’arme à feu sans autorisation».

Tout au long de ces deux journées de procès, le juge Omar Belkherchi montrait tantôt sa partialité, tantôt sa colère et tantôt son impatience à l’égard d’un accusé parfois virulent, cassant, qui martèle sa vérité en ressassant inlassablement cette phrase : «Je n’ai pas tué le directeur général.»

L’audition d’Oultache n’a pas été facile et se déroulait souvent dans une ambiance électrique, suscitant l’intervention intempestive de la défense de l’accusé ou des réponses agressives de ce dernier. «Je suis un dur à cuire. J’ai quitté l’armée parce que pour accéder au grade de général, il fallait dire oui sidi», lançait Oultache au juge qui insistait sur sa carrière professionnelle.

Oultache n’y va pas avec le dos de la cuillère en accusant le juge d’instruction, le procureur général, à l’époque Belkacem Zeghmati, et ses anciens collègues de la police judiciaire «d’avoir fomenté un complot» contre lui, à l’instigation de l’ex-ministre de l’Intérieur et des Collectivités locales, le défunt Noureddine Zerhouni.

Il jette un pavé dans la mare en déclarant, après avoir été confronté aux photos de Ali Tounsi, touché à la tête : «Je l’ai seulement blessé au bras. Il me menaçait avec un coupe-papier. Ce sont eux qui l’ont achevé. Les balles qu’il a reçues à la tête ne sont pas les miennes. Elles sont de calibre 8 millimètres, alors que celles de mon pistolet sont du 9 millimètres.»

Lorsque le juge lui a donné le dernier mot, il a déclaré : «Je ne l’ai pas tué. Je regrette juste d’être entré avec lui dans la discussion et de l’avoir suivi.» Pourtant, l’expertise et les experts appelés à la barre l’ont confronté avec des preuves balistiques. Sa défense a suscité le doute, en axant son intervention sur certains points restés en suspens.

Me Belarif a estimé que «dès le départ, ils ont faussé l’enquête. Oultache avait été gravement blessé dans le couloir. Il a été ceinturé par cinq officiers alors qu’il avait une arme hors d’usage. Il n’a été évacué à l’hôpital que vers 12h45, soit plus d’une heure et 45 minutes après sa neutralisation. La scène de crime a été piétinée et totalement polluée par les va-et-vient injustifiés et illégaux des policiers. Une trentaine de balles ont été tirées dans le bureau du directeur général et une dizaine dans le couloir.»

Citant des procès-verbaux d’audition, il a affirmé : «Abderabou dit qu’il a demandé par radio l’aide des éléments de la Brigade de recherche et d’investigation (BRI) qui relèvent de sa compétence en tant que chef de sûreté de wilaya d’Alger. C’est lui qui a dirigé toutes les opérations de l’enquête préliminaire. Il y a une forte suspicion d’une orientation, surtout qu’il s’est constitué partie civile en déclarant qu’il y a eu une tentative d’assassinat sur lui. La BRI s’est comportée en ignorant totalement le procureur de la République que nous ne voyons nulle part.

Dès le départ, la BRI a manipulé la procédure en transportant le corps de la victime vers la clinique Les Glycines, puis vers le laboratoire scientifique de la police à Châteauneuf, avant de l’acheminer vers la morgue du CHU Mustapha pour l’autopsie. La police judiciaire s’est autosaisie, alors que la réquisition devait être faite par le procureur. Nous ne retrouvons aucune ordonnance du parquet pour effectuer les manipulations sur la scène de crime. La crédibilité des indices est fortement suspecte.» Pour l’avocat, le rapport de la BRI fait état de la récupération de deux balles sur la scène de crime, après des recherches minutieuses, et d’une troisième extraite du corps de la victime.

Crime ordinaire ou politique ?

«Comment est-ce possible ? L’arme d’Oultache a été retrouvée avec 4 balles et ne pouvait contenir que 6 balles. S’il en a tiré deux, comment peut-on en récupérer trois ? Deux sur les lieux du crime et une dans le corps du défunt. Il y a forcément une balle de plus qui a été ramenée pour dissimuler des preuves.» Me Belarif s’en est pris au médecin légiste : «Il a dit qu’Oultache était en position debout lorsqu’il a tiré sur le défunt, alors qu’il était assis sur son fauteuil la tête un peu penchée. Selon lui, Tounsi s’est levé et a tenté de fuir, mais il s’est écroulé sur le côté droit de son bureau. Un coup de revolver à la joue l’aurait forcément poussé vers l’arrière. Il est impensable qu’il tombe plus loin que son bureau. Comment se fait-il qu’il n’y ait pas de sang ni sur le bureau ni sur son fauteuil, alors que la balle a traversé la langue et la mâchoire. Il dit aussi qu’Oultache est revenu pour tirer une balle qui a atteint le maxillaire droit avant de sortir du crâne, et fait état, dans le certificat de décès, d’une plaie pénétrante sur le sommet du crâne.

Or, les photos ne montrent aucun indice d’éclatement crânien. On nous a ramené une chemise du défunt que nous suspectons. Elle est blanche à rayures noires, avec un morceau qu’on a arraché au niveau du côté droit. Elle était couverte d’une teinte à peine rougeâtre. Comment pouvons-nous croire que Ali Tounsi puisse porter la chemise directement sur le corps. Il devait avoir un maillot de corps que nous n’avons pas eu.» Toutes ces «violations» ont poussé l’avocat d’Oultache à affirmer que ce dernier «n’est pas l’auteur du crime». Mais, le tribunal a décidé à l’unanimité de la culpabilité de l’accusé.

Représentée par Me Fatima Chenaif, la défense de la famille du défunt patron de la police a estimé pour sa part «avoir réclamé justice» et, de ce fait, par le verdict, «nous pensons que le tribunal a rendu justice».

Cependant, même si elle reste convaincue de la culpabilité de l’accusé, l’avocate considère la mort de Ali Tounsi, comme «une affaire politique» qui, selon elle, ressemble à celle de l’assassinat de Mohamed Boudiaf, le 29 juin 1992, par un de ses gardes, parce que «le ou les commanditaires du meurtre demeurent derrière le rideau».

En tout cas, le procès de 2017 qui a déclaré Oultache pénalement responsable de la mort de Ali Tounsi  n’a pas pour autant levé le voile sur les vrais mobiles du crime et à qui il aurait profité. Peut-on s’attendre à de nouvelles révélations ou allons-nous vers la fermeture définitive de ce dossier ? La question reste posée.


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