Abderrahmane Benhamadi. président du conseil d’administration de Condor

«Condor exportera pour 100 millions de dollars en 2021»



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-Peut-on avoir une idée sur les indicateurs économiques de l’entreprise de ces dernières années ?

Les deux dernières années (2019 et 2020) ont été difficiles et éprouvantes pour l’entreprise. Contrairement à 2018 – exercice référence ponctué d’un chiffre d’affaires (CA) de 95 milliards de dinars (MDA) –, Condor a clôturé 2020 avec un CA de 34 MDA. Par rapport à 2018, la diminution avoisine les 80%. En comparaison avec l’exercice de 2019 enregistrant un CA de 63 MDA, la chute est d’environ 50%. La baisse de l’activité a impacté l’outil de production de l’entreprise employant, en 2018, plus de 6700 travailleurs. La conjoncture nous a contraints à fonctionner avec 5200 éléments en 2019. A cause des harcèlements administratifs, qui perdurent d’ailleurs, Condor termine 2020 avec 4200 agents. Le groupe, qui a beaucoup investi dans la formation de ses personnels, perd en deux années 2500 agents. Ce n’est pas du tout évident de remplacer des personnels expérimentés.

-La baisse des différents ratios a-t-elle impacté la situation financière de l’entreprise ?

Malgré une conjoncture difficile et complexe à la fois, la situation financière de Condor, faisant de l’exportation son principal cheval de bataille, est stable. Nos engagements envers les banques, les fournisseurs ainsi que les différentes administrations fiscales sont honorés rubis sur l’ongle. Au titre des impôts et taxes, Condor a, en 2018, versé au Trésor public 25 milliards de dinars (2500 milliards de centimes). Soit 10 milliards de centimes/jour. En 2020, le Trésor public n’a encaissé que 12 milliards de dinars. Avec une baisse de recettes de plus de 50%, le Trésor public est le plus grand perdant dans l’affaire. Les turbulences vécues par l’entreprise n’ont pas altéré nos relations avec les institutions financières.

Pour preuve, Condor a remboursé aux banques publiques et privées 3 milliards de dinars (300 milliards de centimes) d’intérêts, en 2018. Crédible et solvable, l’entreprise a remboursé 2,6 milliards de dinars en 2020. La confiance des clients algériens et étrangers a permis à l’entreprise de tenir le coup et de maintenir son activité. Cette confiance nous a permis de relancer l’activité de l’entreprise, qui compte créer plus de 3705 postes de travail en 2021 et 2022, de renouer avec la croissance, d’innover, de booster nos taux d’intégration, de consolider notre position de leader algérien de l’électronique et de l’électroménager et de se frayer de nouveaux chemins à l’international. Nous allons, par ailleurs, renforcer le volet formation, l’autre cheval de bataille de l’entreprise pour laquelle la ressource humaine est son principal capital.

-La chute du prix du pétrole et la pandémie de coronavirus sont-elles les principales causes de la baisse des revenus de l’entreprise ?

Condor réalise 99% de son chiffre d’affaires avec le consommateur pour lequel notre rapport qualité-prix défie toute concurrence. La baisse de la commande publique n’a pas impacté nos résultats. Il est important de préciser que les crédits d’investissement ne représentent que 2% des biens de l’entreprise, dont 93% de ses assiettes foncières ont été acquises en seconde main.

-Les turbulences des dernières années et la crise sanitaire n’ont-elles pas freiné vos exportations ?

Le placement de nos produits à l’étranger a été et demeure l’axe prioritaire de l’entreprise accusant le coup en 2020. L’année dernière, nos exportations ont chuté de plus de 70%. Ayant atteint 29 millions de dollars deux années de suite (en 2018 et 2019), nos expéditions vers la Tunisie, la Libye, la Mauritanie, le Sénégal, la Jordanie, le Congo-Brazzaville où nos produits sont appréciés n’ont pas dépassé les 10 millions de dollars en 2020. En dépit des contraintes, nous avons continué à faire du chiffre. Je profite de l’opportunité pour préciser que le taux d’intégration de l’électroménager oscille entre 40 et 75%, alors que l’électronique Condor se situe entre 30 et 35%. Constituée de 92 conteneurs d’une valeur de 1,3 million de dollars, l’importante cargaison expédiée en mars dernier vers la Libye et la Tunisie s’inscrit pleinement dans la nouvelle politique des pouvoirs publics tablant cette année sur 5 milliards de dollars d’exportation hors hydrocarbures.

-Pour un meilleur positionnement sur les marchés internationaux, Condor s’est-il fixé un objectif précis pour 2021 ?

Pour l’année en cours, nous comptons exporter 20% des 3,5 millions d’unités fabriquées par l’entreprise. Avec son énorme potentiel, l’entreprise est en mesure d’atteindre le seuil des 100 millions de dollars. Malgré la complexité de la mission, l’objectif est réalisable. Avec un excellent rapport qualité-prix, les produits Condor, tels que les réfrigérateurs et climatiseurs, sont cotés en Libye et en Jordanie, des marchés porteurs. En Mauritanie, où un de nos distributeurs a pu vendre pour 50 000 dollars en 48 heures, le produit «made in Algeria» occupe une place de choix. En 2018, Condor était la marque n°1 en Tunisie, où la concurrence étrangère est rude. Placée sous le thème «Promotion des échanges interafricains» la conférence, tenue à Alger jeudi dernier, à laquelle ont assisté des ambassadeurs et attachés économiques de 22 pays africains, s’inscrit dans la nouvelle dynamique de l’entreprise, qui ambitionne d’atteindre à moyen terme les 200 millions de dollars d’exportation. L’ambitieux projet consiste à élargir sa présence en Afrique, surtout dans la partie offrant de nombreuses opportunités au produit algérien. La démarche de Condor est basée sur des échanges fructueux. Avec le concours et l’appui de l’ambassade de la Côte d’Ivoire à Alger, Condor va former 20 jeunes Ivoiriens qui devront prendre en charge le service après-vente (SAV) des magasins Condor à Abidjan, la porte de l’Afrique de l’Ouest et façade de l’océan Atlantique.

-L’internationalisation de l’activité est actuellement l’autre leitmotiv de nombreux investisseurs et exportateurs algériens. Quelle est votre position en la matière ?

Le partenariat gagnant-gagnant en Afrique ne peut et ne doit se limiter au commerce. Pour augmenter les volumes de nos échanges et pérenniser notre présence dans une zone aussi stratégique que le continent, nous devons impérativement investir en Afrique. Pour l’intérêt de l’économie nationale, l’internationalisation de l’activité, comme l’ouverture de banques algériennes à l’étranger, est un passage obligé. D’autant que le monde de l’après-Covid-19 l’exige. Avec son savoir-faire, un potentiel humain expérimenté, Condor, dont les investissements cumulés ont atteint fin 2020 plus de 400 millions de dollars, est disposé, dès demain, à installer des unités de production en Afrique.

-Qu’en est-il du projet Condor-Energy ?

Avec une capacité de production de 130 mégawatts, notre unité des panneaux photovoltaïques a exporté vers la Mauritanie. A cause de la crise sanitaire, nous n’avons pas pu satisfaire les commandes de nos clients étrangers. Avec un tel créneau, Condor cherche à diversifier la gamme de ses exportations. Très bénéfique pour l’agriculture du Sud faisant face à un déficit en électricité, le panneau solaire est le meilleur moyen d’alimenter les pivots d’arrosage. Pour réussir la transition énergétique, notre défi de demain, Condor présente un nouveau projet «Soleil de Minuit», un dispositif d’éclairage public en LED. Un tel dispositif est alimenté par un kit de panneaux photovoltaïques en mesure de rationaliser l’utilisation des énergies. L’ambitieux projet vise essentiellement des start-up. Il pourrait créer plus de 60 000 postes de travail.

-Les dernières dévaluations du dinar ont-elles mis à mal le pouvoir d’achat du consommateur ?

Après la suppression des autorisations CKD, nous sommes revenus au régime général, lourd et contraignant à la fois. La démarche nous oblige à déclarer chaque produit (la tôle, le produit chimique, les composants électroniques et autres) dans sa position tarifaire. Au lieu d’une seule déclaration, nous sommes donc contraints d’en faire une cinquantaine. En plus des procédures administratives, le processus est à l’origine de l’augmentation du prix de vente du produit. Il impacte de 20% le pouvoir d’achat du consommateur algérien et étranger.

-Où en êtes-vous avec le projet d’usine automobile Peugeot ?

Formé par un montage financier atypique (public, privé algérien et étranger), le projet Peugeot-Algérie, détenu à hauteur de 49% par PSA, l’Etat algérien à travers PMO 20%, l’entreprise Belarbi 15,5% et Condor 15,5%, ce qui représente 51% des actions, est toujours d’actualité. Pour la relance du gigantesque projet devant créer de l’emploi et de la richesse, on n’attend que la publication de la nouvelle réglementation régissant l’industrie automobile en Algérie.


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